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Histoire & Sciences sociales  ->  Période Contemporaine  
 

L’architecte et la mémoire allemande
Heinrich Breloer   Speer et Hitler - L'architecte du diable
Canal + Editions 2006 /  22 € - 144.1 ffr. / 409 pages
ISBN : 2-226-14424-2
FORMAT : 15,5cm x 24,0cm

L'auteur du compte rendu : Agrégé, Pierre Triomphe vient de soutenir une thèse sur «Les mises en scène du passé au Palais-Bourbon (1815-1848). Aux origines d’une mémoire nationale». Il a publié L’Europe de François Guizot (Privat, 2002).
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En cette période où le «devoir de mémoire» occupe le devant de la scène, et où les conflits mémoriels sont multiples, il est bon de se souvenir que le débat est loin de se limiter aux historiens, et que les artistes y jouent un rôle essentiel, à commencer par ceux qui touchent un vaste public, comme les réalisateurs. Heinrich Breloer, auteur de plusieurs documentaires, dont on peut retenir celui consacré à Thomas Mann, nous livre ici une adaptation du scénario du documentaire qu’il a consacré à Speer et Hitler, dont les trois épisodes ont été visionnés par plus de cinq millions de personnes en Allemagne, et qui sort actuellement en DVD.

La personnalité d’Albert Speer n’a en effet de cesse de fasciner et de susciter des interrogations. Né en 1905 dans une famille d’architectes, il se prépare à suivre la trace de ses ascendants, lorsque l’arrivée au pouvoir d’Hitler et du parti nazi, auquel il a adhéré en 1931, lui permet une fulgurante progression. Chargé de la mise en scène des grands rassemblements du Parti, des travaux de la Chancellerie, il devient très rapidement un proche d’Adolf Hitler, qui le charge de la rénovation de Berlin en 1937, ce qui lui fait jouer un rôle dans l’expulsion de nombreuses familles juives, mais aussi dans la construction d’usines et la production de matériel militaire. C’est ainsi qu’en 1942, il devient ministre de l’Armement du Reich, où ses talents d’organisateur s’avèrent exceptionnels. Son refus lors des derniers mois de la guerre d’exécuter aux dépens des Allemands la politique de la terre brûlée décidée par Hitler est bien connu, de même que sa «conversion» à la suite du procès de Nuremberg, où il écope de vingt ans de prison. Les dernières années de sa vie sont en effet marquées par la publication de ses souvenirs (ses Mémoires, parues en français sous le titre Au cœur du Troisième Reich et son Journal de Spandau) et de multiples actes de contrition. Le rôle du personnage, son ambiguïté, sa sincérité, ont déjà suscité une abondante production, le plus souvent l’œuvre de journalistes qui ont eu l’occasion de le fréquenter.

Sur tout cela, l’ouvrage d’Heinrich Breloer, qui eut l’occasion de rencontrer Speer peu de temps avant sa mort, en 1981, n’apporte rien de neuf. Il présente une vision négative de Speer assez conforme à celle qu’a livrée il y a quelques années Joachim Fest, dont la biographie reste la référence à l’heure actuelle, et s’inscrit donc en porte à faux par rapport à l’autre ouvrage récent, plus empathique, de G. Sereny : Albert Speer. Son combat avec la vérité. Plus généralement, et au-delà de la figure de Speer, c’est toute la question de la mémoire, allemande en particulier, du nazisme et de la Seconde Guerre mondiale, que posent de tels ouvrages. Le livre de Breloer renvoie à la forte culpabilité qui caractérise la mémoire allemande depuis la fin des années 60, même si à l’heure actuelle cette tendance est de plus en plus contestée.

La structure de l’ouvrage met d’ailleurs au centre du sujet la question de la culpabilité d’Albert Speer. Le fil conducteur de la narration n’est pas la chronologie, mais la situation d’Albert Speer lors du procès de Nuremberg. C’est sous forme de flash-back qu’apparaissent sa jeunesse, son rôle sous le nazisme et ses relations avec Hitler ou sa famille, alors que sa longue vie après le verdict du procès ne fait l’objet que d’un court chapitre. L’intérêt et l’irritation qu’on peut prendre à la lecture de l’ouvrage, agrémenté par ailleurs d’assez riches illustrations, sont directement liés à l’écriture cinématographique ; les propos, par exemple, de trois des enfants de Speer, qui émaillent la narration, ne sont pas sans intérêt. Inversement, la reconstitution de scènes fictives peut irriter.

Ceci nous amène à une dernière interrogation : la publication de la version écrite du documentaire se justifiait-elle ? Si elle risque d’irriter beaucoup de lecteurs, parmi le grand public cultivé et a fortiori les historiens, la lecture, assez agréable, du livre, peut également satisfaire la curiosité de certains, notamment parmi ceux qui se sont laissés séduire par le film.


Pierre Triomphe
( Mis en ligne le 23/08/2006 )
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