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Histoire & Sciences sociales -> Période Contemporaine |
| Fernande Gontier Claude Francis Simone de Beauvoir Perrin 2006 / 21.50 € - 140.83 ffr. / 415 pages ISBN : 2-262-02492-8 FORMAT : 15,5cm x 24,0cm Imprimer
Cette biographie est une réédition dun ouvrage de 1985, qui était paru un an avant la mort de la célèbre philosophe. Écrit par deux universitaires américaines qui ont eu la chance de pouvoir sentretenir longuement avec S. de Beauvoir, ce livre met en avant des aspects peu ou mal connus de la vie du Castor. Louvrage, scindé en chapitres thématiques (lenfant et les autres, les professeurs, la guerre, les chemins de la gloire
) suit néanmoins un parcours chronologique assez clairement balisé, mais qui névite pas quelques répétitions.
Son enfance dans un milieu où très vite elle prend conscience de son déclassement, perturbée par la guerre - bien quelle nait manqué aucun jour de classe -, la banqueroute et lemprisonnement du grand-père paternel, les relations conflictuelles entre ses parents sont évoqués comme des épisodes pénibles mais formateurs pour la jeune Simone, enfant brillante et singulière. Son amitié passionnée avec Zaza fait aussi partie des jalons fondateurs pour la jeune adolescente révoltée quelle fut : les circonstances de la mort de son amie, ignorées jusque tardivement par Simone elle-même, jettent une lumière effrayante sur un milieu bourgeois encore très convenu.
Les deux auteurs nous font ainsi suivre pas à pas le parcours de létudiante en philosophie à la fin des années 1920, ses rencontres, sa vie nocturne très jeune fort agitée. La rencontre avec Sartre au moment de la préparation de loral de lagrégation en 1929 est un peu expédiée, comme faisant partie des éléments les plus connus de la vie du Castor. Néanmoins on perçoit assez bien sous la plume des auteurs les hésitations et les doutes dune jeune et brillante professeur de philosophie dans les années 1930 en même temps que ses choix amoureux, de carrière et de vie, difficiles pour une femme à cette époque. La période de la Seconde Guerre Mondiale nous fait vivre le quotidien dune intellectuelle, engagée au cur de son temps. La mort de son père, les privations, lamitié avec Nathalie Sorokine, lune de ses élèves au lycée Molière, sont racontées avec le souci évident de reconstitution dune période dexception.
Cest surtout à partir de la seconde moitié du livre, au moment de la naissance de lexistentialisme dans la France de laprès-guerre, que lon sent que les auteurs se sont laissées aller à quelques facilités. Laventure des Temps Modernes est peu claire : si l'on insiste sur le retentissement et le succès de la revue dès son premier numéro, on comprend mal ce qui la met en butte à tant dattaques de la part dintellectuels comme André Gide. Les raisons de léloignement de Merleau-Ponty et de Camus sont aussi peu claires. Les débats Sartre/Aron sont à peine évoqués. Lexistentialisme est défini assez vaguement sans que soit précisé larrière-plan historique.
Là surtout réside la faiblesse de cette biographie : la philosophie et lhistoire des idées ne semblent pas intéresser véritablement les deux auteurs. Certes, le contexte est toujours évoqué mais parfois avec des approximations qui font sourire. Ainsi en 1936, au lycée Molière, devant un public de jeunes élèves qui deviennent vite des «admiratrices fanatiques», on apprend que la jeune prof de philo venait faire cours en apportant «en classe Marie-Claire et posait ce nouveau magazine féminin à côté de son sac» (p.168). Quand on sait que ce magazine a été créé en 1954, il y a de quoi être surpris. De même, le chapitre consacré à lamant américain Nelson Algren est un exemple tout à fait emblématique de cette tentation de lanecdotique : cest une Simone de Beauvoir amoureuse et émouvante qui se profile au travers de la correspondance enflammée des ces deux grands écrivains. Fallait-il pour autant sombrer dans le ridicule avec des phrases comme «Elle vit seulement que cétait lui, il vit seulement que cétait elle» (p.312)?
Surtout, leur histoire passionnée se situe dans un contexte éminemment politique au tournant des années 1940 et 1950, qui explique aussi en partie pourquoi Beauvoir, très engagée dans la publication des Temps Modernes, consciente que sa carrière décrivain et son compagnon de toujours se trouvaient en France, ne pouvait partir pour lAmérique. De la même manière, les rapports entre Sartre, Beauvoir et le communisme sont peu explicités. Nayant jamais adhéré au PCF, et vigoureusement anti-staliniens, ils acceptent pourtant linvitation de lUnion des Écrivains soviétiques en 1962 et sont reçus assez froidement par Khrouchtchev. On apprend que celui-ci a été mis en garde contre eux par Maurice Thorez, sans que soient vraiment mises en perspective les raisons de leur opposition avec celui-ci.
Bref, on a parfois limpression du déroulement dune longue suite danecdotes, agrémentées de commentaires sur un article, une série de conférences ou une interview de la philosophe. La personnalité attachante et ombrageuse de Beauvoir apparaît souvent, mais son parcours, ses choix, auraient demandé à être davantage éclaircis par une étude historique plus rigoureuse. Ainsi, les citations fort nombreuses, sont-elles référencées globalement par chapitre en fin douvrage, sans être toujours très précises. En somme, cette biographie, qui se lit facilement et nous livre quelques aperçus méconnus de lauteur du Deuxième Sexe, manque dune analyse en profondeur sur la vie dun personnage au cur de son siècle.
Claire Barillé ( Mis en ligne le 25/10/2006 ) Imprimer
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