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Histoire & Sciences sociales  ->  Période Contemporaine  
 

1914-1918 : le grand bouleversement
Frédéric Rousseau   La Grande Guerre en tant qu'expériences sociales
Ellipses 2006 /  11 € - 72.05 ffr. / 175 pages
ISBN : 2-7298-2761-7
FORMAT : 14,5cm x 19,0cm

L'auteur du compte rendu: Agrégé et docteur en histoire, Jean-Noël Grandhomme est l'auteur d'une thèse, "Le Général Berthelot et l'action de la France en Roumanie et en Russie méridionale, 1916-1918" (SHAT, 1999). Il est actuellement PRAG en histoire contemporaine à l'université "Marc Bloch" Strasbourg II.
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Si «ce petit manuel n’ambitionne pas de remplacer ceux déjà existant», écrit Frédéric Rousseau dès la première phrase de cet ouvrage, il «veut marquer une rupture avec une histoire culturelle du conflit qui a longtemps encombré l’historiographie en plaçant les représentations des contemporains, et seulement elles-ci, au cœur de ses recherches et de ses explications.» Le ton est ainsi donné dès l’introduction : l’auteur entend se démarquer des travaux de «l’école de Péronne», qui dominent l’historiographie française depuis une vingtaine d’année, imprégnant aussi la plupart des ouvrages grand public, des émissions de radio et de télévision et même des manuels scolaires.

Professeur à l’université de Montpellier, Frédéric Rousseau, avec d’autres universitaires – comme Rémy Cazals, professeur à l’université de Toulouse, ou encore Nicolas Offenstadt, maître de conférences à Paris –, conteste depuis plus d’une décennie maintenant les conclusions d’enseignants-chercheurs comme Stéphane Audoin-Rouzeau et Jean-Jacques Becker (dont l’Encyclopédie de la Grande Guerre 1914-1918, parue en 2004, est cependant honnêtement citée dans la bibliographie parmi les ouvrages fondamentaux sur la période).

Dans son approche du premier conflit mondial, l’auteur entend ne pas se limiter aux seules sciences historiques et mettre à contribution – en bon continuateur de l’école des Annales – des disciplines telles que la sociologie, l’anthropologie, les sciences politiques, «sans rejeter l’étude des représentations, mais en la dépassant». Il commence par se poser des questions sur les origines du conflit : somme de contentieux territoriaux, de rivalités coloniales, économiques et commerciales. Il décrit ensuite un «environnement culturel et idéologique belligène» (dans la littérature, à l’école, à la caserne), évoquant avec raison les responsabilités de la science et du positivisme à travers le darwinisme social et le «racialisme». La course aux armements et l’engrenage des alliances font le reste : le mécanisme des entrées en guerre est impossible à arrêter (du moins il ne l’a pas été). Ce conflit balkanique devient vite européen, puis mondial, selon la logique des intérêts de chacun, plus ou moins dissimulés derrière un paravent idéologique (le Japon constitue un bon exemple de «guerre privée» camouflée). L’auteur n’oublie pas «l’histoire bataille», présentée ici sous la forme d’une chronologie.

Offrant dans ce manuel une synthèse de ses travaux les plus marquants – éléments fondamentaux de la controverses entre les différentes écoles historiques -, La Guerre censurée (1999, 2003), 14-18. Le cri d’une génération (2001) et Le Procès des témoins de la Grande Guerre. L’Affaire Norton-Cru (2003), Frédéric Rousseau consacre un long chapitre aux expériences combattantes (expression volontairement mise au pluriel afin d’en marquer l’extrême diversité). Plusieurs extraits de carnets et souvenirs de poilus évoquent les attaques, la boue, la faim, le froid, et l’auteur s’interroge sur les raisons de la ténacité des soldats. Au delà de la seule «contrainte» ou du seul «consentement», il propose comme explication un «faisceau de facteurs», insistant sur l’amour de la famille, de la «petite patrie», sur la camaraderie, la force de l’habitude, le rôle des officiers de tranchées, alliés au poids de la discipline militaire et à la culture de l’obéissance. Il évoque aussi les «refus de marcher» : mutineries, désertions, désintégration de l’armée russe, mais, sans en minorer l’importance, n’en fait pas l’élément central du conflit.

La deuxième grande partie de ce livre est consacrée aux fronts intérieurs, c’est-à-dire à ce que l’on avait coutume d’appeler autrefois «l’arrière». Négligeant les enseignements des guerres industrielles précédentes (Frédéric Rousseau évoque fort justement parmi elles la guerre de Sécession, à bien des points de vue véritable archétype de la guerre moderne, qu’il serait fort utile de revisiter, ou plutôt de découvrir pour ce qui concerne les historiens français), les dirigeants européens n’ont envisagé qu’une guerre courte. Il leur faut, dans l’urgence et donc l’improvisation, mobiliser les industries, ce qui va entraîner des bouleversements et des tensions au sein de la société (mobilisation des ouvriers spécialisés dans les usines et non plus sur le front, renforcement du travail féminin – qui existait déjà avant-guerre, contrairement à une idée reçue -, appel massif à la main d’œuvre coloniale et étrangère). La vie chère – qui confine à la disette dans les Empires centraux en 1917 et surtout 1918 – provoque des contestations de plus en plus fortes de la guerre chez les civils. Le vieux pacifisme socialiste, largement endormi depuis 1914 dans le cadre des différentes «Union sacrées», ressurgit un peu partout. Mais même s’il finit par triompher en Russie et, sur le tard, en Allemagne, il est partout minoritaire, il ne faut pas l’oublier. La guerre n’évacue donc pas «la lutte des classes» chère à ces socialistes, que sa durée ravive, au contraire.

Elle n’oblitère pas entièrement non plus les querelles politiques du temps de paix (en témoigne la «rumeur infâme» contre les catholiques en France). Elle radicalise les positions contre les «ennemis intérieurs» et permet le génocide des Arméniens, accusés par les dirigeants ottomans de former la «cinquième colonne» de l’armée russe ; la déportation par les autorités russes des populations allemandes des pays baltes, l’internement des étrangers dans des camps de concentration par tous les pays belligérants. Mais elle suscite aussi d’extraordinaires élans de générosité. On regrettera le peu de place accordé dans cet ouvrage aux activités multiples et variées du monde associatif (Croix-Rouge, Secours national, organisations religieuses) en faveur des blessés, prisonniers, réfugiés, orphelins.


Jean-Noël Grandhomme
( Mis en ligne le 31/01/2007 )
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  • La Guerre censurée
       de Frédéric Rousseau
  • 14-18, le cri d'une génération
       de Rémy Cazals , Frédéric Rousseau
  • Le Procès des témoins de la grande guerre
       de Frédéric Rousseau
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