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Histoire & Sciences sociales -> Temps Présent |
| Annette Wieviorka Eichmann - De la traque au procès André Versaille 2011 / 19,90 € - 130.35 ffr. / 286 pages ISBN : 978-2-87495-139-8 FORMAT : 12,4cm x 21,4cm Imprimer
Le 23 mai 1960, le Premier ministre israélien Ben Gourion déclara à la tribune de la Knesset - le parlement israélien - quAdolf Eichmann serait bientôt jugé pour les crimes quil avait commis durant la Seconde Guerre mondiale. Visiblement ému, il informa «la Knesset quil y a peu de temps un des principaux criminels de guerre nazis, Adolf Eichmann, qui fut responsable avec les leaders nazis de ce quils appellent «la Solution final du problème juif», cest-à-dire de lextermination de six millions de Juifs en Europe, a été découvert par les services de sécurité israéliens. Adolf Eichmann est dores et déjà en Israël et sera jugé prochainement conformément aux dispositions de la loi sur le châtiment des nazis et de leurs collaborateurs».
Cest à ce célèbre procès que lhistorienne avait consacré un premier ouvrage en 1989. A loccasion du 50ème anniversaire du jugement dAdolf Eichmann, A. Wieviorka a repris, remanié et étoffé ce livre. Publié par André Versailles éditeur, il sintitule Eichmann. De la traque au procès. Dans cet ouvrage, lhistorienne retrace les phases essentielles du procès Eichmann, et ce depuis son enlèvement en Argentine jusquà son exécution en Israël. Il y a un demi-siècle, le monde avait les yeux braqués sur Jérusalem, où se déroulait alors le procès dA. Eichmann, lun des principaux organisateurs de ce que lAllemagne hitlérienne appelait pudiquement la «Solution finale».
La directrice de recherche au CNRS commence par planter le décor du procès. La silhouette du criminel était on ne peut plus anonyme et commune : «cinquante-cinq ans, de taille moyenne, mince, un peu chauve, le visage émacié en partie mangé par dépaisses lunettes de myope». En dépit des polémiques internationales «que son enlèvement et louverture de son procès ont suscitées, cet homme semble bien falot» et insignifiant. Laffaire nétait pourtant pas anodine. Les enjeux et les interrogations quelle a soulevés étaient nombreux et de différents ordres. Ainsi, sinterroge lhistorienne, «était-il légitime denlever Eichmann ? Devait-il être jugé en Israël par des juges israéliens ? Quels furent son rôle et ses responsabilités réelles dans le génocide des Juifs ? Quelle est sa vraie personnalité ?»
Lauteur situe cet événement dans son contexte. A cet égard, comme le relève A. Wieviorka, il ne fait aucun doute que cette action fut notamment entreprise pour des raisons de politique intérieure. Il apparaissait en effet nécessaire aux élites du pays nouvellement créé «déduquer la jeunesse, de la faire renouer avec lHistoire, de resserrer les liens entre Israël et la diaspora et de montrer luniversalité du peuple juif, celui de lEtat hébreu et celui qui persiste à vivre hors de ses frontières». Chacun de ces éléments, explique lhistorienne, comporte probablement «une part de vérité».
Le procès eut lieu suivant les règles anglo-saxonnes et, défendu par un avocat allemand, laccusé plaida non-coupable. Il dura quatre mois. Les témoignages et les documents générés par la défense et par laccusation contribuèrent à esquisser plus avant lhistoire du génocide. Comme le note A. Wieviorka, «le procès Eichmann est lévènement qui fait entrer la Shoah dans lhistoire en le constituant en évènement spécifique dans la Seconde Guerre mondiale, distinct des autres aspects de la criminalité nazie. Il marque un tournant irréversible dans lémergence de la conscience collective du génocide, mais aussi dans les modalités de la présence de cette histoire. Nous vivons toujours dans lombre portée de ce procès».
A plus dun titre, ce procès fut historique : ce fut la première fois quun procès entendait explicitement «donner une leçon dhistoire». Ce fut également la première fois quun procès était filmé dans son intégralité et largement diffusé à la télévision (américaine et allemande surtout). Pour la première fois, un Professeur dhistoire fut cité à la barre des témoins pour esquisser «le contexte historique dans lequel les Israéliens souhaitent inscrire leur récit : lhistoire des communautés juives en diaspora». Pour finir, le procès dAdolf Eichmann marqua «lavènement du témoin».
Jean-Paul Fourmont ( Mis en ligne le 24/05/2011 ) Imprimer
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