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Rêves de révolution(s)
Michel Surya   La Révolution rêvée - Pour une histoire des intellectuels et des oeuvres révolutionnaires 1944-1956
Fayard - Histoire de la pensée 2004 /  25 € - 163.75 ffr. / 582 pages
ISBN : 2-213-62120-9
FORMAT : 16x24 cm

L'auteur du compte rendu : Ludivine Bantigny est agrégée et docteur en histoire. Ses travaux portent sur l’histoire sociale et culturelle de la France dans la deuxième moitié du XXe siècle.
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Empruntant son titre au tableau de Max Ernst présenté en 1947 à l’Exposition internationale, l’ouvrage de Michel Surya se veut une plaidoirie en faveur de ces intellectuels qui ont «rêvé la révolution» : plaidoirie engagée, ciselée, fondée, et c’est là son grand intérêt, sur les œuvres et leur analyse.

En une série de courts chapitres, parfois taillés à la serpe, l’auteur examine tour en tour, le plus souvent en portraits de groupes, tous ceux qui ont voulu, imaginé, pensé la révolution, et ont mis leur plume à son service, depuis la Libération jusqu’à cette année fatale de 1956 : alors, bien des rêves s’écroulèrent, pour se rebâtir autrement. Mais c’est aussi un parcours montrant «l’hémorragie sémantique» du terme même, «révolution», si différent selon qu’on est intellectuel ayant fait allégeance au parti communiste, ou trotskyste, ou dissident, ou indépendant.

La Révolution rêvée égrène les rappels salutaires en levant certains paradoxes : ainsi, c’est Mauriac, et nul autre, qui écrit en 1945 : «Seule la classe ouvrière aura été fidèle, dans sa masse, à la France profanée». Le livre retrace, pas à pas, des parcours — tel celui de Camus, ce «révolté réformiste». Il dit les déceptions terribles, nées de la Libération elle-même, celle dont Jankélévitch écrivait qu’elle était «neutralisée, avachie, rendue anodine et insignifiante». Il rappelle les anathèmes émanant du parti communiste — que l’on songe à cette notoriété des «renégats» si durement et douloureusement acquise par Koestler ; que l’on pense encore à Breton, devenu «mage de bistrot», et à ses disciples, «pègre fasciste du quartier latin» selon certains intellectuels de parti. Aux artistes, le PC ne laisse guère le choix ; Madeleine Riffaud le dit de la sorte : «Il ne peut y avoir dans un seul être un homme qui s’engage et un rêveur qui déserte». Eluard seul, peut-être, trouve grâce aux yeux de sa direction, parce qu’il aurait su être l’homme ayant «résolu la contradiction entre le rêve et l’action» : c’est du moins ce qu’en retint Laurent Casanova à la mort d’Eluard en novembre 1952.

Michel Surya fait également le récit d’improbables rencontres, campant catholiques et communistes d’accord pour frapper ensemble une certaine littérature, abjecte pensent-ils, celle d’un Genet par exemple, éloignée de leurs valeurs communes. «Valeurs» en effet puisque, affirme un chroniqueur de La Nouvelle Critique, Michel Verret en février 1951, les communistes «ont repris à la bourgeoisie les mots et les réalités qu’elle profanait : la patrie, la famille, l’enfance, la bonté». Vue depuis l’appareil du «Parti», l’histoire de cette révolution rêvée ne saurait être que celle de sa domestication et, l’auteur n’hésite guère à le montrer, évidemment, de sa trahison.

Mais où chercher, dès lors, ce «rêve», encore ? Du côté du surréalisme ? En 1952, Maurice Nadeau proclamait sa mort, ou plutôt consentait à sa mort. Il est évident que pour les surréalistes qui survivent — à Desnos, assassiné, à Crevel, suicidé, tandis que Leiris et Queneau s’en sont allés par d’autres chemins —, être révolutionnaire, c’est nécessairement ne pas être inféodé au communisme de parti, puisque ce «communisme» n’est plus révolutionnaire. «Le surréalisme s’est-il épuisé dans le communisme ou l’a-t-il irrigué secrètement ?», demande Michel Surya, examinant ainsi ce qui est passé de l’un à l’autre. C’est en guerre d’Algérie que d’autres espoirs se forgeront : mais seront-ils encore révolutionnaires ?

On déplorera, dans ce récit (récit, de fait, bien plus qu’«histoire», et ce malgré le sous-titre de l’ouvrage) l’absence de toute référence à l’historiographie, sans cesse renouvelée, des intellectuels. Michel Surya, à qui l’on doit notamment une belle biographie de Georges Bataille, est avant tout écrivain, pas historien. Il n’empêche : il eût été bon d’aller puiser du côté de cette histoire si féconde, d’en mesurer les apports, et dès lors de les enrichir par une approche plus spécifiquement littéraire. Mais l’on demeurera sur le sentiment d’un livre fort — quoique par trop découpé, comme haché —, bien à la hauteur de cette vie intellectuelle d’alors, d’une intensité rarement égalée.


Ludivine Bantigny
( Mis en ligne le 21/12/2004 )
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