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Histoire & Sciences sociales -> Histoire Générale |
| Hilarion Alfeyev L'Orthodoxie - Tome 1 : Histoire et structures canoniques de l'Eglise orthodoxe Cerf 2009 / 39 € - 255.45 ffr. / 300 pages ISBN : 978-2-204-08744-5 FORMAT : 14cm x 23cm
Traduction de Claire Chernikina. Imprimer
Le lecteur francophone disposait déjà de plusieurs ouvrages sur lorthodoxie, entre-autres celui dOlivier Clément, synthèse remarquable, mais courte, aux Presses universitaires de France, également celui de Jean Meyendorff aux éditions du Seuil, malheureusement épuisé. Aussi, il faut saluer linitiative des éditions du Cerf de faire paraître en plusieurs volumes le travail de lEvêque de Vienne et dAutriche Hilarion Alfeyev. Seul le premier tome est paru à ce jour. Il est essentiellement consacré à lhistoire de lEglise et, dans une seconde et courte partie, à lorganisation canonique de lEglise orthodoxe. Les tomes suivants porteront sur la doctrine et la liturgie. Ce premier volume est une importante synthèse détaillée dune histoire divisée en deux millénaires : les temps apostoliques et ceux de la construction ecclésiastique puis le temps de la séparation davec Rome.
Pendant mille ans, depuis les évangiles, chrétiens dOrient et dOccident ont partagé la même expérience, celle de la naissance de lEglise comme structure vivante, de la patristique et des conciles cuméniques, du monachisme, de la liturgie et des grandes ruptures (larianisme notamment). Pourtant, cet héritage commun connaît très tôt des chemins divergents. LOrient grec, de lEgypte aux Balkans na pas la même histoire que le monde latin. LOrient est à la fois le berceau, le creuset du christianisme et le territoire le plus vulnérable car constamment aux frontières menacées de lEglise.
Ainsi, lEglise dOrient tire sa richesse dune expérience historique singulière liée au destin de Byzance. Elle a dû à la fois défendre lunité de sa doctrine et porter lénergie de la mission, en particulier vers les Slaves, (abandonnant dans le même temps lessentiel du terrain dans le monde arabe) pour ne pas succomber avec lempire romain dOrient. Sa force, Hilarion Alfeyev, lexpose avec clarté et un souci du détail qui satisfera le lecteur peu au fait de cette histoire. La littérature patristique, les enjeux autour du dogme, la fixation des pratiques liturgiques comme la place du chant, le développement des monastères ou les choix esthétiques forment la colonne vertébrale de lorthodoxie ; la liturgie en assure la pérennité et la promotion (la légende du grand prince Vladimir faisant pour lui et ses peuples le choix de lorthodoxie grâce à léblouissement de la liturgie et des églises). Sa force de résistance aux combats des temps, lEglise orthodoxe la doit à la fois à son attachement à la Tradition et à sa capacité à se donner aux peuples qui lacceptent. Mais le mariage est dangereux, le lien avec les princes, si indispensable à lévangélisation, nest pas sans risque pour lEglise.
Si les contentieux se sont accumulés entre Rome et Constantinople, cest bien à propos du rapport entre le pouvoir spirituel et le pouvoir impérial que se produit le schisme de 1054. Mais la cause ressemble davantage à un effet. LOrient et lOccident sont depuis mille ans séparés par deux langues, deux cultures qui, à terme, proposent deux modèles ecclésiologiques totalement différents. A Rome sest construit le postulat de lEglise universelle sous lautorité de lévêque successeur de Pierre ; à Constantinople, si le pape romain conserve une autorité morale que les orientaux ne lui contestent pas, il ne saurait être la source dune autorité plus formelle concurrente de celle de lEmpereur. Enfin, laffaire du «Filioque», remise en cause par les occidentaux du dogme de la Trinité dès le VIIe siècle, achève le processus de séparation. La vaine tentative de réconciliation du concile de Ferrare-Florence de 1438 reste un épisode douloureux. La menace turque se précise et vingt ans plus tard, lEmpire dOrient aura cessé dexister mais le Patriarcat de Constantinople lui survit. Événement dimportance, ce sont les représentants de lEglise russe qui refusent les résolutions du Concile. Le transfert vers le Nord-est de léquilibre orthodoxe se confirme.
Après 1453, lhistoire de lOrthodoxie, sans se confondre avec elle, devient pour partie celle de la Russie. Cest sans doute une critique qui sera adressée à louvrage que sa propension à minorer lhistoire des autres Églises : grecque, roumaine, bulgare, serbe, mais aussi celles du Caucase et du monde arabe. Lévêque Hilarion est de lobédience du Patriarcat de Moscou, sa connaissance de la littérature russe est immense, aussi nous ne bouderons pas notre plaisir à la lecture des chapitres quil consacre au monde russe, en particulier aux grands contributeurs de la pensée religieuse (la controverse entre Jean de Cronstadt et Léon Tolstoï) ainsi que, pour la période récente, le chapitre portant sur «lEcole de Paris» (Boulgakov, Berdiaev) et aux patrologues occidentaux. La clarté de la présentation des doctrines et des débats fait de cet ouvrage un outil précieux pour létude de la pensée orthodoxe russe.
Bien entendu, lauteur est très discret sur la dissidence orthodoxe pendant la période communiste, les courants de lexil, et la question ukrainienne (abordée néanmoins avec nuance). Au Patriarcat de Moscou, ces questions renvoient à un passé récent - encore très douloureux (Alexis II est lauteur de la préface). Aussi, en lecteurs avertis, irons-nous chercher ailleurs les détails dune histoire sans doute trop proche. Ceci dit, nous attendons avec impatience les autres volumes afin de disposer en Français (dans une traduction exemplaire de Claire Chernikina) non dun manuel mais dun exposé dense et de référence où sexprime de façon personnelle une vision de lOrthodoxie.
Pascal Cauchy ( Mis en ligne le 24/03/2009 ) Imprimer | | |
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