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L'historien au lit
Alain Corbin   L'Harmonie des plaisirs - Les manières de jouir du siècle des Lumières à l'avènement de la sexologie
Flammarion - Champs 2010 /  12 € - 78.6 ffr. / 670 pages
ISBN : 978-2-08-123846-6
FORMAT : 11cm x 18cm

L'auteur du compte rendu : Grégory Prémon est agrégé d'histoire-géographie.
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«Historien du sensible», Alain Corbin n’a eu de cesse d’explorer les territoires des sens et du corps tout au long de son œuvre, des Filles de Noce au Miasme et la Jonquille. Avec L’Harmonie des plaisirs, il pénètre l’intimité de chacun, L’historien s'immisce dans les chambres à coucher et les bordels, nous invitant à le suivre dans cette découverte des plaisirs féminin et masculin.

L’historien, et le lecteur dans son sillage, est d’abord invité à abandonner ses connaissances pour éviter de tomber dans le piège – aisé mais si aisément et habilement évité par Alain Corbin – de l’anachronisme. Au cours de la période étudiée, de la dernière partie du XVIIIe siècle aux années 1860, homosexualité et hétérosexualité n’existent pas. Le terme «sexualité» n’est pas employé. Freud n’a pas encore décortiqué nos inconscients et mis à jour le fonctionnement de notre sexualité. C’est donc débarrassé de ses préjugés que le lecteur rentre dans l’ouvrage d’Alain Corbin. Celui-ci décortique le plaisir à travers le prisme de trois acteurs, les médecins, les théologiens et les pornographes.

Les premiers observent les plaisirs sous un angle qui se veut scientifique, liant intimement le plaisir et la procréation. Leur discours rappelle que seul le mariage serait le lieu idoine d’une sexualité – forcément procréatrice – saine. Les hommes comme les femmes doivent éviter les écueils que peuvent susciter les excès ou une abstinence trop prolongée. Le discours des seconds est évident plus normatif : il doit faire face à «la rébellion de la chair» - titre de la deuxième partie de l’ouvrage.

Le théologien n’hésite pas à s’inviter dans le lit des époux pour y introduire les règles de bonnes conduites, règles qui ne peuvent poursuivre qu’un seul but : donner la vie. Le plaisir seul est condamné et «l’onanisme des époux», vivement réprouvé. La confesseur est alors là pour écouter, condamner, absoudre mais aussi orienter les pénitents vers une vie sexuelle conforme à celle qu’exige une Église particulièrement rigoriste. Le propos est bien sûr très différent sous la plume du pornographe : le plaisir et non plus la procréation est mis en avant. La sexualité se libère. Elle quitte la chambre conjugale pour les bordels. Les préliminaires se prolongent avant le coït. Les couples se défont au profit de scènes orgiaques.

Quel point commun entre ces trois discours ? «L’harmonie des plaisirs», selon l’historien. L’homme et la femme savent dans ce premier XIXe siècle composer avec les discours des médecins, des théologiens et des pornographes pour trouver un plaisir – plus ou moins autorisé – dans le cadre d’une sexualité dont le but reste dans l’essentiel des discours la procréation. Loin de toute pudibonderie et bien loin des représentations que nous pouvions avoir, le plaisir est encadré mais permis. Les limites qui sont dépassées ne sont finalement là que pour circonscrire l’espace des possibles.

Avec cet ouvrage, Alain Corbin fait à la fois œuvre d’historien et d’anthropologue autour d’un objet que les historiens s’étaient longtemps interdits d’observer. Ces travaux tracent les jalons d’une histoire des sens qui, au-delà de son objet, participe largement à une meilleure connaissance des histoires de l’Eglise, de la médecine aussi bien que des femmes.


Grégory Prémon
( Mis en ligne le 10/05/2011 )
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