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Joli temps
Alain Corbin    Collectif   La Pluie, le soleil et le vent - Une histoire de la sensibilité au temps qu’il fait
Aubier - Historique 2013 /  22 € - 144.1 ffr. / 246 pages
ISBN : 978-2-7007-0430-3
FORMAT : 13,6 cm × 22,1 cm
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Poursuivant son exploration de l’histoire de la sensibilité (ou des sensibilités ?), Alain Corbin nous offre aujourd’hui un recueil où, outre lui-même, neuf spécialistes de chaque domaine du climat plus particulièrement traité livrent une synthèse érudite et accessible. Sont ainsi évoqués la pluie, le vent, la neige, le brouillard, l’orage et, pour conclure, en reprenant les termes mêmes des auteurs, «la météo aujourd’hui : une passion et un souci».

Il en résulte un ouvrage à la fois léger et sérieux, rempli de notations fines et d’aperçus rarement rencontrés hors du cercle étroit des spécialistes ! Le chapitre sur la pluie, qu’Alain Corbin s’est réservé, est le plus «historien» de tous, consacré essentiellement aux croyances anciennes sur la pluie en milieu rural, aux usages poétiques et «politiques» de la pluie (le parapluie de Louis-Philippe !) et au topos récurrent associant la pluie et les larmes. Les contributions qui suivent ne le cèdent en rien et méritent elles aussi la lecture. Pour se limiter à quelques exemples, citons l’usage de la neige comme source de boissons fraîches, le brouillard ou l’orage comme cadre des rêves romantiques et source d’inspiration poétique, ou encore cette mutation culturelle majeure par laquelle le soleil devient l’ami de l’homme, dispensateur de (bonne) santé et de joie et ceci alors même qu’il était redouté auparavant et qu’il fallait s’en protéger pour éviter de devenir fou, aux dires mêmes de Pinel, le fondateur de la psychiatrie française ! Au-delà même de l’astre radieux, c’est la chaleur qui devient délectable et il ne semble pas que les craintes millénaristes sur le «réchauffement climatique» aient si peu que ce soit modifié cette manière de sentir. En revanche, le brouillard tend à disparaître, au moins dans les zones urbaines et personne ne songe à s’en plaindre.

Les auteurs, en effet, ne s’interdisent pas, on l’a vu, de pousser jusqu’à l’époque actuelle et l’on trouvera des notations qui permettent de remettre en perspective ce qui nous semble évident. Ainsi, parmi beaucoup d’autres, le chapitre sur l’orage et les tornades qui l'accompagnent montre «l’antropomorphisation du phénomène qui donne une allure épique à la lutte qui est engagée contre lui, mais aussi l’usage du superlatif», ce qui ne s’oppose pas à cette notation, elle aussi très vraie : «Chaque tempête tend à occulter la précédente, comme si le choc rendait amnésique».

Mais c’est surtout la vogue récente des rubriques météorologiques des médias et les explications qui en sont données qui méritent de retenir l’attention du lecteur. En premier lieu, certes, le constat du surprenant vedettariat des présentateurs, mais plus encore ce que les auteurs dénomment la «météo sensibilité», la «climatomanie» ou mieux encore «l’intranquillité» du public, selon le néologisme repris à Pessoa, devant les phénomènes désagréables, voire le simple «mauvais temps». Et ceci alors même que la dépendance aux phénomènes atmosphériques n’a cessé de diminuer au cours du siècle écoulé, encore un paradoxe… Force est alors de recourir à des hypothèses liées à la psychologie humaine telle que l’ambition de contrôler sa propre vie, d’arrêter la course du temps (qui passe) et, pourquoi pas, hasarde l’auteur de ces lignes, le désir du risque zéro là même où nul ne peut le garantir ?

Des éléments de preuve en ce sens peuvent être trouvés dans les dernières pages de l’ouvrage, consacrées à cette nouvelle «maladie climatique» qu’est la dépression saisonnière, connue depuis Hippocrate, mais inscrite seulement en 1987 dans la liste des symptômes psychiatriques (DSM) sous le titre de «désordre affectif saisonnier», ce qui fournit en anglais l’acronyme SAD, le bien nommé ! Elle survient l’hiver dans 99% des cas et s’explique par des phénomènes liés à l’insuffisante dose de lumière reçue par l’organisme. Mais des sceptiques, dont le moindre n’est pas Jean Starobinski, évoquent davantage la fuite devant les responsabilités par le moyen de l’invocation de phénomènes supérieurs qui nous dépassent. Et les auteurs du chapitre ajoutent malicieusement que si les médias n’en parlaient pas autant, il y aurait probablement moins de déprimés hivernaux… Chacun se fera son opinion.

Un mot pour finir sur la forme de l’ouvrage : on se réjouira que l’évolution de la vieille collection Aubier-Montaigne autorise aujourd’hui l’illustration, d’autant que cette dernière, si elle n’est pas abondante, est bien choisie. Toujours de manière positive, il convient de souligner que, malgré le grand nombre de contributeurs, les redites et autres doublons sont parfaitement évités. On regrettera seulement que la table des matières n’indique pas le nom du ou des auteurs et qu’il faille se reporter à leur (courte) notice biographique pour savoir qui a écrit quoi et que la notice consacrée à Alain Corbin lui-même omette de mentionner qu’il est l’auteur du premier chapitre. Il faut en effet se rendre à l’ultime page de ce chapitre pour en connaître l’auteur qui n’est autre que le coordonnateur du livre ! Pour en rester au sujet des erreurs facilement évitables, on notera que l’héroïne de Thomas Hardy est fautivement nommée «d’Uberville» partout où ce nom se rencontre (pour Urberville), ou encore que l’agronome anglais Arthur Young est devenu «américain». Cependant ceci ne remet nullement en cause la qualité et l’intérêt de l’ouvrage.

En dernière analyse, un livre plaisant, instructif et recommandable pour un large public afin de mieux comprendre notre rapport au temps qu’il fait et à ceux qui entendent nous le prédire.


Jean-Etienne Caire
( Mis en ligne le 18/03/2014 )
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