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Comment peut-on être soldat ?
Hervé Drevillon   L’Individu et la guerre - Du chevalier Bayard au Soldat inconnu
Belin 2013 /  25 € - 163.75 ffr. / 307 pages
ISBN : 978-2-7011-7694-9
FORMAT : 14,0 cm × 20,5 cm

L'auteur du compte rendu : administrateur territorial, agrégé d’histoire et diplômé en Etudes stratégiques, Antoine Picardat a enseigné dans le secondaire et en IEP, et travaillé au ministère de la Défense. Il est aujourd’hui cadre en collectivité territoriale.
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«Chevalier sans peur et sans reproche», Bayard est l’archétype du combattant individuel, du héros dont les exploits plus d'une fois décidèrent du sort d’une journée, comme en décembre 1503 quand, seul, il tint tête à cinquante ennemis au pont du Garigliano et sauva l’armée en retraite. Cinq siècles plus tard, son nom reste synonyme de bravoure et de vertu, et ses faits d’arme sont parés du prestige et du mystère de la légende. A l’inverse, le Soldat inconnu est le symbole des combattants anonymes, morts en masse dans une guerre sans héros, où la bravoure et la vertu sont devenues des valeurs dérisoires, presque inutiles, face à la puissance de destruction des armes modernes, et d’où ne ressortent ni gloire, ni légende. Tous deux appartiennent au panthéon militaire national. Mais le premier était un chevalier, un guerrier, qui vécut à l'époque où des individus émergeaient encore de la mêlée et des combats, le second était un soldat, qui mourut au temps où elle engloutissait des anonymes.

Hervé Drévillon est professeur d’histoire à l’université Paris I et dirige l’Institut des études sur la guerre et la paix. Dans L’Individu et la guerre, il s'intéresse à une question centrale : qu'il s'agisse de Bayard ou des mobilisés de 1914-1918, qu'est-ce qui pousse les soldats à affronter la mort ? Quel système permet d'obtenir des individus qu'ils risquent ou fassent le don d'eux-mêmes ? Il ne se place pas du point de vue du soldat, mais étudie la manière dont, à chaque époque, penseurs, militaires et hommes d'État ont cherché la meilleure réponse à cette question. L’ouvrage est dense et exige une bonne connaissance du contexte historique et militaire général de chaque époque. Il s’appuie sur de très nombreuses références, ce qui rend d’autant plus regrettable l’absence de bibliographie récapitulative en fin d’ouvrage.

Après un détour initial par l’Italie de la Renaissance, Hervé Drevillon centre son étude sur la France. A toutes les époques, la réflexion est d'abord animée par la recherche de l'efficacité militaire. Parmi les principales questions, on trouve comment entraîner, comment commander, comment contrôler, comment limiter les souffrances et soigner les blessures, pour que les individus soient les meilleurs soldats possibles ? Dans quelle formation tactique les faire manœuvrer et combattre pour l'emporter : ligne ou colonne, ordre serré ou tirailleurs ? L'évolution technique, notamment l'augmentation de la puissance des armes à feu, conditionne une partie des réponses. Tout cela s’accompagne du développement de l'appareil d'État, qui est à la fois cause et conséquence de la recherche de l'efficacité militaire. Il permet un meilleur contrôle des soldats, mais également une meilleure prise en charge des blessés et des invalides.

Mais la question essentielle n’est pas militaire ou technique. C’est celle du contrat, marchand politique ou social, au nom duquel l’individu se fait soldat et combat. Autrement dit, vaut-il mieux une armée de mercenaires, de professionnels, ou de conscrits effectuant un service obligatoire, milice, garde national mobile ou conscription ? Vaut-il mieux faire appel à des étrangers ou compter uniquement sur des soldats nationaux ? La question n'est pas nouvelle. Hérodote la posait déjà, quand il comparait le citoyen-soldat des cités grecques au sujet-soldat de l'empire perse. La victoire du premier sur le second dans les guerres médiques était pour lui la preuve de la supériorité du système politique grec, et celle du rapport de l'individu grec à la guerre. C’est donc toute la question de la place des questions militaires dans la société qui est ainsi posée.

L’époque révolutionnaire marqua bien entendu un changement important. Par nécessité militaire pour faire face à l’Europe coalisée d’une part, au nom de l’idée nationale d’autre part, elle réinventa le citoyen-soldat, en exaltant l’honneur et la vertu et en recourant à la levée en masse puis à la conscription. Une fois cette nouvelle époque entamée, deux chapitres sont particulièrement intéressants. Le premier traite du concept de guerre totale et conteste sa validité pour les guerres napoléoniennes. Le second porte sur les débats techniques et politiques que connut la France entre 1871 et 1914, dans la perspective de la revanche contre l’Allemagne. Il y est notamment question de sacrifice, et chez Péguy de son exaltation ; ainsi que de doctrine de l’offensive et des concepts métaphysiques qui l’érigent au rang de dogme. La contribution de Jaurès au débat ne se limite pas à son opposition bien connue à la loi dite «des trois ans» en 1913 ou à la marche vers la guerre en 1914. En publiant en 1911 L’Armée nouvelle, l’artisan du rapprochement entre république et socialisme montre que le lien entre nation et armée au service de la patrie était un enjeu partagé par tous.

La question du rapport entre individu et guerre tel qu’Hervé Drevillon l’a envisagé n’a pas pris fin avec l’inhumation du Soldat inconnu le 11 novembre 1920. Il serait intéressant de continuer l’étude jusqu’à aujourd’hui, et de confirmer l’impression que la guerre a pratiquement disparu de la sphère publique et est devenue une réalité étrangère à la plupart des individus.


Antoine Picardat
( Mis en ligne le 13/05/2014 )
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