|
Histoire & Sciences sociales -> Histoire Générale |
| Wojtek Buss Yves Gauthier Saint-Pétersbourg Flammarion 2003 / 60 € - 393 ffr. / 247 pages ISBN : 2-08-011166-3 FORMAT : 25x32 cm
L'auteur du compte rendu: Agrégé et docteur en histoire, Jean-Noël Grandhomme est l'auteur d'une thèse, "Le Général Berthelot et l'action de la France en Roumanie et en Russie méridionale, 1916-1918" (SHAT, 1999). Il est actuellement PRAG en histoire contemporaine à l'université "Marc Bloch" Strasbourg II. Imprimer
«Venise du Nord» (titre envié quelle partage avec Bruges, Amsterdam ou encore Stockholm), la «ville de Pierre» fête ses trois cents années dexistence en 2003. Fondée ex nihilo par la volonté du tsar de toutes les Russies, cette nouvelle capitale se veut dabord - comme les cités quAlexandre sema sur les chemins de ses conquêtes ou une colonie romaine que lon peuplait de vétérans méritants - léclatante démonstration de la puissance dun homme et de laffirmation dun Etat centralisé. Imbu didées occidentales, tout en pratiquant un despotisme que lon qualifia longtemps d «asiatique», Pierre le Grand entendit modifier le centre de gravité de son Empire. Au moment où, ses armées senfonçaient pourtant toujours plus avant en Sibérie et grignotaient les possessions du «Grand Turc» sur les confins méridionaux de la Russie, lautocrate décida de faire de cette ville tournée vers la Baltique, cest-à-dire vers lAngleterre, lEmpire germanique, la Hollande et la France, le symbole de lentrée de son pays en Europe. De cette cité créée sur leau, il entendait en même temps faire le miroir de la Russie nouvelle, négligeant désormais Moscou, la «troisième Rome», ville sainte dune religion orthodoxe quil bâillonna et dont il fit un instrument supplémentaire pour tenir son peuple sous le joug. Il appela pour cela des architectes, des ingénieurs et des artistes venus dOccident.
Dans cet ouvrage de la collection «Patrimoine et civilisation», Yves Gauthier, écrivain familier du russe, et le photographe dorigine polonaise Wojtek Buss, nous invitent à une promenade culturelle dans lune des plus belles villes dEurope, qui a pu conserver, malgré son histoire éminemment tragique au XXe siècle, une grande partie de sa splendeur. Saint-Pétersbourg (Petrograd, Leningrad) est dabord une «ville amphibie», sur laquelle veillent jalousement trois «îles sentinelles», dont ce «morceau delle-même jeté à la mer» : Kronstadt, lancienne base de la marine impériale ou encore lîle aux Lièvres, dominée par la fameuse forteresse Pierre-et-Paul et par la basilique consacrée elle aussi aux saints apôtres.
Après la mer, ce sont la Neva et des dizaines de canaux leau toujours - qui structurent la ville. Sur les quais se mirent des édifices prestigieux tels lAmirauté, la bourse de commerce, le palais des Curiosités et tant dautres demeures privées et tant déglises aussi (à limage des cathédrales de la Sainte-Trinité ou Saint-Isaac). «Quand le granit habille leau» (ou la glace) et que la nuit blanche est tombée sur la ville, celle-ci prend des allures féeriques : comme ce pont de lOkhta ouvert et illuminé qui semble une attraction foraine. A Saint-Pétersbourg, les architectes des XVIIIe et XIXe siècles sinspirent de cet art classique européen jusquà nous en proposer une sorte de résumé, le déclinant sous toutes ses formes : française, italienne, anglaise, allemande, en une subtile combinaison de ces styles importés avec la tradition russe (la cathédrale Smolny offre un exemple harmonieux de baroque italien appliqué aux canons russo-byzantins). Sous le charme face au palais de Tauride comme devant le palais dHiver et le musée de lErmitage, les auteurs se demandent si lart na pas fini par supplanter le pouvoir. On peut effectivement se poser cette question à la vue des courbes admirables de lescalier Jourdain par Rastrelli (p.105) ou de la fameuse perspective Nevski.
Y. Gauthier et W. Buss nous emmènent également autour de la ville : au Palais dété (Tsarskoïe Selo), à Peterhof, dans les parcs et les jardins agrémentés de pièces deau et peuplés de statues. Enfin, ils se gardent de négliger le patrimoine soviétique de la ville qui fait aujourdhui partie intégrante de son histoire et notamment le monument qui rappelle le terrible siège soutenu entre 1941 et 1944. Là comme ailleurs, le commentaire dYves Gauthier se révèle pertinent et les photographies de Wojtek Buss exceptionnelles.
Panorama complet de cette capitale politique déchue, devenue lune des capitales culturelles du monde, ce Saint-Pétersbourg est une invitation au voyage.
Jean-Noël Grandhomme ( Mis en ligne le 24/12/2003 ) Imprimer
A lire également sur parutions.com:Le Centaure de l'Arctique de Yves Gauthier | | |
|
|
|
|