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Au cœur du secret des familles
Jean-Pierre Bardet   François-Joseph Ruggiu   Michel Cassan    Collectif   Les Ecrits du for privé - Objets matériels, objets édités
PULIM 2007 /  32 € - 209.6 ffr. / 346 pages
ISBN : 978-2-84287-443-8

Actes du colloque de Limoges, 17 et 18 novembre 2005.

L'auteur du compte rendu : Archiviste paléographe, Rémi Mathis est conservateur stagiaire des bibliothèques, en formation à l’ENSSIB. Il prépare une thèse de doctorat sur Simon Arnauld de Pomponne à l’Université de Paris-Sorbonne, sous la direction de L. Bély.

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L’appréhension historiographique des écrits du for privé est à mettre en relation avec les voies empruntées par la recherche historique en général. Alors que ces documents sont négligés par l’histoire universitaire du XIXe siècle, ils deviennent un terrain de recherche privilégié des érudits et des sociétés savantes, plus enclins à des recherches sur le quotidien et le local, et qui s’intéressent autant à ces documents pour des raisons sociales qu’historiques (bien que certains de ces érudits soient déjà très conscients de l’intérêt de ces documents pour un grand nombre de recherches aux thématiques diverses).

Ces textes étant par nature conservés en mains privées, leur étude a longtemps été difficile. Rares étaient les livres de raisons conservés dans les archives départementales, considérées comme des lieux destinés à conserver avant tout les actes publics. Les livres de raison sont à peu près absents des inventaires d’archives du XIXe et du début du XXe siècles. Un certain nombre sont cependant publiés par des grands érudits du XIXe siècle, tels Louis Guibert (étude de J. Tricard, pp.27-46), André Vachez ou Philippe Tamizey de Larroque. Souvent, ces historiens tentent d’établir des listes des livres de raison connus (par ex. Ph. T. de Larroque, Deux livres de raisons de l’Agenais suivis […] d’une liste récapitulative des livres de raisons publiés ou inédits, Paris et Auch, 1893).

Dès 1954, Charles Braibant, directeur des Archives de France, enclin à une meilleure prise en compte des archives privées, décide d’une grande enquête destinée à recenser les livres de raisons conservées dans les fonds des archives départementales et chez les particuliers. Le groupement de recherche du CNRS à l’origine de ce volume entreprend de poursuivre cette politique de recension la plus large possible, du Moyen Âge à 1914. Aujourd’hui encore, bien des textes demeurent certainement enfouis dans les greniers et les bibliothèques de particuliers et attendent leur «inventeur».

Ce colloque, organisé dans la capitale du Limousin en novembre 2005 et dont les actes sont publiés par les presses universitaires de Limoges, vient montrer tout l’intérêt de ces documents à travers une vingtaine de contributions tentant de les interroger sous les aspects les plus divers. Alors que les érudits du XIXe siècle étudient essentiellement chaque texte pour lui-même en les éditant, les analysant et les remettant dans le contexte local et familial, l’approche est aujourd’hui beaucoup plus transversale, reposant souvent sur une mise en série de ces textes. Surtout, l’approche associe de plus en plus anthropologues et littéraires aux historiens.

L’étude ne se limite plus désormais aux textes eux-mêmes, aux informations qu’ils contiennent, mais cherche également à comprendre les mécanismes de production de ces documents. À la suite des recherches en histoire du livre, une attention plus poussée est désormais portée aux possesseurs de ces documents et aux itinéraires qui les ont conduits jusqu’à nous. L’étude de leur présentation matérielle ou des marques, signes et signatures relevées sur ces textes montre leur grande hétérogénéité et conduit à la conclusion que, considérés comme des papiers parmi d’autres, ils n’étaient pas spécialement sacralisés dans les familles qui les avaient produits.

Ces nouvelles voies s’étendent aux érudits et historiens qui les ont étudiés au XIXe siècle. L’ouvrage s’ouvre sur une section portant sur la collecte et les enjeux éditoriaux des livres de raison pris comme objets. L’édition de livre de raisons possède une dimension sociale qui dépasse de beaucoup leur seul intérêt historique, on ne comprendrait pas les choix, les lacunes ou au contraire l’importance de ces travaux sans connaître l’histoire personnelle des éditeurs et celle des sociétés savantes qui accueillent leurs éditions et leurs travaux (R. Chanaud et S. Gibiat, pp.47-62). Depuis le siècle dernier, l’évolution des attentes a eu une influence sur la manière d’éditer les textes, ce que l’on peut constater en comparant le manuscrit à l’édition qui en a été donnée voici un siècle (A. Coutelle). La forme souvent très complexe de ce type de manuscrit en fait de nos jours encore un objet de choix pour réfléchir aux enjeux et problématiques de l’édition de texte (N. Lemaître).

Cela n’empêche pas que des textes soient encore étudiés en eux-mêmes, que ce soit ceux de célèbres personnages ou d’un modeste médecin de campagne périgourdin (C. Marache). Les livres des peintres Hyacinthe Rigaud (A. James-Sarazin) et Claude-Joseph Vernet (Ch. Guichard) sont des sources documentaires de premier ordre sur la réalité de l’activité de peintre, les réseaux de sociabilité de ces hommes et le marché de la peinture au XVIIIe siècle. Surtout, le travail sur des exemples précis montre sans cesse la grande ambiguïté et l’ambivalence certaine de ces textes dont le statut n’est jamais tout à fait clair (X. Le Person ; P. d’Hollander ; N. Lyon-Caen), et qui sont par là d’une grande richesse.

À travers ce colloque qui mêle études de cas – sur un plan littéraire, anthropologique ou historique –, réflexions théoriques sur l’objet même qu’est l’écrit du for privé, questionnement sur la manière de la mettre à disposition et, par là, retour critique sur les pratiques historiques anciennes, l’historien est amené à interroger ses propres pratiques. L’honnête homme, lui, achèvera la lecture de l’ouvrage persuadé que l’édition de tels documents est un acte intellectuel à part entière, qu’un éditeur de texte engage partiellement la lecture qui en sera faite et qu’aucune pratique historique n’est culturellement neutre.


Rémi Mathis
( Mis en ligne le 18/01/2008 )
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