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Prophète de la République universelle | | | Sandrine Fillipetti Victor Hugo - Inédit Gallimard - Folio biographies 2011 / 7,80 € - 51.09 ffr. / 353 pages ISBN : 978-2-07-039983-3 FORMAT : 11cm x 17,8cm
L'auteur du compte rendu : Alexis Fourmont a étudié les sciences politiques des deux côtés du Rhin. Imprimer
Au terme dun exil qui dura quelques dix-neuf années, et dont il revint le 5 septembre 1870, Victor Hugo harangua la foule venue lacclamer à la gare du Nord. Visiblement ému par cette reconnaissance populaire, il déclara : «Citoyens, javais dit : le jour où la république rentrera, je rentrerai. Me voici. Deux grandes choses mappellent. La première, la république. La seconde, le danger. Je viens ici faire mon devoir. Quel est mon devoir ? Cest le vôtre, cest celui de tous. Défendre Paris, garder Paris. Sauver Paris, cest plus que sauver la France, cest sauver le monde. Paris est le centre même de lhumanité. Paris est la ville sacrée. Qui attaque Paris attaque en masse tout le genre humain. Paris est la capitale de la civilisation, qui nest ni un royaume, ni un empire, et qui est le genre humain tout entier dans son passé et dans son avenir. Et savez-vous pourquoi Paris est la ville de la civilisation ? Cest parce que Paris est la ville de la révolution» cit.(pp.267-268).
Dans sa récente biographie sur Victor Hugo (1802-1885), Sandrine Fillipetti se penche sur la vie extrêmement riche du grand homme de lettres français. Dès le plus jeune âge, celui-ci aurait fait montre dune immense ambition. La légende veut quil ait consigné dans son journal son dessein de devenir «Chateaubriand ou rien» (p.62). La promesse fut tenue. A linstar de son illustre modèle, Victor Hugo ne se consacra pas exclusivement à lécriture, puisquen parallèle il prit part à de nombreuses joutes politiques. En effet, «de son vivant, écrit S. Fillipetti, Victor Hugo a été, à lui seul, le seul champ de multiples combats». Il est vrai quil fut tour à tour poète, dramaturge, romancier, penseur et homme politique. Il généra ainsi un très large spectre de réactions. A cet égard, seule lindifférence ne répondit jamais à lappel : «sifflé avec passion, il a été applaudi avec ferveur».
Il faut dire que lextrême complexité du personnage a de quoi surprendre. Comme tout un chacun, Victor Hugo avait en effet ses contradictions propres, mais celles-ci furent parfois «radicales» comme le note à ce propos Sandrine Fillipetti. Les multiples désordres de sa vie privée ainsi que ses successives mutations idéologiques en témoignent. Initialement «plus royaliste que le roi, il a chanté les gloires et les malheurs de la monarchie légitime avant de se déclarer bonapartiste, puis dépouser avec force la cause de la République. Économe, il est généreux. Chaste, il devient faunesque. Croyant, il vitupère les prêtres (
). Pair de France, il demande labolition de la peine capitale et pourfend linjustice sociale. Quand les écrivains se compromettent dans les salons du second Empire, il met sa plume au service de la défense du peuple. Quel que soit le contexte, il reste fidèle en amitié comme aux souvenirs qui ont lambrissé sa jeunesse. Peu docile à linfluence, Hugo possède une indépendance véritable» (pp.9-10).
Sa jeunesse fut plutôt mouvementée en raison des séparations et réconciliations successives de ses parents, Sophie Trébuchet et Léopold Hugo, lequel devint général de la Grande Armée. A sept ans, Victor et sa fratrie avaient déjà traversé la France et vécu un peu à Naples ainsi quà Madrid. En dépit des relations orageuses de ses parents, Victor Hugo fut très studieux et se passionna très précocement pour les matières littéraires. Sil ne décrocha jamais le baccalauréat, en 1817, il participa par contre à un concours de lAcadémie française sur le thème du «bonheur que procure létude dans toutes les situations de la vie» (p.63). Certes, ses vers firent forte impression, mais il nobtint pas la récompense quil méritait en raison des soupçons de supercherie que son jeune âge suscitèrent chez les membres du jury. Cest en 1819 que débuta véritablement sa carrière littéraire. Avec Cromwell, quil publia en 1827, Victor Hugo devint lune des plus éminentes figures de proue du romantisme. Une pléthore duvres devait dailleurs suivre, dont Hernani (1830) qui contribua puissamment à imposer la révolution romantique.
Se désolidarisant peu à peu de la Monarchie de Juillet, Victor Hugo écrivit que le régime sapparentait au «despotisme de 1807, moins la gloire», autrement dit à «lEmpire sans lempereur». Il affirma au surplus qu«il ny a eu dans ce siècle quun grand homme, Napoléon, et une grande chose, la liberté. Nous navons plus le grand homme, tâchons davoir la grande chose» (cit.p.116). Sil devint membre de lAcadémie française en 1841, puis Pair en 1845, Victor Hugo applaudit lors de la révolution de 1848. Élu député à la Constituante, il entend «défendre la société, défendre le peuple, régler le mouvement des idées, modérer le mouvement des esprits, dégager le progrès vrai des hideuses étreintes du faux progrès, protéger la liberté, contenir la réaction, sauver la France, ce qui est la même chose que sauver la civilisation» (cit.p.162). Dabord favorable à Louis Napoléon Bonaparte, il le conspua ensuite fort vigoureusement : «quoi ! sécriait-il, parce que, après dix ans dune gloire immense, dune gloire presque fabuleuse à force de grandeur, il a, à son tour, laissé tomber dépuisement ce spectre et ce glaive qui avaient accompli tant de choses colossales, vous venez, vous, vous voulez, vous, les ramasser après lui, comme il les a ramassées, lui, Napoléon, après Charlemagne, et prendre dans vos petites mains ce spectre des titans, cette épée des géants ! Quoi ! après Auguste, Augustule ! Quoi ! conclut-il, parce que nous avons eu Napoléon le Grand, il faut que nous ayons Napoléon le Petit !» (cit.p.167).
Le coup dEtat du 2 décembre 1851 ayant été mené avec succès, finalement, Victor Hugo neut dautre choix que de sexiler. En dépit des avances du nouveau maître de la France, Hugo sarc-bouta :
«Jaccepte lâpre exil, neût-il ni fin ni terme ;
Sans chercher à savoir et sans considérer
Si quelquun a plié quon aurait cru plus ferme,
Et si plusieurs sen vont qui devraient demeurer.
Si lon nest plus que mille, eh bien, jen suis ! Si même
Ils ne sont plus que cent, je brave encor Sylla ;
Sil nen demeure que dix, je serai le dixième ;
Et sil nen reste quun, je serai celui-là !» (cit.p.181)
Exilé dabord à Jersey, puis à Guernesey, Victor Hugo neût de cesse de fustiger et de brocarder lempereur. Pour ce faire, il rédigea des pamphlets, comme Napoléon le Petit (1852), ainsi que de nombreux poèmes, comme Les Châtiments (1853). Outre la littérature, durant lexil, lécrivain sadonna notamment à la décoration dintérieur ainsi quau spiritisme. A la suite de leffondrement du second Empire, Victor Hugo put revenir en France. Il fut alors élu député à lAssemblée nationale. Toutefois, de guerre lasse, il démissionna rapidement. La fin de sa vie fut marquée par les disparitions de ses proches, mais aussi par une gloire à la fois officielle et populaire qui allait tant à lartiste quau prophète de la République universelle.
Alexis Fourmont ( Mis en ligne le 27/09/2011 ) Imprimer
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