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Histoire & Sciences sociales  ->  Biographie  
 

Une synthèse de cultures dans l’Antiquité
Mireille Hadas-Lebel   Philon d'Alexandrie - Un penseur en diaspora
Fayard 2003 /  20 € - 131 ffr. / 376 pages
ISBN : 2-213-61740-6
FORMAT : 14x22 cm

L’auteur du compte rendu: Yann Le Bohec enseigne l’histoire romaine à la Sorbonne. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages adressés tant aux érudits qu’au grand public. En dernier lieu, il a publié L’armée romaine sous le Haut-Empire (Picard, 3e édit., 2002), César, chef de guerre (Éditions du Rocher, 2001), et Urbs. Rome de César à Commode (Le Temps, 2001).
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L’intérêt de Philon d’Alexandrie, auteur du premier siècle de notre ère, tient à ce qu’il se trouve au carrefour de deux cultures, la culture juive et la culture grecque ; ajoutons qu’il a vécu à un moment où Rome bénéficiait d’une puissance incontestée. Le personnage n’est peut-être pas très connu du grand public, et c’est dommage. C’est ainsi qu’avec ce livre, Mireille Hadas-Lebel vient combler une regrettable lacune, et elle seule pouvait le faire car elle est un des rares savants actuels à connaître aussi bien le monde où l’on parlait le grec et le latin que celui où était pratiqué l’hébreu.

Pour comprendre Philon, il faut savoir qu’il a vécu à Alexandrie d’Égypte, une des plus grandes villes de son temps, illustre aussi bien par sa richesse économique que par son rayonnement intellectuel (que l’on songe au Musée, à la Bibliothèque, et à tant d’illustres savants, comme Ptolémée). Elle abritait en outre une des plus importantes et des plus brillantes communautés juives du monde méditerranéen. M. Hadas-Lebel commence par replacer le personnage dans son cadre urbain, en tenant compte des fouilles les plus récentes.

Cet auteur, très pudique sur tout ce qui le concerne, appartenait à une famille de notables bien enracinés dans leur tradition religieuse et culturelle : “Si je t’oublie, Jérusalem” (p.61). Et cette fidélité n’était pas facile à vivre, parce que les relations avec les Égyptiens, les Grecs et les Romains passaient par des phases d’indifférence ou de franche hostilité, voire de persécution. Pourtant, les Juifs d’Alexandrie étaient hellénisés. Dans le milieu social où a grandi Philon, les noms grecs n’étaient pas rares, et l’apprentissage de cette langue allait de soi. Il est même plus que probable qu’il ignorait l’hébreu et qu’il a lu la Bible dans la traduction qui avait été faite dans sa patrie par les Septante, soixante-dix savants qui, d’après la légende, avaient effectué ce travail en soixante-dix jours et autant de nuits. Pourtant, il conserva sa foi et n’a même jamais envisagé de renoncer au moindre de ses devoirs religieux. Son mérite est accru quand on apprend que lui et les membres de sa communauté ont été en butte aux vexations et aux persécutions de gouverneurs romains qui n’ont jamais compris leur religion et qui préféraient plaire à une populace égyptienne très attachée à des dieux animaux. Il dut rédiger un texte contre un gouverneur très hostile (In Flaccum) et il se rendit en ambassade auprès de Caligula pour défendre les intérêts des siens (Legatio ad Caium).

Pour Philon et les Juifs de son temps, trois pratiques gardaient une importance essentielle pour définir leur appartenance au judaïsme : la circoncision, les lois alimentaires et le repos sabbatique. Ils leur ajoutaient des célébrations comme la Pâque, la Pentecôte et la Fête des Cabanes, ainsi que le jeûne. L’intellectuel qu’il était ajoutait à ces rites une théologie comprenant essentiellement des commentaires de la Bible. De nombreux exemples des problèmes qu’il a ainsi traités sont présentés par M. Hadas-Lebel : la création du monde et de l’homme, le problème du mal, la signification de Noé, d’Abraham et de Moïse. L’originalité de Philon vient de ses choix en matière de philosophie. Il ne se rattache à aucun système, ne se rallie à aucune des grandes écoles de son temps. Mais il n’en a pas moins subi l’influence de l’œuvre de Platon, de Pythagore et aussi, comme l’ont affirmé plusieurs auteurs auxquels se rallie M. Hadas-Lebel, des stoïciens. De cette rencontre entre la Bible et la philosophie, qui constitue une authentique synthèse de cultures, naît une pensée originale, qui place Dieu au centre de la réflexion et donne la Loi comme règle de vie. On y trouvera aussi un éloge de la démocratie, étonnant pour l’époque. L’ouvrage se termine par un chapitre au titre amusant (“Philon, Père de l’Église honoris causa ”), emprunté à D. Runia. Il y est rappelé la dette contractée par certains grands penseurs chrétiens à l’égard de l’intellectuel juif d’Alexandrie.

Que ce livre soit agréable à lire ne fait qu’ajouter à l’immense intérêt de son contenu. Il rappelle que les influences réciproques et les synthèses de doctrines n’ont pas été étrangères à l’Antiquité, loin de là, et il montre comment ont pu se rencontrer le judaïsme, l’hellénisme et la romanité ou romanisation. En 2003/2004, le problème des contacts de cultures reste d’actualité.


Yann Le Bohec
( Mis en ligne le 12/12/2003 )
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