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Histoire & Sciences sociales -> Biographie |
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Dominique de Roux le passeur | | | Jean-Luc Barré Dominique de Roux Perrin - Tempus 2013 / 11 € - 72.05 ffr. / 699 pages ISBN : 978-2-262-03709-3 FORMAT : 11,0 cm × 17,8 cm
Première publication en mars 2005 (Fayard) Imprimer
Le destin fulgurant de Dominique de Roux attendait son biographe. Il la trouvé en Jean-Luc Barré qui a relevé avec brio le défi de narrer, ou plutôt de rassembler les fragments épars dune existence haletante. Ce livre fera date, non seulement parce quil donne enfin la mesure réelle du talent, des mystères et des contradictions du fondateur des Cahiers de LHerne ; mais aussi parce quil ne se départit à aucun moment dune rigueur décriture et dune honnêteté intellectuelle à toute épreuve, qui en font un travail exemplaire
Barré prend soin de démontrer que Dominique de Roux a toujours joué le rôle dintercesseur plutôt que la carte de la provocation gratuite. Un passeur donc, ce fougueux jeune homme dascendance aristocratique, qui se lance dans laventure éditoriale quand tant dautres, du même rang, préfèreront hypothéquer leur avenir et renfrogner leurs vingt ans sur le cuir dun fauteuil de banque
Quel féru de littérature, quel spécialiste, quel chercheur, na eu le bonheur de se plonger dans lun ou lautre des mythiques et foisonnants Cahiers de LHerne, que de Roux lança en 1961 avec laudace et limpertinence quon sait, avec un premier (et discret) volume consacré à René-Guy Cadou ? Suivront Bernanos, Céline, Pound, Borges, Gombrowicz, Michaux et toute une pléiade de repliés, dinclassables et datrabilaires
Cest que Dominique de Roux aura eu cette élégance de ne jamais flirter avec la facilité. Certains confondront avec de lélitisme la suprême exigence qui guidait ses choix et ses engouements littéraires. Dautres ne verront que quelques aptitudes brouillonnes et tapageuses là où sexerçait le bouillonnement dun réel génie : celui de la rencontre. Car ce travailleur infatigable savait simmerger complètement dans luvre quil avait décidé de mettre en exergue et prendre des contacts tous azimuts afin de recueillir ce que lermite de Meudon appelait «lesprit gentil des morts» à travers témoignages, documents et analyses.
Au-delà de ce pan déjà considérable de son activité, Barré nous donne de mieux comprendre la genèse des uvres de de Roux lui-même, des premiers romans (Mademoiselle Anicet, LHarmonika Zuk) aux aphorismes dacier trempé dOuverture de la chasse, de lincontournable essai sur La Mort de Louis-Ferdinand Céline - à relire sans modération - aux textes de la période la plus aventureuse, menée au seuil du Cinquième Empire.
Que ce soit par ses écrits ou ses engagements personnels, Dominique de Roux ne se laisse jamais suivre à la trace : il faut le traquer, accepter de le perdre, le retrouver dans des clairières ou des jungles inattendues, le laisser fuir encore quand bon lui semble. "Si souvent jai pris congé, écrit-il laconique, en guise douverture de Immédiatement. Du soutien à lAlgérie française au gaullisme inattendu daprès-68, du dialogue spirituel ininterrompu avec Vallery-Radot à sa fonction de «responsable de linformation à lextérieur» des troupes indépendantistes de lUNITA de Savimbi en Angola, Barré a pisté lhomme sans vouloir le démasquer. Son approche, donnant à lire nombre de correspondances et de notes ou dextraits de journal intime inédits, est aussi exhaustive que pudique. Elle laisse à cet auteur soupçonné de toutes les compromissions et qui se présentait comme déjà pendu à Nuremberg le privilège dun traitement impartial.
Elle donne surtout à comprendre combien cette vie était intimement liée à lécriture, nétait finalement que cela : le tracé hâtif dun mythe, un jeu à quitte ou double avec le feu de lesprit, la cendre des amours et la fragilité du cur. Monsieur Barré, merci
Frédéric Saenen ( Mis en ligne le 09/04/2013 ) Imprimer | | |
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