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Histoire & Sciences sociales -> Biographie |
| Véronique Dumas Le Peintre symboliste Alphonse Osbert - (1857-1939) CNRS éditions 2005 / 30 € - 196.5 ffr. / 242 pages ISBN : 2-271-06297-7 FORMAT : 17x24 cm
L'auteur du compte rendu : Rémi Mathis est élève à l'Ecole Nationale des Chartes. Il prépare une thèse sur Simon Arnauld de Pomponne sous la direction d'Olivier Poncet (ENC) et Lucien Bély (Paris IV). Imprimer
Il y a des oubliés de lhistoire de lart comme il y a des oubliés de lhistoire. Pour le profane, le XIXe siècle en matière de peinture se clôt avec les néo-impressionnistes et le XXe siècle souvre avec les tentatives cubistes. Cest oublier que dautres courants coexistaient et ont eu une grande influence sur la vie intellectuelle et artistique de lépoque, en relation avec dautres arts et notamment la littérature. La peinture symboliste, mise en valeur depuis peu, fait partie de ces courants. Elle se développe dans le sillage de Puvis de Chavannes ; Osbert en fut l'un des principaux représentants : cest à lui quest consacré le livre exemplaire de Véronique Dumas.
Alphonse Osbert est né en 1857 dans une famille bourgeoise. Entré à lÉcole des beaux-arts dans latelier de Lehmann, il est le condisciple de Seurat et dAman-Jean. Après sa sortie de lÉcole, sous linfluence de son professeur et des peintres Bonnat et Cormon qui le conseillent, Osbert participe aux salons avec des toiles dun style académique. Il adhère pleinement à cette esthétique et ne semble pas intéressé quand Seurat fonde la Salon libre des indépendants. Pourtant après un voyage en Espagne et des études dans la forêt de Fontainebleau, le style du peintre commence à évoluer pour connaître un tournant à la fin des années 1880. Cest lépoque où il mène des expériences plus poussées sur la lumière, où il se rapproche du Salon des indépendants, où il rencontre Maurice Denis et surtout Puvis de Chavannes. Sa peinture devient de plus en plus décorative, dans le sillage du maître, et connaît un succès grandissant dans un monde de lart qui évolue grandement : il participe au salon de la Rose+Croix (son esthétique est très proche de celle prônée par le Sâr Péladan) et fréquente Mallarmé. Soutenu par le journal La Plume et reconnu par la critique, il reçoit les artistes dans son atelier et devient ainsi un des principaux peintres symbolistes. Son style ne se renouvelle que peu après 1900. Toutefois, le succès est acquis : il expose partout en France et à létranger et, soutenu par lÉtat, reçoit des commandes importantes. Cest entre autres la décoration du hall de létablissement thermal de Vichy (1902-1904) ou celle de la salle des séances de la mairie de Bourg-la-Reine (1911-1913). Mais son style resté symboliste perd de son attrait devant les nouvelles expériences des jeunes peintres ; il peint moins et est peu à peu oublié. Il meurt en 1939.
Cet ouvrage est tiré de la thèse en histoire de lart soutenue, sous la direction de Jean-Paul Bouillon, par Véronique Dumas, aujourdhui enseignante à luniversité de Marne-la-Vallée. Le plan suivi par l'auteur est très judicieux. Les cinq premiers chapitres sont chronologiques afin de comprendre lévolution de lartiste et le cours de sa carrière en le replaçant dans le contexte de lépoque. Mais une biographie purement chronologique ne suffit pas à épuiser le champ des possibles et les thèmes de réflexion. Cette première partie est donc suivie dune autre, thématique, qui comprend des chapitres fouillés sur lélaboration du style dOsbert, sur les liens entre sa peinture et la littérature symboliste et enfin sur les thèmes récurrents de ses tableaux. Cest ainsi lensemble de luvre qui est étudiée en profondeur, questionnée, mise en perspective et, partant, réévaluée. Quon nous permette de signaler particulièrement létude de ladaptation dOsbert au nouveau système de mise en valeur de lart, reposant non plus sur les salons comme pendant tout le XIXe siècle mais sur les galeries et les critiques ; ainsi que le chapitre sur les correspondances, divergences et interactions entre les esthétiques picturales et littéraires.
Les annexes, foisonnantes, complètent très utilement la lecture et permettent au lecteur dapprofondir sa découverte, notamment grâce à la présence dune riche bibliographie. Une chronologie et la liste des expositions et salons auxquels a participé Osbert permettent davoir toujours sous la main les principaux jalons de la vie du peintre. Enfin un index permet les recherches ponctuelles. Les notes, placées en bas de page, jouent le rôle despace de liberté qui est le leur : elles sont le lieu de précisions sur un point précis ou de courtes digressions. Le lecteur scrupuleux peut ainsi suivre point par point lanalyse de lauteur et consulter ses sources. Tout juste pourra-t-on regretter le petit nombre de reproductions duvres (32 reproductions en couleur dans un cahier central). Il sagit là dun choix éditorial : le livre est une simple étude sur Osbert et non un «beau livre» mais cela frustre un peu celui qui voudrait avoir une vision plus précise de la production du peintre.
Bien que publié par CNRS éditions, louvrage peut être lu par le public le plus large. Lauteur explicite suffisamment le contexte intellectuel, le renouvellement artistique de lépoque, les questions qui se posaient alors, pour que lamateur y trouve un grand intérêt ; mais ce livre sera tout aussi profitable aux étudiants et chercheurs qui travaillent sur la période, que ce soit en histoire générale, en histoire de lart ou de la littérature. Les chapitres, courts, sont eux-mêmes divisés en sous-parties, ce qui permet de suivre très aisément le raisonnement de lauteur qui use dun très agréable ton à la fois didactique et savant.
Ce livre enchantera donc toute personne qui sintéresse à lhistoire de la peinture et à la vie intellectuelle de la fin du XIXe et du début du XXe siècles. Véronique Dumas donne une vue à la fois large et précise dun sujet quelle maîtrise parfaitement, avec une grande finesse dans lanalyse, nous faisant regretter quOsbert ne soit pas plus présent des les musées.
Rémi Mathis ( Mis en ligne le 03/06/2005 ) Imprimer | | |
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