|
Histoire & Sciences sociales -> Biographie |
| Michel Hérubel Surcouf - Titan des mers Perrin 2005 / 20.50 € - 134.28 ffr. / 286 pages ISBN : 2-262-02347-6 FORMAT : 14x22 cm
L'auteur du compte rendu : Hugues Marsat, agrégé d'histoire, est enseignant dans le secondaire. Il mène parallèlement des recherches sur le protestantisme aux XVIe-XVIIe siècles. Imprimer
Faut-il voir dans la publication dune biographie de Robert Surcouf un coup dépingle donné à la Royal Navy qui commémore cette année la bataille de Trafalgar (1805), ou simplement la volonté de profiter dun événement médiatique ? Ce nest pas lauteur qui pourra répondre à cette basse question. Michel Hérubel, né en 1927, est mort en 2003. Il faisait partie de ces écrivains prolifiques et éclectiques qui mettaient lHistoire au service de leurs romans et la romance au service de leurs essais historiques, avec tous les inconvénients que cela suppose mais sans cependant se permettre de violer lHistoire, même pour lui faire un bel enfant. Toujours est-il que les éditions Perrin éditent ce Surcouf, titan des mers pour la quatrième fois depuis sa parution en 1989.
Robert Surcouf (1773-1827) appartient à la grande famille des corsaires français, héros largement encouragés par la France de lAncien Régime ou de la République, pour pallier les déficiences de sa Royale lorsquil faut affronter la marine anglaise. La vie de Surcouf est un modèle du genre. Enfant agité dune famille honorable de Saint-Malo, il sembarque pour la première fois en 1786 sur un caboteur, puis en 1789, sur lAurore qui lemmène dans lOcéan indien pour faire du commerce entre les Mascareignes et les Indes.
Ayant gravi les échelons, toujours dans lOcéan indien et, une fois venue la guerre contre lAngleterre (1794), Surcouf commande son premier navire, lEmilie, pour des armateurs de Saint-Malo. Il obtient ses premières victoires et sauve lîle de France et lîle Bourbon (actuelles île de la Réunion et île Maurice) de la famine. Sa renommée sétablit avec les prises dun brick-pilote anglais, de deux navires de commerce, dun trois-mâts, dun East-Indiaman en janvier 1796, événements qui constituent le premier chapitre du livre.
Bâtissant sa fortune sur la course dans lOcéan indien, où il reprend lexemple du bailli de Suffren pendant la guerre dindépendance américaine, Robert Surcouf effectue croisière sur croisière. Il ne rentre en France quen 1801 pour épouser lhéritière dune riche famille malouine. Après une paix éphémère, Surcouf devient armateur de corsaires et reprend du service dans lOcéan Indien en 1807. Lhomme vieillit, se heurte aux tracasseries des autorités régionales et manque de perdre ses biens sil navait eu la faveur de lempereur. Il lui reste fidèle et après la chute de lEmpire, il ne soccupe plus que de ses affaires, abandonnant toute fonction officielle.
Cest non sans verve que Michel Hérubel met en scène la vie de Surcouf. Loin de lanalyse posée de létude scientifique, son récit est une reconstruction narrative. Certes, il prend soin de préciser que les dialogues sont extraits des journaux de bord, les témoignages et les souvenirs des contemporains du corsaire. Il ne sinterroge cependant jamais sur la part dexagération, de légende qui peut entourer un personnage dune dimension héroïque incontestable. Dès le premier chapitre, qui décrit les combats de janvier 1796, pour mettre le lecteur en appétit, le ton est donné, épique, non sans risque de contradiction de la part de lauteur. Ainsi labordage du Triton, le 28 janvier 1796, dabord décrit comme un coup daudace sur un plan simple mais rapidement échafaudé (p.19-20) devient le fruit dun plan précis (p.24).
Dès lors, le style épique lemporte sur lanalyse et lexplication historique, présente cependant pour expliquer le contexte général. La moindre action de Robert Surcouf devient abordage, sabre au clair : cest particulièrement vrai quand sont envisagées les conquêtes féminines du Malouin, non sans références culturelles parfois plus douteuses quamusantes. Une conquête parisienne nommée Angélique voit son prénom qualifié de «nom prédestiné pour de furtives amours» (p.95). Quant au mariage en 1801, il devient abordage de famille. Sous la plume de Michel Hérubel, Robert Surcouf devient plus que jamais un homme daction, à la pensée prompte, au geste sûr, non dénué desprit chevaleresque il traite dignement ses prisonniers et pardonne aux adversaires dantan.
Le portrait peut sonner assez juste, pourquoi pas ? Lauteur est soucieux de sappuyer sur des documents mais il nen reste pas moins que Surcouf, le titan des mers tient davantage de «la notice héroïco-biographique maritime» pour reprendre les termes que Daniel Dessert destinait à dautres dans son Tourville (Fayard, 2002). Cest un récit qui, sil nest pas conté par un idiot, comme la dit le poète, est assurément rempli de bruit et de fureur. Le souffle épique est là, lanalyse historique, cest autre chose.
Les lecteurs en quête dune étude fouillée et comparative, se demanderont une fois encore sil y a un intérêt scientifique à multiplier les rééditions même en les enrichissant dune iconographie en couleur sur papier glacé dans un insert central. En revanche, les amateurs des romans maritimes de Patrick OBrian ou dAlexander Kent ou les lecteurs en quête dun peu de détente apprécieront peut-être cet ouvrage écrit par un connaisseur du monde de la mer, qui a pris soin de fournir à ceux qui nauraient pas le pied marin un glossaire des termes de marine.
Hugues Marsat ( Mis en ligne le 17/09/2005 ) Imprimer
A lire également sur parutions.com:Tourville de Daniel Dessert | | |
|
|
|
|