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Histoire & Sciences sociales  ->  Biographie  
 

Schnitzler ou la rigueur de l’inconstance
Catherine Sauvat   Arthur Schnitzler
Fayard 2007 /  22 € - 144.1 ffr. / 302 pages
ISBN : 978-2-213-62154-8
FORMAT : 15,0cm x 24,0cm
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On ne présente plus l’écrivain Viennois Arthur Schnitzler (1862-1931) tant son œuvre est abondante et encore influente de nos jours. De son vivant, son aura dépassait déjà les frontières et sa production n’a jamais vraiment souffert de son succès durant les quarante années où il écrira. Œuvre abondante mais variée puisque l’écrivain touchera à tous les grands genres littéraires : théâtre, roman, nouvelle, poésie, journal intime, autobiographie, aphorismes. Il flirtera aussi du côté du cinéma quelques années avant sa mort. Son importance dans le monde artistique est telle que l'on adapte toujours aujourd’hui ses œuvres. En 1999 avec Eyes Wide Shut, le grand film de Stanley Kubrick, ou dans un tout autre genre, Entre adultes (2006) de Stéphane Brizet qui s'inspire du concept dramaturgique de La Ronde.

Catherine Sauvat, spécialiste des biographies (Robert Walser, Stephan Zweig), revient sur un parcours artistique et personnel assez incroyable de rigueur, de talent et d’imagination. Alors que son père le destinait à une carrière de médecin, Schnitzler, l’élève doué bien que doutant en permanence sur ses capacités, empocha le diplôme de médecine tout en s’adonnant de manière quotidienne et passionnée à la pratique littéraire. C’est dire si sous ses airs de jeune homme tourmenté par ses premiers émois amoureux, se cachait un homme aux multiples facettes, doué pour tous les genres (scientifiques et artistiques), disponible pour ses amis et grand travailleur. Mais l’amour de l’écrit l’emporte sur la médecine et Schnitzler décide de se consacrer essentiellement à la littérature (Bien qu'il continua à exercer la médecine en reprenant le cabinet de son père et en recevant une fois par semaine des patients.). Plus de soixante dix titres, un journal intime de 10 tomes, une autobiographie naîtront ; bref l’auteur viennois n’a jamais cessé d’écrire.

Sa vie, nous raconte Sauvat, fut marquée par les femmes et la littérature. Les femmes tout d’abord qui n’ont cessé de hanter Schnitzler jusqu'à son dernier soupir ou presque. Mais l’écrivain en s’adonnant à la course au plaisir s’aperçoit assez vite qu’elle n’est pas possible sans éprouver de sentiments, de jalousie, sans mentir, sans mépriser, sans se leurrer sur les rapports homme/femme. L’inconstance émotive de l’écrivain le piégea nombre de fois dans ses rapports avec les femmes jusqu’à ce qu’il rencontre Olga Waissnix avec laquelle il se marie. Il passa ainsi quelques années plus tranquilles malgré les continuelles tensions que subit le couple. Mais ses déboires sentimentaux vont alimenter ses réflexions sur l’amour et la guerre permanente qui se joue entre hommes et femmes, ce qui contribuera à n’écrire que sur ce type de thèmes. Désir mimétique, rivaux semblables, duel à mort, jalousie factice, impossible rencontre des sexes et remords vont déterminer bon nombre de drames écrits sur la question du couple et de ses dérivés. Notamment La Ronde, plusieurs fois censurée, mais qui restera l’une des œuvres majeures de l’écrivain.

A la lecture de cette biographie, on est surpris de voir un homme aussi rongé dans ses rapports à l’autre et s’adonner avec telle rigueur à la littérature et au travail. Car Sauvat ne lésine pas sur les exemples privés qui auraient pu envoyer notre ami Schnitzler à l’asile de fous. Voir les nombreux exemples du journal qu’elle cite pour montrer les tourments incessants du jeune homme pris entre plusieurs femmes, ne pouvant en abandonner une, leur mentant, leur cherchant querelle lorsqu’elles s’intéressent à d’autres hommes et les trompant par la suite ! Mais il n’y a rien de bien surprenant là-dedans, les hommes infidèles sont avant tout possessifs et ne supportent pas que les femmes dont ils se jouent prennent le même rôle qu’eux, car cela les renvoie de plein fouet à cette dualité amoureuse qui déjà les ronge de leur côté !

Après son mariage avec Olga, il se calmera un peu même si quelques femmes ont été rencontrées par la suite, et le livre s’intéresse d’avantage à ses productions, à ses ennuis de santé (Schnitzler était hypocondriaque), à ses amis (Hofmannsthal, Zweig, Freud, et bien d’autres), aux querelles qui suivirent les adaptations théâtrales de ses pièces, au suicide de sa fille à l’âge de 28 ans, à son rôle d'intellectuel juif durant la Première Guerre mondiale.

L’intérêt de ce livre est de montrer l’influence capitale qu’a eue Schnitzler sur son époque. Très vite et avec quelques grands artistes du moment, il fonde ce qu’on a appelé le «Jung-Wien» (La jeune Vienne), école dont il fut en quelque sorte le chef, du moins l’esprit le plus aiguisé dès 1890. Et il n’a cessé jusqu’en 1931 d’influencer la littérature de son temps en y apportant la modernité de ces années charnières. Freud ne s’y est pas trompé, lorsqu’en lisant son œuvre, il a reconnu là une espèce de double. Car Schnitzler, sans se réclamer des travaux du docteur Sigmund, a su précipiter sa plume dans l’univers obscur de l’inconscient psychique, des effets des rêves (qu'il notait scrupuleusement dans son journal), du mécanisme de la séduction, du désir humain et des lâchetés que celui-ci entraîne irrémédiablement. D’où une vision assez tragique de l’amour qui selon lui et d’après les récits de ses œuvres s’applique à précipiter les amants dans l’incompréhension, le chaos, ou l’illusion. Bref la froideur et la mort sont les composantes absolues du désir permanent de possession.

On ne saurait trop conseiller ce typer de lecture même si l’ouvrage (du reste relativement court quand on voit la longévité de l'écrivain autrichien) souffre d’un problème récurrent. En effet, en voulant être trop exhaustive sur sa production littéraire, Sauvat s’attarde sur chaque pièce ou nouvelle de l’écrivain en la résumant puis en y ajoutant une ou deux phrases d’analyse, n’évitant assurément pas le catalogue. On aurait préféré une approche synthétique plutôt qu’une accumulation d’idées relativement vagues sur l’œuvre de l’écrivain autrichien. Mais l’esprit de Vienne est restitué avec précision, et la vie tumultueuse de Arthur Schnitzler renaît le temps de cette lecture.


Jean-Laurent Glémin
( Mis en ligne le 26/10/2007 )
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