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Itinéraire d'un marchand de bananes
Guillaume Gros   Philippe Ariès, un traditionaliste non-conformiste - De l'Action française à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (1914-1984)
Presses universitaires du Septentrion - Histoire et civilisations 2008 /  23 € - 150.65 ffr. / 346 pages
ISBN : 978-2-7574-0041-8
FORMAT : 16,0cm x 24,0cm
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Auteur des classiques Histoire des populations françaises (1948), L’Enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime (1960 et 1973) et L’Homme devant la mort (1977), Philippe Ariès (1914-1984) a été une figure emblématique de la Nouvelle histoire aux côtés de G. Duby, J. Le Goff, E. Le Roy Ladurie ou M. Vovelle. Mais celui qui est devenu, seulement à 64 ans, directeur d’études à l’EHESS fut pendant longtemps un solitaire, un historien franc-tireur, qui a bâti son œuvre en dehors de l’université, bref un Historien du dimanche pour reprendre le titre de ses entretiens avec Michel Winock parus au Seuil en 1980. Dans cet ouvrage qui inaugurait un exercice de style appelé à faire école, l’égo-histoire, Philippe Ariès portait à la connaissance du grand public l’itinéraire d’un historien issu d’une famille traditionaliste et formé à l’école de l’Action française dans les années trente. Cette confession apportait quelques explications sur sa longue marginalité qui tenait également au fait qu’il n’était pas agrégé, sans thèse et non universitaire : il fit l’essentiel de sa carrière comme responsable d’un service de documentation à l’Institut des fruits et agrumes coloniaux d’où le sobriquet quelque peut méprisant de «marchand de bananes» qu’utilisaient certains historiens pour le définir.

Dans ces conditions, comment Philippe Ariès est-il parvenu à s’imposer comme un précurseur de l’histoire des mentalités, contribuant à renouveler l’historiographie des années soixante dix et quatre vingt ? La biographie de Guillaume Gros, aux Presses Universitaires du Septentrion, sur l’historien, Philippe Ariès (1914-1984). Un traditionaliste non conformiste. De l’Action française à l’Ecole des hautes études en sciences sociales permet de répondre à cette question en mettant l’accent sur la place tenue par sa culture politique dans sa vocation de l’historien. L’auteur, docteur en histoire de l’Institut d’Etudes politiques de Paris, a choisi un plan chronologique afin de bien mettre en valeur les temps forts de l’itinéraire d’un homme dont le parcours s’enracine dans l’histoire politique et intellectuelle du XXe siècle.

La première partie, centrée sur l’enfance dans une famille royaliste d’Action française des années vingt, analyse le processus de politisation précoce du jeune Ariès qui a quasiment appris à lire dans le quotidien de Charles Maurras. Cette période constitue une forme d’âge d’or dans l’itinéraire de l’historien profondément nostalgique de ce temps dont il évoque l’atmosphère chaleureuse dans ce premier essai d’égo-histoire avant l’heure qu’est Le Temps de l’histoire (1954). A partir de 1936, Philippe Ariès devient un militant d’Action française et fustige la République dans le journal L’Etudiant français. Si bien qu’après la Défaite, il se montre très attentif aux projets qui se mettent en place.

Guillaume Gros montre l’importance de l’Occupation dans la vocation de l’historien qui, tout en participant à certaines entreprises de la Révolution nationale (professeur notamment dans une école de cadres), rédige son premier livre, Traditions sociales dans les pays de France (1943). Tenté par une forme de désengagement politique tout en restant fidèle à sa culture traditionaliste, Philippe Ariès s’absorbe de manière quasi monacale dans la préparation de sa monumentale Histoire des populations françaises (1948) quasiment rédigée fin 1945. Ici réside l’une des clés de la thèse du livre : Philippe Ariès choisit une histoire «souterraine» ou de la «longue durée», si l’on préfère, pour essayer d’échapper aux contingences de la politique. L’historien est désormais tiraillé entre la tentation de l’histoire et le militantisme. Car fondamentalement jusqu’à la fin de la guerre d’Algérie, le destin de Philippe Ariès recoupe celui d’une communauté maurrassienne, certes en perte de vitesse, mais qui retrouve des couleurs au temps de la Nation française, hebdomadaire monarchiste dirigé par son ami Pierre Boutang entre 1955-1966 et auquel collabora Philippe Ariès renouant avec les amitiés des années trente et avec le style Action française. Soutenant théoriquement De Gaulle au nom de la fidélité au Comte de Paris, Philippe Ariès ne tarde pas à mener une croisade contre le nouveau chef de l’Etat et pour l’Algérie française. Cet ultime combat politique le laisse désemparé et l’oriente définitivement vers l’histoire.

A côté de l’histoire de l’Action française et de ses sociabilités (voir les pages sur les salons de Daniel Halévy et de Gabriel Marcel), Guillaume Gros montre comment cet historien si français obtient aux États-Unis un début de légitimité avec la traduction de L’Enfant et la vie familiale dès 1963. Autre paradoxe, mai 68 donne en France une actualité nouvelle à son livre sur l’enfant dans un contexte de remise en cause des institutions. Il y décrivait, en effet, comment la prise de conscience du sentiment de l’enfance allait de pair avec ce qu’il nomme «l’enfermement» de l’enfant dans les écoles destinées à lui donner une éducation. La dernière partie, intitulée «Vers la notoriété : un amateur plébiscité par les historiens professionnels (1971-1984)», explique comment les éditions du Seuil donnent enfin à Philippe Ariès les moyens matériels de diffuser son œuvre par le biais des rééditions et d’achever ses travaux sur la mort dont il avait fixé un premier jalon lors d’un cycle de conférences aux États-Unis grâce à l’aide d’Orest Ranum (1974). Le succès rencontré par Philippe Ariès auprès du grand public, à la fin des années soixante-dix, force les «nouveaux historiens» à l’adopter. Une consécration tardive mais que Philippe Ariès vécut comme une délivrance.

En dépit du poids d’une culture politique prégnante parfaitement assumée, Philippe Ariès n’eut de cesse d’élargir ses centres d’intérêts et ses sociabilités. Militant, journaliste, éditeur, historien puis, à la fin de sa vie, universitaire... Guillaume Gros analyse les différentes facettes d’une personnalité très riche et non dogmatique, toujours disponible pour des rencontres. Quand, au cœur du conflit algérien, il édite en 1961, L’Histoire de la folie de Michel Foucault dans la collection qu’il dirige chez Plon «Civilisations d’hier et d’aujourd’hui» ou encore quand il se montre capable d’évolution sur la torture entamant un dialogue avec Pierre Vidal-Naquet.

Outre la biographie de Philippe Ariès, Guillaume Gros nous livre un important appareil critique avec une bibliographie exhaustive de ses articles depuis le milieu des années trente. Il présente également, en annexes, une bibliographie de la réception pour chacun des ouvrages de l’historien, bibliographie qui permet de mesurer la «longue traversée du désert» que connut Philippe Ariès et qui révoltait tant Michel Foucault. Enfin, cet ouvrage est la première synthèse en français sur le célèbre historien. Elle est également une contribution au renouveau historiographique des travaux sur l’Action française dans la perspective des actes des colloques intitulés L’Action française, culture, société, politique sous la direction de Michel Leymarie (Presses Universitaires du Septentrion, 2008), et Kiel et Tanger : une référence pour la politique extérieure française au XXe siècle, sous la direction de Georges-Henri Soutou et Martin Motte (A paraître aux éditions Economica, octobre 2008).


Jean-Bruno Baptistin
( Mis en ligne le 21/05/2008 )
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