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La haine de l'égalité
Jacques Necker   Réflexions philosophiques sur l'égalité
Les Belles Lettres - Bibliothèque classique de la liberté 2005 /  17 € - 111.35 ffr. / 148 pages
ISBN : 2-251-39040-5
FORMAT : 14x21 cm

L'auteur du compte rendu: Guy Dreux est professeur certifié de Sciences Economiques et Sociales en région parisienne (92). Il est titulaire d'un DEA de sciences politiques sur le retour de l'URSS d'André Gide.
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On ne remerciera jamais assez les libéraux et certains conservateurs d'une qualité essentielle : dire et écrire sans détours ce qu'ils pensent. Ici, Necker développe ses considérations philosophiques qui tiennent en une haine contenue mais très marquée, une haine presque distinguée pour l'égalité. Dans un style élégant, ce responsable des finances de Louis XVI multiplie les arguments qui s'opposent au principe nouveau qui guide la Révolution. La démonstration tient en quatre points clairement exposés : l'égalité contrarie l'ordre public, la liberté, la morale et le bonheur.

L'ordre public est perturbé par l'égalité car il ne peut reposer que sur une distribution hiérarchisée des places et des rangs. L'inégalité des talents et des aptitudes ne peut que déboucher sur une hiérarchie harmonieuse des différences. Cette gradation sociale est la garante de l'ordre mais aussi de la moralité. Or l'égalité en exacerbant les envies et détruisant tout respect et toute autorité rend informe et violente toute construction sociale. C'est pourquoi le gouvernement des choses et des hommes qui s'y exerce est condamné à la contrainte et la violence. Aussi, pour Necker, le bonheur ne consiste-t-il pas à gravir tous les échelons de la hiérarchie sociale, d'atteindre les sommets, mais plutôt de franchir les premières barrières qui s'offrent aux individus. Le bonheur ne peut venir que de ces ambitions mesurées. De sorte que Necker développe l'idée que l'art du gouvernement est de multiplier les grades et les rangs pour que chacun puisse s'élever tout en restant à sa place. Enfin, pour Necker, l'égalité c'est l'oubli de Dieu.

Considérations conservatrices, assurément, que Necker présente lui-même comme les "vérités conservatrices de l'ordre public". Son ambition générale est de vouloir établir une correspondance entre la hiérarchie sociale et les inégalités naturelles. Pensée aussi d'un homme qui, effrayé par la Terreur (1793 est l'année de la première rédaction de ce texte) et exilé en Suisse, ne peut s'empêcher de ne voir dans les épisodes de la Révolution qu'une lente dégradation vers la barbarie. "Ils se croyaient éclairés plus que d'autres par la science et par la méditation, et cependant ils se sont conduits comme les chefs d'une horde de barbares, en détruisant toutes les pompes du monde moral et en provoquant l'uniformité par un rabaissement universel."

Historiens, philosophes et politistes trouveront dans cet ouvrage des formules intéressantes, qu'ils soient prompts à en historiciser le contenu ou à en élargir, pour d'autres temps, la "sagesse". Mais l'autre intérêt, totalement involontaire celui-là, du texte de Necker est d'être publié au même moment qu'un texte de Jacques Rancière, La Haine de la démocratie (éditions La Fabrique). Jacques Rancière y explique comment, à travers la permanence d'une philosophie politique qui ne vise qu'à limiter le jeu de la politique démocratique en excluant ceux qui n'ont pas les compétences à y participer, comment, donc, le peuple est devenu un problème pour les élites. Or on trouve chez Necker sous la forme la plus claire et la plus assumée les principes qui justifient l'exclusion d'une part de la population aux affaires politiques. L'argument essentiel étant que les inégalités de fortune, d'intelligence, de force, etc., sont naturelles et que la complexité des affaires renvoie à l'utopie toute affirmation du principe d'égalité. Et puisqu'il est impossible d'universaliser l'effort d'éducation, les inégalités de compétences ne peuvent que perdurer. L'art de gouverner consiste donc à les rendre acceptables, voire souhaitables. Parce que la "classe nombreuse de l'ordre social", de par sa "fortune", est obligé de se consacrer au travail "dès les premiers développements de ses forces", il lui est impossible d'accéder aux connaissances nécessaires pour comprendre et appréhender la complexité du monde ou, plus simplement, la nécessité d'une loi.

On l'aura compris, le bonheur pour Necker réside dans les ambitions mesurées et la relation à Dieu ; en un mot dans l'acceptation de sa condition.


Guy Dreux
( Mis en ligne le 02/10/2005 )
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