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L'Esprit des lois décortiqué
Céline Spector   Montesquieu - Liberté, droit et histoire
Editions Michalon - Le Bien commun 2011 /  17 € - 111.35 ffr. / 309 pages
ISBN : 978-2-84186-522-2
FORMAT : 18,6cm x 11,6cm

L'auteur du compte rendu : Alexis Fourmont a étudié les sciences politiques des deux côtés du Rhin.
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Dans son opus magnum De l’Esprit des lois, Montesquieu avançait que la liberté politique serait intimement liée à ce qu’il appelait «l’esprit de modération» (p.155). «La liberté politique, écrivait-il en effet, ne se trouve que dans les gouvernements modérés. Mais elle n’est pas toujours dans les gouvernements modérés ; elle n’y est que lorsqu’on n’abuse pas du pouvoir ; mais c’est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ; il va jusqu’à ce qu’il trouve des limites. Qui le dirait ! La vertu même a besoin de limites. Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir» (p.157).

A coup sûr, Montesquieu fait figure de classique de la philosophie politique depuis près de trois siècles. Pourtant, s’il est souvent cité, il demeure peu lu faute d’un guide de lecture approprié permettant au lecteur d’entrer dans cette œuvre qui impressionne et parfois rebute. Montesquieu. Liberté, droit et histoire, le dernier ouvrage de Céline Spector, a pour vocation de combler cette lacune. L’universitaire précise en effet en exergue du livre que la décision de publier cette étude fait suite à de nombreuses «rencontres avec des étudiants et chercheurs de disciplines différentes, amateurs mais non connaisseurs de Montesquieu, qui évoquaient leur difficulté à lire son œuvre maîtresse». C. Spector conçoit donc l’ouvrage comme une sorte de «brève introduction à l’un de classiques, encore méconnu, de la philosophie politique».

Pour ce faire, l’universitaire parcourt le véritable chef d’œuvre de la philosophie des Lumières en commentant les passages les plus importants de l’œuvre, en en dégageant l’essentiel, en en éclairant les enjeux et en les mettant en perspective. L’objet de L’Esprit des lois est de penser chaque législation, de considérer chaque système juridique «dans son rapport à un ensemble de facteurs caractéristiques de la vie d’un peuple». Bref, observe C. Spector, «il s’agit (…) d’une histoire naturelle des lois» (p.68). Montesquieu défendait en effet l’idée qu’«il faut qu’elles se rapportent à la nature et au principe du gouvernement établi, ou qu’on veut établir ; soit qu’elles le forment, comme font les lois politiques ; soit qu’elles le maintiennent, comme le font les lois civiles». Montesquieu étudie donc leur rapport «au physique du pays», «au climat glacé, brûlant ou tempéré», «à la qualité du terrain, à sa situation, à sa grandeur», «au genre de vie des peuples», «au degré de liberté que la Constitution peut souffrir», «à la religion des habitants, à leurs inclinations, à leurs richesses, à leur nombre, à leur commerce, à leurs mœurs, à leurs manières» (p.69). Le rapport des lois entre elles est également abordé par le Baron de la Brède.

Celui-ci s’est en outre intéressé à la typologie des gouvernements. Il affirmait à ce propos qu’il existe trois espèces de gouvernement : la république, la monarchie et le despotisme, qu’il définit comme suit : «le gouvernement républicain est celui où le peuple en corps, ou seulement une partie du peuple, a la souveraine puissance ; le monarchique, celui où un seul gouverne, mais par des lois fixes et établies ; au lieu que, dans le despotisme, un seul, sans loi et sans règle, entraîne tout par sa volonté et ses caprices» (p.78). On le voit, Montesquieu était particulièrement attentif à la question de celui qui exerce le pouvoir ainsi qu’au thème de la finalité de son exercice. Le Baron se fit par ailleurs novateur en introduisant dans sa réflexion sur les systèmes politiques la notion de «principe» (p.121), comme la vertu républicaine, l’honneur monarchique et la crainte liée au despotisme.

La liberté politique, dont il a été question plus haut, ne se laisse pas appréhender aussi aisément que l’on pourrait croire. Montesquieu en dit qu’«il n’y a point de mot qui ait reçu plus de différentes significations, et qui ait frappé les esprits de tant de manières, que celui de liberté. Les uns l’ont pris pour la facilité de déposer celui à qui ils avaient donné un pouvoir tyrannique ; les autres, pour la faculté d’élire celui à qui ils devaient obéir ; d’autres pour le droit d’être armés, et de pouvoir exercer la violence ; ceux-ci, pour le privilège de n’être gouvernés que par un homme de leur nation, ou par leurs propres lois. Certain peuple a longtemps pris la liberté pour l’usage de porter une longue barbe. Ceux-ci ont attaché ce nom à une forme de gouvernement, et en ont exclu les autres. Ceux qui avaient goûté du gouvernement républicain l’ont mise dans ce gouvernement ; ceux qui avaient joui du gouvernement monarchique l’ont placé dans la monarchie. Enfin chacun a appelé liberté le gouvernement qui était conforme à ses coutumes ou à ses inclinations» (p.169). S’il ne donne pas une définition univoque de la liberté, Montesquieu affirme que l’Angleterre «a pour objet direct de sa Constitution la liberté politique» (p.174).

Pour y parvenir, la distribution des pouvoirs est nécessaire. Toutefois, prévient C. Spector, celle-ci ne se comprend nullement comme une séparation organique ni comme une indépendance fonctionnelle des pouvoirs. Il convient donc de rompre avec la confusion des organes et des fonctions. D’une part, «Montesquieu ne remet pas le pouvoir législatif au Parlement seul, mais au Parlement et au monarque. Si le Parlement élabore et vote les lois dont ses membres ont pris l’initiative, ces lois n’entrent en vigueur que si le monarque y consent. Le monarque prend part à la législation par son droit de veto ou «sa faculté d’empêcher» ; la puissance exécutrice, de ce point de vue, «fait partie de la législative». D’autre part, il ne réprouve que «le cumul intégral du pouvoir législatif et du pouvoir de juger». Par exemple, «il n’interdit pas que l’organe qui reçoit une partie du pouvoir législatif se voie attribuer le jugement de certains procès», comme dans certains cas les chambres. Enfin, «Montesquieu ne préconise pas davantage l’indépendance de chaque organe dans l’exercice de sa fonction». Reprenant Michel Troper, C. Spector ajoute à cet égard que, «de ce point de vue, la séparation des pouvoirs est un «mythe»» (pp.180-181).


Alexis Fourmont
( Mis en ligne le 19/07/2011 )
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