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''L’expérience Sarkozy est un échec politique'' | | | Dominique Rousseau Le Consulat Sarkozy Odile Jacob 2012 / 19.90 € - 130.35 ffr. / 190 pages ISBN : 978-2-7381-2760-0 FORMAT : 14,5cm x 22cm Imprimer
Professeur de droit constitutionnel à lUniversité Paris I, ancien membre du Conseil supérieur de la magistrature, Dominique Rousseau vient de publier un bilan sans concession sur le quinquennat qui vient de sécouler. Il faut dire que la pratique de lactuel locataire du palais de lElysée a parfois paru se distinguer assez nettement de celle de ses prédécesseurs. Parue aux éditions Odile Jacob, cette étude iconoclaste sintitule Le Consulat Sarkozy.
Comme le rappelle demblée luniversitaire, «tout avait pourtant bien commencé» : le président bénéficiait au départ dune incontestable légitimité. Il faut dire quen 2007 sa victoire sur Ségolène Royal était sans appel : sur son nom, le candidat Nicolas Sarkozy était parvenu à rassembler 53% des suffrages exprimés, alors que sa malheureuse rivale navait recueilli que 47% des voix. De surcroît, le taux de participation était plutôt élevé, puisquil atteignit 81%. Fort du soutien du peuple et disposant de tous les leviers institutionnels, le projet de rupture tous azimuts que défendait Nicolas Sarkozy pouvait être mis en place.
Cependant, le quinquennat sest finalement révélé être décevant à bien des égards. En effet, explique le professeur D. Rousseau, «Nicolas Sarkozy voulait tuer le job de premier ministre ; à larrivée, en 2012, il a seulement abîmé le «métier» de président. Nicolas Sarkozy voulait réhabiliter le parlement ; à larrivée, en 2012, il a seulement restauré le régime des partis. Nicolas Sarkozy voulait soumettre la justice ; à larrivée, en 2012, il a pourtant inventé le juge constitutionnel. Nicolas Sarkozy voulait refonder le modèle politique français ; à larrivée, en 2012, il a seulement bricolé lancien monde». La conclusion de lauteur tombe comme un couperet : finalement, «lexpérience Sarkozy est un échec politique», le président ayant transformé lor en plomb.
Au fil des pages, Dominique Rousseau revient sur les raisons de ce fiasco. Pour ce faire, grand cas est fait de la «crise idéologique» secouant lHexagone. Celle-ci résulterait de la faillite du «modèle social construit après la Seconde Guerre mondiale». Dans cette perspective, la victoire de N. Sarkozy incarnait initialement la «capacité à capter lattente sociale de nouveauté et à donner à son action le sens dune politique de la renaissance», i.e. le sens dune «politique de civilisation». A lheure des bilans, dans ce domaine, «il nest pas sûr que lexpérience ait réussi».
Polymorphe, la crise est également institutionnelle. Le système politique de la Ve République serait à bout de souffle, bien que la Constitution de 1958 ne soit pas sans quelque «mérite» ni sans «vertu». Rappelant au passage certaines assertions de F. Mitterrand, quil exhume du célèbre Coup dEtat permanent (1964), Dominique Rousseau poursuit son réquisitoire et avance lidée selon laquelle «la Ve République fait souffrir la démocratie». Depuis ses origines, en effet, «lautorité indivisible de lEtat est confiée tout entière au président par le peuple qui la élu, quil nen existe aucune autre, ni ministérielle, ni civile, ni militaire, ni judiciaire qui ne soit conférée et maintenue par lui».
Ce système a abouti, en 1958, à rien de moins quune «fracture profonde du lien politique, une crise de confiance entre gouvernants et gouvernés». Doù la révision constitutionnelle de 2008, dont les effets ne sont pas parvenus à résoudre totalement la crise institutionnelle hexagonale. En 2012, écrit Dominique Rousseau, il semblerait que la présidence Sarkozy ait fait «exploser» la Ve République. Pour y remédier, luniversitaire propose de fécondes pistes de réflexion visant à «inventer les institutions de la démocratie des citoyens».
Jean-Paul Fourmont ( Mis en ligne le 27/03/2012 ) Imprimer
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