L'actualité du livre Jeudi 28 mars 2024
  
 
     
Le Livre
Histoire & Sciences sociales  ->  
Biographie
Science Politique
Sociologie / Economie
Historiographie
Témoignages et Sources Historiques
Géopolitique
Antiquité & préhistoire
Moyen-Age
Période Moderne
Période Contemporaine
Temps Présent
Histoire Générale
Poches
Dossiers thématiques
Entretiens
Portraits

Notre équipe
Littérature
Essais & documents
Philosophie
Beaux arts / Beaux livres
Bande dessinée
Jeunesse
Art de vivre
Poches
Sciences, écologie & Médecine
Rayon gay & lesbien
Pour vous abonner au Bulletin de Parutions.com inscrivez votre E-mail
Rechercher un auteur
A B C D E F G H I
J K L M N O P Q R
S T U V W X Y Z
Histoire & Sciences sociales  ->  Science Politique  
 

Bush, en théorie
Denis Lacorne   Justin Vaïsse    Collectif   La Présidence impériale - De Franklin D. Roosevelt à George W. Bush
Odile Jacob 2007 /  23.90 € - 156.55 ffr. / 219 pages
ISBN : 978-2-7381-2028-1
FORMAT : 15,0cm x 22,0cm

L'auteur du compte rendu: Gilles Ferragu est maître de conférences en histoire contemporaine à l’université Paris X – Nanterre et à l’IEP de Paris.
Imprimer

En 1973, l’historien américain Arthur M. Schlesinger Jr théorisait la montée en puissance de l’exécutif américain à travers une formule qui faisait mouche (et école), la «présidence impériale». Provocatrice comme tout bon oxymore (à part dans la France de Louis Napoléon Bonaparte…), cette «présidence impériale» sonnait comme un pied de nez aux checks and balances qui font de la vieille constitution américaine (1787) un modèle d’équilibre et de souplesse. Certes, le système des amendements en a garanti la pérennité, mais dans les situations d’urgence nationale (à définir), seul l’exécutif – et donc la présidence – peut exciper d’une réactivité nécessaire pour rassembler les pouvoirs, quand le parlementarisme serait englué dans les débats… Vision stéréotypée ?

C’est donc à l’avènement de cette «présidence impériale» - une notion qui ne désigne pas seulement la présidence Bush Jr, mais remonte historiquement à F.D. Roosevelt, voire plus loin - que Denis Lacorne, directeur de recherche au CERI et spécialiste de la civilisation américaine, et Justin Vaïsse, chercheur à la Brookings Institution et auteur d’études incontournables sur la politique extérieure américaine, ont consacré un ouvrage collectif, issu d’un colloque et rassemblant quelques grands spécialistes français et américains de la question des institutions. Signalons du reste que l’ouvrage présente des communications en anglais et en français : un ouvrage militant – en ce domaine – pour les études américaines en France.

Le sujet donc : à l’heure où l’exécutif français pratique une forme d’impérialisme – au moins dans les médias, sinon dans la définition de la politique même - le débat sur la présidence impériale, quoiqu’historiquement américain, pourrait devenir transatlantique. Il l’était du reste, philosophiquement, au XVIIIe siècle, à travers l’essor de la philosophie politique et le mythe américain d’une république idéale, fondatrice. Mais pourquoi un tel accroc à ce modèle américain fantasmé par Montesquieu et scruté par Tocqueville ? C’est le sens de la première interrogation de P. Mélandri, qui évoque le poids des contextes dans l’évolution des institutions, contexte de guerre (à la pauvreté comme au terrorisme) depuis le New Deal jusqu’au 11 septembre et à l’Irak, avec, en arrière plan, des médias de plus en plus développés… et parfois le soutien même des institutions censées contrebalancer l’exécutif, à savoir le Congrès et la Cour suprême.

Comme le montre Denis Lacorne, le débat peut toutefois se transposer sur le modèle élaboré par Schlesinger lui-même, et sur les failles – idéologiques - de son raisonnement (ce qui ne remet pas en cause le principe même de la présidence impériale, mais qui permet d’en modifier l’assiette politique) : du théoricien à la théorie, la communication de D. Lacorne permet au lectorat français de resituer un débat qui peut sinon sembler clôt. Or débat, il y a et c’est justement en cela que l’ouvrage s’avère nécessaire au public francophone, afin de bousculer un schéma qui semble déjà figé. Loin de fustiger, les auteurs ont au contraire entrepris de dévoiler la complexité et les implications (politiques, institutionnelles, philosophiques) de cette évolution.

Car la présidence impériale recèle forcément des vertus : c’est en tous les cas la position (le plaidoyer) d’H. Mansfield, qui revisite la philosophie politique des pères fondateurs pour éclairer l’esprit des institutions actuelles. Un débat dans lequel V. Michelot s’insère, en montrant la «responsabilité» du Congrès (ou plutôt de son effacement) dans l’avènement du président (la politique, comme la nature, n’apprécie pas le vide), un débat engagé par W. A. Galston, qui répond (dans un texte plutôt écrit sous forme d’argumentaire) à son collègue. Cela confère à l’ouvrage ce ton vivant qui est celui du vrai débat démocratique et scientifique. En question également, comme révélateur, la guerre au terrorisme, ou du moins, la manière de la mener : à ce titre, les communications d’A. Garapon et de J. Shapiro remettent dans la perspective actuelle, immédiate même, le débat entamé sur des prémices philosophiques ou institutionnels, en posant la question plus large des démocraties, confrontées à ce genre de guerre inédite, et, plus spécifiquement, en établissant une comparaison nécessaire entre deux États si divers en matière de conception juridique, que la France et les États-Unis. Une manière subtile de conclure l’ouvrage sur une sorte de relativisme juridique/politique, loin des stéréotypes réducteurs qui circulent parfois de part et d’autres de l’Atlantique.

Un ouvrage utile donc, indispensable pour resituer avec précision un débat souvent tronqué en France (et l’on appréciera d’autant l’excellente introduction des auteurs, parfaitement synthétique), et qui, mené par deux de nos meilleurs connaisseurs de la civilisation américaine, témoigne de la vitalité des études sur ce sujet.


Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 15/02/2008 )
Imprimer

A lire également sur parutions.com:
  • Les Etats-Unis
       de Denis Lacorne , Collectif
  • Les Etats-Unis d'aujourd'hui
       de André Kaspi
  • Etats-Unis, peuple et culture
       de John Atherton , collectif
  •  
    SOMMAIRE  /  ARCHIVES  /  PLAN DU SITE  /  NOUS ÉCRIRE  

     
      Droits de reproduction et de diffusion réservés © Parutions 2024
    Site réalisé en 2001 par Afiny
     
    livre dvd