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La place des hommes dans la nature
Alain de Benoist   Des animaux et des hommes - La place de l’homme dans la nature
Éditions Alexipharmaque 2010 /  17 € - 111.35 ffr. / 102 pages
ISBN : 978-2917579114
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Des Animaux et des homme est la réponse d'Alain de Benoist à l'ouvrage d'Yves Christen, L'Animal est-il une personne ?, lequel défend l'idée que, partageant certaines caractéristiques humaines (cognitives, sociales, affectives, langagières, morales, etc.), les animaux sont des individus à part entière et que, donc, il ne serait pas illégitime de les considérer comme des sujets de droit ou, à tout le moins, des patients moraux. Il serait désormais impossible de leur conserver le statut - métaphysique et moral - qu'ils ont encore aujourd'hui. L'ouvrage de Christen, plutôt scientifique que philosophique, participe du mouvement de remise en question des divisions nature/culture ou animalité/humanité qui constituent l'un des piliers de la pensée humaniste – et de la modernité en général.

Depuis une quarantaine d'années, nombre d'anthropologues, de philosophes et d'éthologues n'ont cessé de contester l'idée d'une rupture nette entre nature animale et nature humaine, certains considérant du reste qu'il s'agit là d'une simple exigence de cohérence intellectuelle puisque la communauté scientifique dans son ensemble admet les thèses darwiniennes, lesquelles impliquent une forme de continuité plutôt qu'une coupure abrupte entre hommes et animaux. Par ailleurs, là où les éthologues rapprochent chaque jour davantage les animaux des hommes en décrivant la complexité et la finesse de l'intelligence des premiers, voire leur capacité d'innover hors du «programme» instinctif pour s'adapter spontanément aux changements environnementaux, les sociobiologistes, qui ancrent leurs théories dans la génétique, rapprochent cette fois les hommes des animaux en expliquant certains comportements humains comme on le faisait jadis des comportements animaux... Si ce brouillage des pistes est déjà plus ou moins acquis dans le monde anglo-saxon, il ne l'est pas sur le vieux continent... On en veut pour preuve, précisément, la réaction d'Alain de Benoist, pourtant à l'origine proche des thèses sociobiologistes et critique sévère de la dogmatique humaniste : l'ancien maître à penser de la nouvelle droite est bien obligé de concéder les faits, mais reste manifestement soucieux de contester leur interprétation.

Il n'a du reste pas tout à fait tort. Après une riche synthèse de la question du statut des animaux dans la philosophie occidentale, il se penche sur l'argumentation de Christen et souligne, par exemple, son refus de définir ses concepts (qu'est-ce qu'une personne ?) ; en bon logicien, il conteste aussi l'idée qu'une différence de «degré» - telle que la conçoit à bon escient Christen – ne soit pas en soi suffisante pour marquer une différence pour ainsi dire «métaphysique» entre l'homme et l'animal. Il est vrai que la ressemblance n'est pas l'identité et que rapprocher n'est pas assimiler – mais au fond, Christen n'a pas non plus affirmé cela...

Il y a quelque chose du dialogue de sourds entre les deux auteurs : l'un souligne les ressemblances, l'autre souligne les dissemblances et tout le monde passe à côté du problème. Car enfin, l'un et l'autre ont une logique commune qui consiste à dire ce qu'est un homme en relation à ce qu'est (ou n'est pas) un animal – autrement dit à jouer le vieux jeu de l'humanisme qui a toujours eu besoin des «manques» de l'animal pour assurer l'identité humaine (ou des «manques» des cultures non-occidentales pour assurer l'identité de la culture occidentale). Du point de vue éthique, cela fait longtemps que, en philosophie anglo-saxonne, la question de l'identité a été dépassée par celle de la souffrance et de la conscience : les animaux sont des patients moraux non pas parce qu'ils nous ressemblent ou qu'ils partagent nos caractéristiques, mais parce qu'ils éprouvent de la souffrance et du plaisir (pour l'utilitarisme de Singer) ou ont intérêt à la préservation de leur vie (pour le déontologisme de Regan et Francione) ou encore doivent réaliser ce pour quoi ils existent (pour l'éthique des capacités de Nussbaum).

Certes, Monsieur de Benoist n'a pas pour objectif de parler d'éthique... Mais alors, précisément, quel est-il ? On le comprend à sa conclusion : «il existe à la fois de la continuité (...) et de la discontinuité (...) : le microphysique, le macrophysique (la matière inanimée), le vivant et l'humain. Ces quatre niveaux ont chacun des lois qui leur sont propres. (...) Les différents niveaux s'emboîtent les uns dans les autres, mais sans pouvoir se réduire l'un à l'autre. (...) L'homme est un animal, mais il n'est pas qu'un animal. Ce qui constitue le propre de l'homme ne contredit pas les lois de la biologie, mais les dépasse». En fait, il s'agit à la fois d'extraire l'homme du seul raisonnement biologique ou sociobiologique et de lui accorder sa spécificité dans la nature sans recours à Dieu et sans réduction à la matière (ou à la biologie).

La démonstration est brillante et érudite ; l'histoire philosophique est admirablement revisitée et les débats scientifiques parfaitement maîtrisés; mais, franchement, cette conclusion n'était-elle pas déjà acquise ?... Et devait-elle se faire en renvoyant les animaux au monde des plantes et en oubliant ce qui constitue, du point de vue moral comme métaphysique et phénoménologique, le point commun essentiel entre les hommes et les animaux : la souffrance et le plaisir ?


Frédéric Dufoing
( Mis en ligne le 22/03/2011 )
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