| Françoise Waquet Parler comme un livre - L'oralité et le savoir (XVIème-XXème siècles) Albin Michel - L'évolution de l'humanité 2003 / 25 € - 163.75 ffr. / 427 pages ISBN : 2-226-13761-0 FORMAT : 15 x 23 cm
L'auteur du compte rendu : Ancienne élève de lÉcole nationale des Chartes et de lÉcole nationale du Patrimoine, Agnès Callu a soutenu une thèse dÉcole publiée sous le titre : La Réunion des Musées nationaux, 1870-1940 : genèse et fonctionnement, (Champion-Droz, 1994, prix Louis Lenoir). Elle est conservateur du patrimoine au Centre historique des Archives nationales, maître de conférences à lIEP de Paris et chargée de cours à lUniversité Paris IV Sorbonne et à lÉcole nationale des Chartes. Elle poursuit ses recherches sur les politiques culturelles françaises aux XIX-XXe siècles. Imprimer
Dordinaire, loralité est privilégiée par ceux qui sintéressent au primitivisme des peuples sans écriture, à la culture populaire, chasse gardée du folklore, ou bien encore à lhistoire orale où interviennent danciens responsables publics, voire à toutes les formes de diffusion médiatique. Là nest pas le propos de Françoise Waquet, qui traque le rôle de la parole dans létablissement des schémas cognitifs, cest-à-dire dans un domaine où, depuis limprimerie, lécrit monopolise ce que lon retient dans lélaboration de la connaissance.
Le grand mérite de lenquête ainsi entreprise est alors de dépasser les âges classiques familiers à lauteur pour atteindre les sciences dures les plus contemporaines. Grâce à un corpus dexemples diachroniques qui seront sans trêve remalaxés, l'auteur démontre que le dialogue, quels que soient ses aspects sonores, favorise des apports intellectuels au moins aussi utiles que la réflexion solitaire sur les textes.
Les siècles passés ont prôné lart de la conversation puis le séminaire, antidote du cours magistral. Les nouveautés seraient donc, dune part, la petite conférence, de lautre, le poster. Dans le premier cas, lavantage viendrait, outre le faible nombre, du caractère informel de la réunion où lexposé serait naturellement interrompu par les questions et les excursus ; dans le second, laffichage synthétique instituerait un contact immédiat avec le spécialiste. Il ne faudrait pas croire néanmoins quune coupure se soit produite avec les pratiques antérieures : les débats restreints autour dune table ont valu leur réputation à lÉcole pratique des hautes études comme à celle des Hautes études en sciences sociales.
Dans le sens du futur, le poster annonce le site ; on sétonne, dailleurs, que si peu dimportance soit accordée à linformatique, substitut de la correspondance scientifique qui, tant de fois, a prouvé sa supériorité sur les improvisations dans les corridors. À cet égard, les colloques qui, en principe, devraient saxer sur les discussions, les suppriment volontiers, car, bien souvent, les réactions de lauditoire, insuffisamment préparé, ne poussent pas plus avant la mise à lépreuve de lhypothèse : ne vaudrait-il pas mieux, plutôt qualigner des sessions répétitives, programmer un volume commun sur une thématique donnée ?
Ne croyons pas a priori aux communions platoniciennes encouragées par la chaleur de la voix, dautant que les pesanteurs linguistiques mènent à lemploi dun anglais basique où sappauvrit la symbiose. Il reste que Françoise Waquet a raison de relever loralité de sa position marginale. Dans le travail actuel surtout celui des laboratoires simpose la constitution déquipes interdisciplinaires. Mieux que dans le secteur des humanités, on saperçoit aussitôt que, rapide, inopiné, éventuellement vagabond, léchange des mots qui volent est à lévidence facteur de souplesse desprit. Parler permet de suivre la marche accélérée du temps.
Agnès Callu ( Mis en ligne le 17/09/2003 ) Imprimer
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