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Une pensée libérée
Frédéric Bastiat   Sophismes économiques
Les Belles Lettres - Bibliothèque classique de la liberté 2005 /  20 € - 131 ffr. / 290 pages
ISBN : 2-251-39038-3
FORMAT : 14x21 cm

L'auteur du compte rendu: Guy Dreux est professeur certifié de Sciences Economiques et Sociales au lycée Michelet de Vanves (92). Il est titulaire d'un DEA de sciences politiques sur le retour de l'URSS d'André Gide.
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La collection Bibliothèque classique de la liberté poursuit son projet éditorial d'exhumer des textes inconnus ou méconnus, souvent devenus introuvables, de "la grande tradition libérale française". Avec cet ouvrage de Bastiat, indisponible depuis fort longtemps, Les Belles Lettres nous proposent un texte d'une grande qualité.

Lorsqu'il est fait mention de lui dans des manuels d'économie, on présente Frédéric Bastiat (1801-1850) comme un fervent défenseur du libre-échange, durablement engagé dans le débat public pour combattre le protectionnisme. Ayant fait des études sans avoir eu de diplômes, lettré et aussi homme d'action, cet amoureux du terroir a voyagé en Angleterre où il a rencontré la Ligue contre les lois sur les céréales. Il entreprend alors de traduire les textes des principaux contributeurs de cette ligue. Lecteur des économistes libéraux déjà classiques, sa conviction faite, il mène un combat inlassable contre toute mesure protectionniste, principalement en signant de très nombreux articles de presse et en publiant quelques ouvrages. Sophismes économiques est constitué de nombreuses interventions de ce type.

Si ce n'était que cela, le volume mériterait d'être lu ne serait-ce que pour rappeler que si Ricardo, pour ne prendre qu'un exemple de poids, a très largement contribué à asseoir la théorie libre-échangiste, d'autres ont compté pour en développer certains aspects et – comme Ricardo d'ailleurs - se sont engagés pour faire valoir politiquement leurs idées. Mais l'intérêt de l'ouvrage ne s'arrête pas là.

Ecrit dans les années 1845-1848, le livre témoigne de l'état du débat de l'époque sur la question des échanges internationaux. Bastiat reprend en effet, de façon critique, des textes et des déclarations de journalistes, de parlementaires et d'hommes politiques importants. Cette contextualisation n'enlève rien à la portée du propos. Tout au contraire, en reprenant ce que l'on appellerait aujourd'hui le "sens commun" de son époque, il développe des considérations les plus générales possibles. Il montre et démontre à l'envi que si la thèse "restrictive", comme il l'appelle, est populaire, elle dessert en fait les intérêts du peuple, du plus grand nombre. Pire, elle assure des déplacements de richesses dont quelques-uns seulement profitent. Il insiste sur l'idée que les mesures protectionnistes ne sont rien d'autre que des mesures de spoliation, souvent réclamées par des producteurs. Dans le cadre d'une démocratie représentative, ces mêmes intérêts ne peuvent s'exprimer que dans des termes plus généraux. Les protectionnistes développent donc les textes dont Bastiat entend faire la critique en en dévoilant l'origine profonde. Pour autant, il ne faut pas faire de Bastiat un révolutionnaire. Il est d'ailleurs convaincu que les thèses protectionnistes ne sont pas défendues par intérêt mais par conviction ; conviction partagée tout autant par les producteurs que par les ouvriers. C'est à ces derniers que Bastiat désire principalement s'adresser.

Il s'interroge sur les sources de cette erreur qui amène les uns et les autres à défendre des thèses finalement contraires à leurs intérêts. S'il cite en exergue Bentham, il semble qu'il en ait été un lecteur particulièrement attentif. On le sait, Bentham était très soucieux des questions de langage, ce qui l'a amené à développer tout un programme législatif souvent difficile à lire. Les fallacies se logent partout, dans le langage qu'il convient donc de rénover. Le terme de sophismes employé par Bastiat est donc à prendre très au sérieux. Son projet n'est pas de critiquer une théorie protectionniste parfaitement constituée et cohérente, mais plus précisément d'en reprendre les expressions les plus familières pour en démontrer le caractère incohérent, contradictoire, fallacieux. C'est ce qui l'amène à préciser, par exemple, les deux natures de "cherté" et de "bon marché".

Partant de l'idée que la confusion naît de l'échange lui-même - en tant qu'acheteur, chacun à intérêt au bon marché, en tant que vendeur chacun a intérêt à la cherté -, il souligne que le plus souvent on tente de restreindre les échanges pour maintenir une certaine quantité de besoins et du même coup une certaine quantité de travail nécessaire pour occuper la population. C'est sur ce dernier point que l'ouvrage est très riche et stimulant. Bastiat établit en effet des liens entre la gouvernementalité et la question du travail. C'est tout le sens de son "Conte chinois", dans lequel un empereur obstrue un canal pour occuper la population. Sans totalement développer cette question, il signale que le protectionnisme a souvent pour but d'éviter le désoeuvrement des populations – au-delà bien sûr des intérêts qu'il peut servir. Or Bastiat réfute, d'emblée, l'idée que la richesse réside dans le travail. Selon lui en effet, ce n'est pas l'agriculture, en tant qu'activité, qui nourrit les hommes, mais le blé. Cette précision n'a rien d'une sophistication ; elle entend simplement signaler que l'origine d'un produit importe peu. Ce qui compte c'est de se le procurer aux meilleures conditions possibles.

Il y aurait sûrement beaucoup de remarques à faire sur ce dernier point comme sur d'autres d'ailleurs – par exemple, le fait qu'il n'établit aucune différence de nature entre l'échange international et la division sociale du travail ou qu'il réfute totalement la notion de guerre économique. Mais reconnaissons que, sans rentrer dans tous les détails de l'ouvrage, Bastiat développe ses analyses particulièrement motivantes avec une grande rigueur, dans un style ironique ou incisif, avec une grande liberté de pensée. Voilà donc un ouvrage à lire par tous ceux qui s'intéressent à l'économie, quelles que soient leurs options théoriques ou politiques.


Guy Dreux
( Mis en ligne le 15/03/2005 )
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