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Histoire & Sciences sociales  ->  Sociologie / Economie  
 

Les linéaments de la sociologie
François Vatin   Trois essais sur la genèse de la pensée sociologique
La Découverte - Recherches 2005 /  23 € - 150.65 ffr. / 274 pages
ISBN : 2-7071-4512-2
FORMAT : 16x24 cm

L'auteur du compte rendu: Guy Dreux est professeur certifié de Sciences Economiques et Sociales en région parisienne (92). Il est titulaire d'un DEA de sciences politiques sur le retour de l'URSS d'André Gide.
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En 1837, l'Académie des sciences morales et politiques lance un concours sur le thème : "Déterminer en quoi consiste et par quels signes se manifeste la misère en divers pays. Rechercher les causes qui la produisent." Deux années plus tard, Eugène Buret reçoit une médaille d'or et 2500 francs pour son étude publiée en 1840 sous le titre : De la misère des classes laborieuses en France et en Angleterre. De la nature de la misère, de son existence, de ses effets, de ses causes et de l'insuffisance des remèdes qu'on lui a opposés jusqu'ici, avec l'indication des moyens propres à en affranchir les sociétés.

Certes, l'ouvrage de Buret n'est pas le premier, ni bien sûr le dernier, sur cette question. La même année paraît un titre qui connaîtra une plus grande fortune : Tableau de l'état physique et moral des ouvriers dans les fabriques de coton, de laine et de soie de Louis-René Villermé. Engels publiera La Situation de la classe laborieuse en Angleterre quatre années plus tard, alors que Tocqueville avait publié dès 1835 son Mémoire sur le paupérisme.

Pour François Vatin l'intérêt d'étudier cet ouvrage ne tient donc pas au sujet traité mais dans le fait que Buret y expose une approche sociologique de la pauvreté, qu'il développe par une étude économique originale du salariat. Intérêt redoublé car, selon l'auteur, on peut compter Buret parmi les principaux inspirateurs de Marx ; inspiration dont on trouve les premières traces dans les Manuscrits de 1844. Si Marx s'est peu à peu détaché de Buret, François Vatin tente donc de préciser ce que le premier doit au second.

Avec son ouvrage de 1840, ce jeune économiste, disciple de Rossi, "révolutionnaire de 1830 et disciple de Sismondi, voulait, contre les manchestériens, rendre à l'économie son caractère "politique", c'est-à-dire moralement fondé". Ainsi, bien que libéral, Buret va développer une critique de ce qui se veut déjà une science économique "pure". Attaché à une certaine conception de l'économie politique, il critique les économistes qui ont oublié la mission morale et sociale de l'économie. Dans cette perspective libérale, au sens moral du terme, il critique le concept de travail-marchandise couramment utilisé, en affirmant que le travail ne peut pas être considéré comme tel. Dans un esprit réformiste, il propose de "favoriser l'épargne et l'association ouvrières", de "réglementer la durée du travail" ou encore de mettre en place un "gouvernement de l'industrie", tant il est persuadé que le laisser-faire est synonyme d'anarchie. Tout en soulignant l'héritage de cette pensée dans les Manuscrits de 1844, François Vatin expose comment Marx va peu à peu se détacher de Buret, principalement en distinguant la notion de "travail" de la notion de "force de travail" (Capital, 1867).

On pourrait croire que ces développements n'intéressent que quelques spécialistes de Marx ou du traitement de la question de la misère dans la première moitié du XIXe siècle. Mais l'objectif de François Vatin n'est pas là. Il est à la fois plus simple et plus ambitieux.
Témoin des nombreux débats actuels sur l'identité, la particularité ou les finalités des sciences sociales (qui font l'objet de nombreuses publications, comme en témoignent les ouvrages récents de Alain Caillé – Une théorie sociologique générale est-elle pensable ? - ou de Bernard Lahire – L'Esprit sociologique), sa démarche est apparemment modeste. Il ne nous propose en effet aucune théorie générale de ce qu'est ou doit être la sociologie. Son ouvrage n'est pas non plus un traité d'introduction à cette discipline. Plus simplement, il propose trois études, trois essais, qui permettent de mieux comprendre comment a pu émerger la pensée sociologique. Plus exactement, il rend compte d'une série de débats, d'emprunts et de réfutations qui ont permis à quelques sociologues classiques (principalement Marx, Durkheim et Tarde) d'élaborer et de développer leurs thèses. L'ouvrage de François Vatin a donc le grand mérite de sortir d'une histoire téléologique et de favoriser l'étude de quelques moments clés pour comprendre l'émergence d'une discipline nouvelle et spécifique.

Pour l'auteur, l'émergence de la sociologie doit principalement être examinée dans une triple direction : politique, épistémologique et cosmologique. Ces trois aspects correspondent aux trois chapitres qui composent ce livre. Trois manières donc d'aborder la question des enjeux d'une pensée sociologique. Le premier essai, à travers l'étude d'un Marx lecteur critique de Buret, permet de percevoir la dimension politique de l'approche sociologique. Le second essai aborde l'émergence du modèle organiciste en sociologie et ses emprunts à la biologie de son temps. A travers Durkheim lecteur de Perrier, c'est la dimension épistémologique qui est présentée. Le troisième essai évoque l'émergence d'une nouvelle cosmologie non pas tournée vers le passé mais vers l'avenir. Et à travers Tarde lecteur de Cournot, c'est cette dimension cosmologique de la sociologie qui est illustrée.

Si certains aspects du livre peuvent paraître réservés à un public averti, il reste que la démarche d'ensemble, en privilégiant la présentation d'une sociologie en train de se faire, permet de mieux comprendre non seulement son histoire, mais aussi ses enjeux. Enjeux qui, bien évidemment, sont au cœur de très nombreuses réflexions aujourd'hui.


Guy Dreux
( Mis en ligne le 06/05/2005 )
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