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Histoire & Sciences sociales  ->  Historiographie  
 

L’invention de la science des médailles
Marie Veillon   Histoire de la numismatique - Ou la science des médailles
Errance 2008 /  18 € - 117.9 ffr. / 166 pages
ISBN : 978-2-87772-370-1
FORMAT : 16,0cm x 24,0cm

L'auteur du compte rendu : Professeur d'Histoire dans le secondaire et chargé de TD à l'Université Paris/Est - Marne-la-Vallée, Fabrice Charton poursuit une thèse sur "l'Académie royale des inscriptions et belles-
lettres sous l'Ancien Régime", sous la direction de Ch. Jouhaud à l'EHESS.

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«La médaille, monnaie antique, était donnée comme preuve de l’histoire, illustration de l’histoire ancienne, avec des commentaires pris des auteurs anciens». C’est ainsi que Marie Veillon, chercheur au CNRS, ouvre son Histoire de la numismatique, en rappelant la place centrale, aujourd’hui en grande partie oubliée, qu’occupaient les médailles dans la rédaction de l’Histoire durant l’âge classique. Preuve de l’Histoire, c’est en effet ainsi que ces petits objets numismatiques, portant à l’avers le portrait d’un souverain et au revers l’une de ses grandes actions, étaient jadis utilisés. Il n’était pas rare qu’on accorde alors plus de foi à une médaille qu’à un écrit.

Alors qu’on pourrait s’attendre à un ouvrage richement illustré puisque Marie Veillon aborde l’étude d’une science qui s’intéresse à de véritables objets d’art, on constate rapidement l’absence de toute illustration dans le corps du texte. C’est que l’auteur ne s’attache pas à cataloguer monnaies et médailles depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours, mais bien plutôt à définir, en établissant une bibliographie fine des ouvrages rédigés sur la question durant les siècles concernés, le développement de la science numismatique de la Renaissance au XIXe siècle.

Dans un premier temps, Marie Veillon revient à juste titre sur la difficulté qu’avaient les savants et érudits à définir précisément le terme de «médaille». C’est probablement, en partie, de cette première réflexion sur la définition de l’objet, que va naître et se développer «l’invention de la science des médailles». Cette science apparaît durant la Renaissance comme en témoigne la multiplication des livres de monnaies et médailles relevés par l’auteur. La source numismatique représente alors un témoignage de choix dans une Europe animée par le goût de l’antique. Ce goût pour les monnaies grecques et romaines ne cesse de s’amplifier au XVIIe siècle dans le cadre de la République des médailles, déjà bien étudiée par Thierry Sarmant, et sur laquelle Marie Veillon fait ici le point. Elle revient sur quelques figures de savants, d’érudits, de lettrés qui collectionnent et analysent les objets numismatiques, et qui, dans leurs correspondances et leurs communications au sein de cercles savants (salons, par exemple celui du Duc d’Aumont, académies, etc), agitent leurs idées dans des débats souvent vifs, la médaille servant de preuve ou de démenti aux historiens pour contester les auteurs.

La France du XVIIe siècle, avec le cabinet des médailles du Roi, apparaît comme la figure de proue de cette République européenne des médailles. Louis XIV apprécie particulièrement ces dernières, héritées en grande partie de son oncle Gaston d’Orléans, et qu’il consulte régulièrement dans des meubles médailliers proches de sa chambre à Versailles, en particulier quand il est souffrant. Le roi, qui réfléchit tôt à la construction de son image et à l’historicisation de son règne, crée en 1663, sur propositions de Colbert et Chapelain, une Petite Académie qui va avoir pour principale mission de réfléchir à des thèmes de médailles sur les grands exploits du règne. A la fin du XVIIe siècle, ce qui n’est alors qu’un cercle érudit devient une institution royale sous le titre d’Académie royale des Inscriptions et Médailles. Cette Académie va, en une dizaine d’années, au tournant du Grand Siècle et de celui des Lumières, produire une série de plus de 300 médailles du règne du Roi-Soleil et publier un livre expliquant celle-ci.

Marie Veillon voit dans le changement de titre de cette Académie sous la régence de Philippe d’Orléans, l’intitulé «Médailles» est remplacé par celui de «Belles-Lettres», le début du déclin de la science des médailles au XVIIIe siècle. C’est qu’à l’Académie, comme ailleurs, la source numismatique est utilisée de façon beaucoup plus fine dans le cadre d’une écriture plus scientifique de l’Histoire. L’auteur établit un relevé des publications numismatiques du XVIIIe siècle, et constate une diminution de ces dernières, signe d’un déclin des débats autour des médailles, prélude au «déclin de la République des médailles». N’est-ce pas plutôt en définitive une redéfinition de l’utilisation des médailles, qui de médias royaux visant à immortaliser le règne de Louis XIV passent au statut de véritables sources historiques ? Elle souligne d’ailleurs à ce sujet le travail de classification «remarquable» de Joseph Pellerin. Enfin, avec le XIXe siècle, la médaille et la monnaie sont nettement distinguées. La première est reléguée à une forme d’art commémoratif, tandis que la seconde, comme moyen de paiement, est placée au centre des préoccupations de la numismatique.

Cette synthèse de Marie Veillon est construite de manière particulièrement rigoureuse. Chaque chapitre, doté d’une conclusion, permet de voir progressivement apparaître la distinction entre médaille et monnaie, et le caractère de plus en plus scientifique de la numismatique entre le XVIe et le XIXe siècle. Cette analyse s’appuie sur un relevé méthodique des ouvrages rédigés sur les monnaies et les médailles pendant près de 400 ans. Ainsi, sous la plume de Marie Veillon, la République des médailles apparaît comme une sorte de république de papier. L’auteur s’est appliqué à retracer la réflexion intellectuelle autour de la construction de la science numismatique, rappelant le rôle fondamental qu’ont joué les érudits du Grand Siècle.


Fabrice Charton
( Mis en ligne le 27/05/2008 )
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