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Histoire & Sciences sociales -> Témoignages et Sources Historiques |
| Shang Yang Le Livre du Prince Shang Flammarion 2005 / 21 € - 137.55 ffr. / 215 pages ISBN : 2-08-210493-1 FORMAT : 14 x 21 cm
Présentation et traduction de Jean Lévi.
Les auteurs du compte rendu : Jean-Pierre Sarmant, agrégé de lUniversité, est inspecteur général honoraire de léducation nationale. Thierry Sarmant, archiviste-paléographe, docteur de luniversité de Paris I, est conservateur en chef du patrimoine. Imprimer
Le Shangjun Shu est un traité politique dont lauteur, premier ministre du royaume de Qin, est mort en 338 avant notre ère. Sans être aussi célèbre que le traité de lart de la guerre de Sunzi, luvre de Shang a inspiré plusieurs générations de dirigeants chinois. Le livre est écrit à lépoque, bien nommée, des Royaumes combattants, dans une Chine divisée en six ou sept États dont chacun aspire à rétablir lEmpire à son profit. La lutte est permanente, alternant grandes manuvres diplomatiques et combats acharnés.
Sans nuances et avec maintes répétitions, Shang développe un raisonnement qui se laisse facilement résumer : la grandeur de lÉtat, but suprême du gouvernement, est assurée par la puissance militaire. Seule lagriculture permet la mobilisation des ressources nécessaires à la guerre totale. Les autres activités le commerce, les lettres et les arts, particulièrement méprisés , doivent être découragées. Lindispensable organisation de la société doit être assurée par des lois écrites implacables, appliquées avec la plus extrême sévérité par une administration dont les serviteurs nont nul besoin dêtre intelligents. Le traité de Shang et, plus généralement, la pensée de lécole des légistes à laquelle appartient ce dernier, ont inspiré laction de Qin Shi Huangdi, impitoyable unificateur de la Chine (-221) et grand destructeur des livres.
Dans une présentation dune cinquantaine de pages, Jean Lévi décrit le contexte de louvrage et prévient du caractère incertain de nombre de passages du texte corrompu et probablement composite qui nous est parvenu. Sans sencombrer de notes pour justifier ses choix, ce qui pourra être regretté par les spécialistes, il cherche surtout à rendre la vigueur du style dun auteur amoureux de la formule. Que lon en juge : «En élevant ses sujets, on avilit la nation, en avilissant ses sujets, on élève la nation» ; «Un prince éclairé manifeste son amour à son peuple en renforçant les châtiments et en lésinant sur les récompenses» ; «On gouverne un pays en supprimant les châtiments par leur brutalité même» ; «Un prince avisé nimite pas servilement lAntiquité» ; «Il sera pauvre dans un monde en paix, esclave dans un monde en guerre, celui qui administre un état selon les dix vermines confucéennes» ; «Débarrassé des lettres et des arts, le pays croîtra en puissance.»
Les maximes cyniques de Shang sont moins connues que le bienveillant humanisme confucéen, quil abhorrait et qui, restauré après Qin Shi Huangdi, sest imposé pour longtemps comme la pensée officielle chinoise. Son uvre nest toutefois pas restée sans postérité, et il nest pas interdit de voir dans les excès iconoclastes de la Révolution culturelle de 1966 une résurgence de lutopie autarcique du «retour à la terre» proposée par Shang. Pour qui a vécu au XXe siècle, lÉtat idéal de Shang évoque enfin les systèmes totalitaires, voire le 1984 de George Orwell, où lautorité du Grand Leader est assurée par la permanence de la guerre.
Le Livre du Prince Shang mérite donc dêtre connu du public français comme lune des sources de la pensée politique chinoise.
Jean-Pierre et Thierry Sarmant ( Mis en ligne le 23/03/2005 ) Imprimer | | |
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