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L'histoire bataille réhabilitée
Nouvelle histoire bataille - cahier n° 9
 15.27 € - 100.02 ffr. / 281 pages
ISBN : 2-907341-93-6
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L'histoire bataille, qui fut à son faîte au XIXe siècle, a été à tel point fustigée par l'école historique des Annales qu'elle resta pendant une bonne partie de ce siècle ignorée des universitaires. En effet, comment considérer comme science une pratique qui tient plus de l'exercice littéraire que de l'esprit d'analyse, qui note les événements se succédant sans rendre compte des réalités humaines qui y sont attachées ? L'histoire bataille, telle qu'elle fut pratiquée au XIXe siècle, était un genre répondant à des attentes autres que celles du scientifique. Le projet visait à rendre compte de l'événement essentiellement, à distraire aussi et à créer un esprit de corps d'unanimité nationale.
Mais là ne se trouvent pas les seules raisons de ce dédain universitaire. Le manque de sources facilement repérables et l'absence de méthodologie vinrent nourrir les réquisitoires prononcés contre elle.

Seulement pouvait-on éternellement ignorer la bataille comme champ d'étude historique ? L'histoire se définit, en partie bien sûr, par son objet qui est l'homme. Et qui pourrait réfuter l'existence de l'indéfectible lien qui unit la guerre et l'homme ? Notre fin de siècle en apporte chaque jour la preuve. La guerre est une activité humaine par nature, dont l'une des composantes majeures est la bataille; ignorer cette réalité serait ignorer une partie de la réalité humaine.

Mais de l'étude de la bataille, du combat, de l'affrontement, que peut-on révéler ? L'idéologie qui marque les sociétés qui combattent, l'économie qu'elles adoptent, la politique qui les déterminent, les aspects sociaux qui les constituent... Cette énumération souligne que l'histoire bataille se trouve au carrefour de nombreuses disciplines sur lesquelles repose désormais l'ensemble de la recherche historique. Ainsi l'histoire bataille ou la nouvelle histoire bataille, comme aiment à l'appeler les universitaires aujourd'hui, se définit autant par les méthodes qu'elle adopte et qu'elle a empruntées à d'autres disciplines, que par l'objet même qu'elle aborde.

Réhabilitée, la production universitaire de cette dernière décennie en témoigne, l'histoire bataille est un champ historique riche d'enseignements. Le cahier n° 9 du Centre d'études d'histoire de la Défense en est l'illustration. Après une introduction de Laurent Henninger présentant les problématiques, méthodes et réflexions de la nouvelle histoire bataille, ce cahier expose treize contributions d'une grande diversité, touchant à toutes les époques et à différentes cultures.

Thierry Widemann explique comment deux batailles de l'Antiquité, Leuctres (371 av. J.C.) et Cannes (216 av. J.C.), sont devenues des paradigmes de la pensée tactique. Il met en lumière l'histoire de cette pensée en s'appuyant sur l'histoire des idées et de l'érudition. Il est évident aujourd'hui que la pensée de Frédéric II s'est nourrie des auteurs anciens, que les soldats philosophes du XVIIIe siècle, confrontés à l'analyse du monde sensible, ont su tirer des enseignements de la littérature antique, et que les chefs militaires du XIXe siècle ont cherché dans cette littérature des modèles, voire des dogmes pour emporter la victoire, avec plus ou moins de succès.

Deux autres contributions portant sur l'époque napoléonienne, signées par Alain Bernède et Grégory Baranes, soulignent la place de la démonstration historique dans la pensée tactique. Si tactique et histoire sont deux disciplines distinctes, la rencontre du tacticien et de l'historien permet de comprendre en partie la logique dont procède tel ou tel choix tactique. Par exemple la lecture clausewitzienne de l'épopée napoléonienne que nous livre Grégory Baranes donne la possibilité de saisir l'évolution du régime à travers l'évolution de la tactique.

Le professeur Jean-Pierre Bois, quant à lui, considère l'homme dans la bataille à l'époque moderne. Après avoir rappelé les travaux de John Keegan (Anatomie d'une bataille, Paris, Robert Laffont, 1993) et du professeur André Corvisier, qui balisèrent l'étude des batailles à l'échelon des individus, l'auteur indique les sources et méthodes nécessaires à l'analyse du combattant du XVIe au XVIIIe siècle, puis relève les informations remarquables sur ces combattants. A cette époque, le soldat est placé dans le groupe, il a perdu son individualité; dans la bataille, il n'a pas conscience de l'ensemble du déroulement des opérations. Il vit l'événement à son niveau, avec ses faux rythmes, ses attentes, ses accélérations, ses odeurs, ses couleurs, ses réalités, ses apparences. A la vue de ce constat, l'interrogation de l'auteur porte sur l'individu acceptant le combat : qu'est ce qui permet au soldat de tenir? Est-ce le courage, "les actes réflexes", l'idéologie, le groupe, la discipline ?

Dans sa communication, Jacques Sapir, auteur de la Mandchourie oubliée, présente la démarche qui l'a amené, à travers l'étude des campagnes que les Russes puis les Soviétiques menèrent en Mandchourie au XXe siècle, à établir les "pathologies" du système social, économique et politique, propres à l'ex-U.R.S.S. De l'étude de l'histoire bataille se dégage pour lui une culture soviétique de la guerre.

Notons enfin l'intervention d'Étienne de Durand qui estime que l'histoire militaire française, malgré ses avancées, connaît une stagnation méthodologique. Cette discipline doit étendre ses perspectives et, dans cet esprit, ne peut faire l'économie de la bataille. Par cet article, l'auteur cherche à lancer le débat. Pour ce faire, il présente tout d'abord l'historiographie militaire française et son évolution à travers la bataille de Waterloo. Puis, après avoir montré les travers dans lesquels sont tombés certains analystes, privilégiant soit l'histoire par le haut, celle des grands capitaines, soit l'histoire des mentalités, celle des soldats, l'auteur invite les historiens à agencer les échelles différentes d'analyse de la bataille. Car celle-ci, thème central de l'histoire militaire, est un événement qui doit s'expliquer tant au niveau tactique qu'au niveau "opératif". Ainsi sont données des clefs pour appréhender l'événement-bataille dans toute sa complexité.

Par la variété des contributions qu'il regroupe, le cahier n°9 du Centre d'études d'histoire de la Défense informe, éclaire le lecteur sur la situation de la nouvelle histoire bataille en France. Doté d'annexes, de cartes et de nombreuses notes, cet ouvrage collectif rend compte du caractère scientifique renouvelé de l'histoire bataille. Mais ne nous trompons pas sur l'objectif d'une telle publication, il s'agit de faire naître des vocations. Alors que ce pan de l'histoire militaire trouve peu à peu sa place au sein de la communauté scientifique, l'histoire bataille a besoin de soldats.


Michel Roucaud
( Mis en ligne le 13/12/1999 )
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