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Histoire & Sciences sociales -> Géopolitique |
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De l’endiguement à la guerre préventive | | | Eric Nguyen La Politique étrangère des Etats-Unis depuis 1945 Studyrama - Principes 2004 / 19.90 € - 130.35 ffr. / 239 pages ISBN : 2-84472-498-1 FORMAT : 16x24 cm
Lauteur du compte rendu : archiviste paléographe, Clément Oury est élève à lÉcole nationale supérieure des sciences de linformation et des bibliothèques (ENSSIB). Il prépare actuellement, sous la direction dOlivier Chaline, une thèse de doctorat sur Les défaites françaises de la guerre de Succession d'Espagne, 1704-1708. Imprimer
Les États-Unis dominent aujourd'hui sans réel partage la scène des relations internationales. Après avoir rompu avec leur isolationnisme traditionnel, ils ont été amenés par le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale à simpliquer de plus en plus intensément dans les affaires du monde. Lenjeu essentiel des quarante années qui ont suivi la conférence de Yalta fut un long bras de fer contre lURSS et ses alliés. La victoire inattendue des années 1990 a laissé les États-Unis sans adversaire à leur taille, avant que le 11 septembre ne vienne définir les contours dun nouvel ennemi. Ce demi-siècle de guerre couverte, de manuvres, de déclarations tonitruantes et de réconciliations non dépourvues darrière-pensées a fait lobjet de toutes les analyses et de toutes les critiques, tant il est vrai quil a fait passer les États-Unis du statut de simple puissance régionale à celui de superpuissance. Lentreprise de synthèse menée par Éric Nguyen, diplômé de lIEP Paris et titulaire dun DEA en relations internationales, nen apparaît que plus méritoire.
Lensemble est présenté de façon fort didactique, chaque chapitre correspondant à lexercice dun président, tant on sait que chaque président imprime sa marque sur la politique étrangère on ne traite deux présidents à la fois que lorsque le second est le pâle suiveur du premier. Dès lintroduction, consacrée à lexpansion territoriale des USA avant 1945, à ses mythes fondateurs et ses valeurs, lauteur dégage les grandes alternatives auxquelles furent confrontés tous les présidents américains : choix de lisolationnisme ou implication dans les affaires du monde, promotion des grands idéaux universels ou défense cynique des intérêts américains, goût pour la menace ou la négociation.
Les années Truman sont marquées par la fin de la Seconde Guerre mondiale, la création de lONU, les débuts de la Guerre froide en 1947. Les premiers affrontements en Europe, à partir de 1948, figent les sphères dinfluence occidentale et soviétique. La guerre de Corée marque lextension de la Guerre froide en Asie. Nous sommes à lère de la «doctrine Truman», visant à endiguer lexpansion du communisme, dans une logique de confrontation qui nexclut pas le recours à larme nucléaire. Bien plus offensif, Eisenhower prône la doctrine du «refoulement». Paradoxalement, ce militaire réduit les effectifs de larmée conventionnelle, au profit du renforcement de larsenal nucléaire : la doctrine des représailles massives prévoit lapocalypse nucléaire face à toute velléité agressive russe ou chinoise. La démonstration de force suffit en 1954 à dissuader la Chine de toute tentative contre Taiwan. Mais en Europe, abandonnant dans la pratique la rhétorique volontariste du refoulement, les USA laissent les Soviétiques agir de lautre côté du rideau de fer.
Cest paradoxalement sous un président aux allures bien plus pacifistes, Kennedy, que lAmérique sengage dans son plus terrible conflit depuis 1945 : le Vietnam. Certes, Kennedy a résolu à son avantage la crise des missiles de Cuba. De plus, les États-Unis cherchent officiellement à rompre avec les dictatures dAmérique latine. Mais, JFK comme son successeur Lyndon Johnson, plus intéressé par son projet de «grande société» égalitaire que par la politique internationale, se montrent impuissants à se désengager de lengrenage militaire vietnamien.
Il appartiendra à un président jugé «réaliste» den sortir, Richard Nixon. Ce dernier prend acte de la parité stratégique avec lURSS, alors au sommet de sa puissance militaire, dans les années 1970. Nixon cherche à vendre ses surplus agricoles à lURSS, à se rapprocher avec la Chine, quitte le Vietnam. Le pendant le plus négatif de cette Realpolitik est le soutien au coup dÉtat de Pinochet, au Chili. La population américaine finit par désapprouver une politique jugée dune part trop peu offensive envers lURSS, qui étend son influence, et dautre part trop peu soucieuse des droits de lhomme.
Ceux-ci sont justement «lâme de la politique étrangère» de Carter, que, malgré des succès initiaux (la restitution du canal de Panama, les accords de Camp David, lindépendance du Zimbabwe), lauteur juge trop idéaliste et trop peu déterminé : Carter laisse les Sandinistes sinstaller au Nicaragua, gère au plus mal la prise dotage de lambassade américaine dIran en 1979. Le contraste est frappant avec son successeur, Ronald Reagan. Celui-ci, convaincu de la mission divine confiée aux États-Unis, utilise tous les moyens pour lutter contre lURSS. Le programme de défense antimissile spatial, malgré son irréalisme pratique, prouve la supériorité économique américaine.
Mais cest à Georges Bush quil appartint de gérer la dislocation du camp soviétique, que les États-Unis nont ni provoqué ni anticipé. Ce président est surtout associé à la guerre du Golfe, qui démontre au monde la superpuissance militaire américaine. Bush, à la tête dune Amérique toute-puissante qui a dépassé son syndrome vietnamien, peut rêver dinstaurer «un nouvel ordre mondial». En labsence de partenaire stratégique, la présidence Clinton semble augurer des principales caractéristiques de son successeur : lunilatéralisme et la lutte prioritaire contre le terrorisme. Élu pour se concentrer sur les affaires intérieures, Clinton nen doit pas moins participer à la stabilisation de la Russie et de lEurope de lest, intervenir en ex-Yougoslavie et en Somalie.
Louvrage sachève bien évidemment sur lévocation de laction de Georges W. Bush, qui commence son mandat par des velléités isolationnistes, au mépris des accords internationaux passés par Clinton. Les attentats du 11 septembre contraignent les États-Unis à sintéresser à nouveau aux problèmes mondiaux. Ils offrent surtout à ladministration Bush la perspective dun ennemi insaisissable, dont la poursuite permet de justifier toutes les interventions.
Comme les autres ouvrages de la collection «Principes» de Studyrama, celui-ci manifeste un souci réussi de pédagogie et de clarification souci que lon retrouve dans les annexes, qui présentent les principaux organes politiques et gouvernementaux des États-Unis. Lauteur mène en même temps une réflexion poussée sur les facteurs qui conduisirent les États-Unis à leur position actuelle de «suprématie». Il insiste sur la volonté sincère des dirigeants américains duvrer au bien de lhumanité sans négliger leurs intérêts nationaux. Ces chefs dÉtat paraissent du reste bien plus efficaces lorsquils font preuve de fermeté que lorsquils se laissent aller à la tergiversation Nixon et Reagan sont jugés plus capables que Carter. Le propos est néanmoins beaucoup plus discutable lorsque lauteur évoque les menées des présidents américains en Amérique latine ; par une audacieuse litote, il remarque que laccusation faite à Reagan dy soutenir des dictatures sanguinaires «nest pas tout à fait injustifiée»...
Enfin, lidée même de «suprématie» américaine, sur laquelle se termine louvrage, pourrait être nuancée : lauteur névoque pas la probable parité militaire future entre les États-Unis et la Chine, et ne fait guère référence aux analystes qui décèlent un amoindrissement de la puissance américaine, portée de plus en plus à sacharner contre des «États voyous» sous-développés. Il nempêche que les États-Unis auront encore pendant longtemps les moyens, et la responsabilité, de faire confondre leur histoire avec celle du monde.
Clément Oury ( Mis en ligne le 27/05/2005 ) Imprimer
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