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Portrait d’un menteur
Valérie Trierweiler   Merci pour ce moment
Le Livre de Poche 2015 /  6.3 € - 41.27 ffr. / 384 pages
ISBN : 978-2-253-18553-6
FORMAT : 11,0 cm × 17,8 cm

Première publication en septembre 2014 (Les Arènes)
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«La décision durable n’existe pas chez lui» - V.T

Le 4 septembre 2014, l’information est relayée dans tous les médias. Chacun y va de son petit commentaire. Valérie Trierweiler (née en 1965), ex-compagne de François Hollande, ex-première Dame de France, sort un livre sur sa rupture avec le président. L'ouvrage sort déjà en poche.

L'auteure raconte tout, elle balance même. Les journalistes jubilent mais exposent le coup éditorial avec une volonté critique : en parler oui (on aime ça, nous, les journalistes, nous les requins du scoop, les bulldozers du buzz, les vautours des polémiques «people», les bonimenteurs post-modernes) mais avec défiance, avec réserve (notre corporation se veut morale, intransigeante, incorruptible). On demande l’avis des politiques qui ont choisi leur communication (le silence, le rejet, la neutralité). «Je ne l’ai pas lu», ment l’un. «Ça ne m’intéresse pas», ment l’autre. «C’est pathétique», s’offusque un troisième. Le relais est pitoyable, comme à chaque pseudo-événement.

Le journal de France 2 (qui d’habitude invite Drucker et Sébastien pour leurs œuvres respectives) évite volontairement d’en parler (ce qui aura pour conséquence d’en faire parler). La planète médiatique se soude les coudes pour rejeter le témoignage de Trierweiler tout en scrutant ses faits et gestes au lendemain de la parution. Succès éditorial. L’auteur disparaît en voyage, comme elle le fait souvent quand elle veut échapper aux foudres parisianistes. Les plumitifs ne retiennent que les «sans dents», ou la «viande sous vide» ; comme à chaque fois, le détail sorti du contexte les excite. Mais que raconte véritablement ce livre ? La chronique du pouvoir personnel lié à un amour déchu. Sophocle n’est pas loin…

Et pourtant, les journalistes devraient commenter et soutenir en diable l’œuvre d’une consœur. Surtout quand celle-ci aborde la question du pouvoir au cœur même de son intrigue personnelle. Qui de mieux placée qu’une première dame de France pour raconter l’envers du décor, quand on est en outre journaliste professionnelle et que l’on vit avec un président en fonction ? Valérie Trierweiler propose, dans ce témoignage d’une femme humiliée et orgueilleuse, l’inverse de l’image que les médias ont montrée pendant deux ans. Bourgeoise glaciale et hystérique pour les uns, manipulatrice et vampirisante pour les autres. Son père est un invalide de guerre et sa mère était caissière. Si son ascension sociale est fulgurante (à 23 ans, elle est cette journaliste politique fréquentant déjà l’équipe mitterrandienne), Trierweiler n’en est pas moins restée (d’après elle) une provinciale consciente de son origine et des valeurs éducatives qui lui ont forgé une conscience morale (dans le respect des choses simples).

Quittée par communiqué officiel de l’AFP le 25 janvier 2014, trompée par un président ''normal'' (et quoi de plus normal que l'adultère ?...) qui se fait photographier par un paparazzi, humiliée par les journalistes du monde entier ayant relié l’information, elle décide de prendre la plume et de se racheter une respectabilité. Comment peut-on reprocher à une femme publique dont la vie privée est mise au pilori de vouloir expliquer sa vérité aux mêmes lecteurs avides de feuilletons à scandales.

Elle décrit donc sa relation avec François Hollande (né en 1954) et leur union en 2007 après deux ans de rapprochement. Puis vient le drame de 2012 quand Hollande est élu président de la République. L’homme, jusque-là plutôt sympathique, drôle et prévenant, devient alors un monstre d’indifférence, glacial, calculateur, silencieux et menteur (le mensonge au cœur du pouvoir et de la vie privée, comme un leitmotiv saisissant chez le personnage Hollande, véritable homme politique coincé entre le calcul et la malhonnêteté). On imagine parfaitement à la lecture le gros François, en pyjama, se coucher et se bourrer de somnifères pour éviter la discussion houleuse avec sa compagne (face à la rupture, aux mensonges, aux affaires, au pouvoir). Valérie, au-delà de la souffrance d’une femme trompée et qui aime, brosse un portrait d’une noirceur totale sur le politique en fonction : «En moi, la confiance est morte. Pour les Français, c’est bien sûr une toute autre affaire. Je peux juste témoigner que le pouvoir change. Je ne reconnais pas le François que j’ai aimé passionnément dans l’homme qui traite désormais ses collaborateurs avec mépris, après m’avoir réservé le même traitement».

Plus qu’une femme humiliée (et qui, grâce à l’exutoire de l’écriture, se venge en disant qu’à présent Hollande veut la récupérer), c’est une femme traquée par les médias qui témoigne. Le poison, ce sont les médias. D’ailleurs, Hollande semble ne respecter que les journalistes en tentant de faire avec, pour ne pas briser ce vrai pouvoir, le seul qui gouverne, et du coup l’image politique. Les photographes dans les arbres du fort de Brégançon, twitter qui ravage (mais dont elle se sert elle-même à foison !), Facebook qui rend fou, les SMS qui pleuvent, les chaînes télé en continu qui créent l’époque, celle du mensonge véhiculé à la vitesse de la lumière, les pressions, les calomnies, les diffamations. Tout est faux (et commenter le faux rajoute une couche) et le couple ne peut envisager autre chose que de faire en fonction des médias. Comme une sangsue, un virus, une menace bactériologique, le média a tout envahi. Il ment comme Hollande ment. Il est puissant comme le politique est puissant. Il ne tue pas, il véhicule du mensonge. Pire, il est l’instrument principal de la médiocrité structurelle du pays. Celle des avis sur tout, des à-peu-près, des polémiques, des idées au rabais, de la sous-culture télé. Le média est à la vérité ce que le football est à l’humanisme.

Politique et journaliste, Hollande et Trierweiler incarnent cette société politico-médiatique, qui, ici, pour une fois, implose. Lui est un un "sans cœur"  accro au pouvoir ; elle, était une «sans dent» travaillant pour Paris-Match (fleuron de la médiocrité journalistique) mais son éducation puis sa rupture lui font prendre conscience de la folie d’un tel monde dans lequel, déjà, elle souffrait (et dans lequel elle peinait à trouver sa place). L'écriture enfin, seul remède à tant de trivialité, permet de dresser un bilan personnel (même si le choix de la confession est problématique parce l'écriture se censure, est parcimonieuse) : sur la rupture, cette petite mort qu’on ne veut pas revivre mais qui par écrit prend des allures de tragédie ; sur la morale en voyant tous ces pantins se démener devant l’inutile ; et la démagogie enfin quand Valérie se réfugie dans l’humanitaire lisse et médiatique relayé et soutenu par consensus. La femme bafouée qui se réfugie au milieu des enfants pauvres pour se rendre utile... face caméra.

Merci pour ce moment, un titre complètement farfelu, ironique et déplacé selon nous, est un témoignage surprenant, inédit, qui vient renforcer l’idée que les gens lucides ont du pouvoir et connaissent l'usage des médias. Des hommes étouffés par le gain, dont les principes moraux et fondamentaux (qu’ils ânonnent pourtant devant micros et caméras) sont relayés au second plan. Trierweiler peint un monde cynique et pitoyable où plus rien ne ressemble à rien. Au moment où un Sarkosy annonce son retour sur sa page Facebook, Trierweiler a eu au moins la décence d’écrire un livre. Mais elle se confond avec son sujet. Des deux personnages, qui a raison et qui a tort sur le plan moral, voire social ? Elle ne pardonne pas à celui qui trompe et qui veut la reconquérir (comme pour une élection, dit-elle) malgré l’amour qu’elle lui porte encore. Sa souffrance a poussé son orgueil à viser l’homme qu’elle aime et avec lequel elle serait encore s’il avait été fidèle (même si, dit-elle, il est abject vis-à-vis des siens depuis qu’il préside).

Le couple Hollande-Trierweiler n’est que la métaphore d’une époque triviale où s’étendre sur son œuvre humanitaire est tout aussi choquant que le cynisme calculateur d’un homme que la fonction autorise à déclencher une guerre atomique. C’est une guerre symbolique que la femme éconduite a voulue en s’adressant à François en dernière page. Mais elle ne reviendra pas, précisément parce qu’elle a aimé avec passion.


Jean-Laurent Glémin
( Mis en ligne le 01/06/2015 )
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