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Un plumitif post-historique
Aymeric Caron   Incorrect - Pire que la gauche bobo, la droite bobards
Fayard 2014 /  19 € - 124.45 ffr. / 349 pages
ISBN : 978-2-213-67890-0
FORMAT : 13,5 cm × 21,5 cm
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«Le journaliste est l’adversaire du communicant» - A. Caron (Ex Journaliste de I-Télé)

Aymeric Caron (né en 1971) est un journaliste sorti de l’ombre depuis qu’il a remplacé son ennemi et double mimétique Eric Naulleau aux commandes de l’émission «On n’est pas couché», durant laquelle il interroge des politiques et donne son avis sur l'œuvre de tel invité. Il était auparavant journaliste pour TF1 et Europe 1 puis reporter pour Canal + au début des années 2000, couvrant des conflits internationaux ou s’intéressant aux problèmes des banlieues en France. Marquées à gauche pour faire opposition à sa consœur Natacha Polony (qui remplace Eric Zemmour), ses prises de position font parler d’elles dans la sphère médiatique parisienne. Végétarien, il a écrit l'essai No Steak. Il publie cette année un réquisitoire contre la droite, et notamment l’extrême droite, dans lequel il interfère les rôles : Il fait partie des politiquement incorrects et des opposants à l’idéologie ambiante car selon lui (statistiques à l’appui), ce sont les thèses réactionnaires qui l’emportent aujourd’hui sur la vision sociale libérale qui deviendrait minoritaire en France.

Caron est en fait un pur produit de la gauche bobo telle qu’elle s’est construite depuis les années 80 (et dont il se réclame au final, n’émettant pas de critique sur l’assignation dont on l'affuble, tout en affirmant celle de rebelle et d’humaniste). Partisan, dans une dimension idéologique, des lois sociétales et libérales favorisant la tolérance, l’entraide, la paix, l’intégration, l’ingérence humanitaire ou la solidarité, il part en guerre contre l’obscurantisme qui reviendrait en force dans notre pays. C’est-à-dire la manipulation politico-médiatique sur l’immigration, l’islam, la violence et ses effets, qui a pour but de favoriser l’extrême droite, créant du coup une politique de la peur et du rejet de l’Autre, l’immigré en tête.

Dès l’introduction, Caron critique ceux qui sont englués dans une idéologie qui ne tient pas compte des faits, des statistiques et d'une saine rhétorique. En soit, on note déjà la contradiction du journaliste : les faits ne sont ni statistiques, ni rhétoriques ! Caron commence à se contredire et à s’embourber lui-même dans une idéologie en recourant aux chiffres et à leur manipulation.

En moraliste (pas loin d'être moralisateur) détenteur de la ''Vérité'', citant Jaurès qui prône la réflexion s'appuyant sur des faits, il annonce que la France serait définitivement passée du côté réactionnaire, voire fasciste ; en effet, elle s’oppose à l’étranger, à l’islam et à l’immigration qui, il l’annonce plus loin, restent des thèmes qui n’ont pour but que d’affoler le français moyen afin de le faire plonger dans l’extrémisme. Sa fonction de journaliste intransigeant et apolitique (!) vise à démontrer comment ce discours faux et idéologique est venu convaincre nos consciences naïves et manipulées, malgré une réalité plus rassurante sur le terrain. Se disant minoritaire, il se définit lui-même comme politiquement incorrect face à des cibles plus consensuelles qui sont Marine Le Pen (et le FN), Renaud Camus, Eric Zemmour, Alain Finkielkraut, Élisabeth Lévy, Robert Ménard, Nicolas Dupont-Aignan… ainsi que les médias qui participent d’une vision apocalyptique et mensongère de notre société. Ceux-ci (qu’il réunit grosso modo dans le même sac) considèreraient l’immigration actuelle comme principale responsable de la décadence sociale et économique du pays.

Cette chasse aux sorcières, qui voit en l’immigré (intégré ou pas) le vecteur invariable de la crise identitaire et morale que traverse le pays depuis 30 ans, ferait partie de leurs discours haineux truffés d’erreurs factuelles, de racisme véritable, d’intolérance et de rejet de l’Autre. Et pour cautionner leurs thèses, les «néo-cons», comme l'auteur les nomme souvent, s’en prennent aux bobos (comme lui), nourris de bons sentiments à l’égard de la planète (mais lovés dans des immeubles cossus du cinquième arrondissement parisien...). ''Mais vous êtes pareil !'', rétorque le journaliste. «C’est celui qui le dit qui l'est», aurait-il pu rajouter ! Car même si Caron a fait hypokhâgne et khâgne, site Schopenhauer (qui se retournerait dans sa tombe d’être cité par un journaliste si peu dialectique !) - qu'il semble découvrir pour l’occasion -, ses démonstrations ne dépassent pas en force et en vision anthropologique celles d'un étudiant de deuxième année de lettres, biberonné aux manuels scolaires !

Dès la page 21, Caron confond les thèses de Le Pen, Dupont-Aignant, Zemmour et Finkielkraut en les mettant sur le même plan. Des représentants politiques de partis différents sont ainsi associés à des journalistes ou des intellectuels ; peu importe, ils critiquent tous l’immigration, ils sont donc tous ''fachos'' ! Pour lui, toute vision dialectique est proscrite, toute analyse sociologique est bannie ; de même, un discours de propagande (type politique) et anthropologique (type philosophique), ce serait la même chose. Zemmour, c’est Le Pen, Le Pen, c’est Finkielkraut, et chez tous des habitudes gestuelles et autres mimiques similaires, selon Caron, accompagnent les mêmes discours !

Caron s’en prend également aux médias qui manipuleraient à coups d’images en flux continus et de commentaires hâtifs la vérité des faits. Ces mass medias qui gouvernent aujourd’hui la pensée commune, et dont Caron est d'ailleurs un représentant actif, sont évidemment un problème concernant le traitement des faits. Mais Caron, reporter docile, ne propose rien d'autre que les mêmes méthodes qui consistent à mêler de bons sentiments à des chiffres contredisant d’autres chiffres, pour contester la doxa.

Que retient-on de ce pamphlet ? Sa seule qualité notable est de signaler cette véritable fracture de pensée qui sépare non pas la droite et la gauche, ni les journalistes et les politiques mais la vision sociétale libérale (que Caron représente) à celle républicaine, antilibérale et patriote (Zemmour). Le Pen, en l'occurrence, n’a rien à faire ici puisque son discours est le même depuis 35 ans, avec une évolution antilibérale et non-xénophobe. Caron ne comprend pas malgré son expérience du terrain que le problème posé n’est pas l’immigration, l’islam, l’étranger et le traitement médiatique mensonger de la violence. Ce sont les effets anthropologiques et sociétaux que ces faits entraînent. Rien n'est dit sur les nouvelles formes de violence (commises de plus en plus tôt, avec des actes de sauvagerie inédite), sur l’échec de l’intégration par la démagogie de la gauche, la problématique de l’islam (avec ce discours qui ne dépasse pas la distinction entre intégristes et modérés). Caron (qui reproche à Zemmour de se cacher derrière ses références littéraires pour faite acte d’intelligence) n’a qu'Arendt, Bourdieu et d’obscures références journalistiques à foison à nous proposer pour cautionner son propos. On ne saurait trop lui conseiller les lectures de Lash, Baudrillard, Clousclard, Clair ou Muray pour orienter ce qui n’est qu’une idéologie de gauche bien pensante (qui ne vaut pas mieux que celle de la droite bien pensante) se cachant derrière des convictions en donnant des chiffres en permanence (à vérifier puisqu’il vont à l’encontre des chiffres de ses opposants) et de pédagogie naïve et démagogique.

Caron se met en outre en scène à chaque début de chapitre, se confrontant à la réalité qu’il va décrire ! On le voit sur sa moto, témoin d’une bagarre, ou encore à la caisse d’un supermarché parlant avec un employé immigré ! Il est finalement sympa ce type qui s’étonne également que Zemmour soit un type sympa dans la vie malgré ses convictions extrémistes ! C’est dire le niveau de son analyse politique !

Bref, se postant en défenseur des humiliés, des opprimés et des offensés, Caron, qui reproche à Zemmour de ne rien comprendre aux banlieues parce qu'il est né à Drancy et non à la Courneuve (on voit la porté rhétorique du plumitif !), mélange tout ; surtout, il ne va pas au cœur de la fracture morale qui divise aujourd’hui deux pans de la population. Il dresse un constat empreint d'une idéologie très ''gauche caviar'', qu’il prétend pourtant combattre.

Mais rassurons Aymeric Caron devant la montée des périls (mais quels sont-ils en fait ?...) et rappelons lui que notre système actuel est bien le sien malgré sa peur du fascisme. En effet notre système est bien ultra libéral, il a adopté le mariage gay, prône l’indifférenciation sexuelle sous couvert de tolérance généralisée, édifie la sous-culture de masse festive au rang de priorité, la CMU couvre encore une bonne partie d’une population méprisée par nos politiques depuis 40 ans, le tout sous un président dit socialiste, élu en 2012 au suffrage universel avec la majorité absolue. Les extrémistes ne sont peut-être plus ce qu’ils étaient, les rôles ayant peut-être changé ; d’où le scandale de mélanger ainsi des philosophes avec des idéologues.


Jean-Laurent Glémin
( Mis en ligne le 26/05/2014 )
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