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Quand un ancien ministre balance ! | | | François Léotard Ca va mal finir Grasset 2008 / 10 € - 65.5 ffr. / 136 pages ISBN : 978-2-246-73791-9 FORMAT : 12,0cm x 19,0cm
L'auteur du compte rendu : Essayiste, romancier, Jean-Laurent Glémin est titulaire dun troisième cycle en littérature française. Ayant travaillé notamment sur les sulfureux Maurice Sachs et Henry de Montherlant, il se consacre aujourdhui à lécriture de carnets et de romans. Il na pas publié entre autres Fou dHélène, LImprésent, Fleur rouge, Chair Obscure, Continuer le silence. Imprimer
Ancien ministre (Culture et défense), ex-président de lUDF ayant démissionné de toute fonction politique en 2001, François Léotard (né en 1942) sest retiré pour écrire, nous dit-il, loin des turpitudes de la vie politique. Et réfléchir sur la curieuse nature des dirigeants de notre temps. Dans ce pamphlet qui dénonce moins lère Sarkozy que son représentant infaillible, le retraité en politique taille un gentil costume au locataire de lElysée.
Lennui, cest que comme 19 autres millions délecteurs, Léotard a donné sa voix à Sarkozy en glissant le bulletin fatal dans lurne qui la conduit au sommet du pouvoir. A partir de là, il ne faut pas sétonner du résultat, et sabstenir décrire un livre (sinon un livre de remords) devrait simposer dix mois après laccession au titre suprême de notre clown princier. Menfin, pardonnons à cet ancien ministre cette erreur décrivain (et de citoyen) encore peu habitué à son nouveau statut et tâchons dy comprendre quelque chose.
Que reproche-t-il à son ancien collègue de droite ? Son inculture indéniable, son orgueil démesuré, son ambition illimitée, sa rage de gouverner, sa manière de «communiquer», ses idées libérales conservatrices, en fait la façon quil a de représenter la France davantage sous langle de Disneyland que celui du château de Versailles. Dès le début, et après avoir fait uvre de repentance, Léotard balance : «Sarko na rien ouvert. Pas le temps. Il na jamais eu le temps. Le livre cest moins urgent que le pouvoir. Il fallait saisir la République comme on le fait dune femme. Satisfaction immédiate puisque le désir était partagé.» (p.9)
Et tout le long, le golden boy de lElysée va en prendre pour son grade. Sa campagne électorale, laffaire des infirmières bulgares, la visite de Kadhafi, le conflit des pêcheurs, son mariage éclair, la création de nouveaux ministères plutôt sectaires ; bref, il ne manque que la visite au salon de lagriculture où lon a vu la façon dont il traite ses concitoyens, mais le livre devait être déjà à limpression... Comme beaucoup de commentateurs, Léotard sinquiète devant la forme que prend le pouvoir dans ce pays, pouvoir représenté par tout ce que lui et ses confrères ont formé durant les années 80 ! Car sil y a lieu de polémiquer sur la carrure farcesque du président, il ne faudrait pas en faire un cas isolé. Cest davantage un problème générationnel qui tombe sur la tête de lancien ministre quautre chose ; les lectures de Madame de Staël, de Montaigne ou dHöderlin ne disant plus grand-chose aux Sarkozy, Royal, Dray ou Rama Yade, qui eux, encensent plutôt la variété française et les mangas ! (Barbelivien étant la référence musicale de Sarkozy). Nous rentrons dans une nouvelle ère politique intimement liée au progrès technique, au libéralisme forcené, et à limage reine, bref, à la disparition de lindividu, de la singularité, de la différence et de la culture.
Si la première partie revient brièvement sur les inepties de la dernière campagne électorale et sur les dérapages plus ou moins contrôlés du grand gagnant, la seconde partie est une réflexion plus personnelle sur le sens de la politique depuis une trentaine dannées, alimentée par quelques souvenirs tranchants de lancien présidentiable. Et cest justement en revenant sur cela que Léotard sen prend au nouveau président, sur des sujets aussi variés que la laïcité, limmigration, la police, lultra-libéralisme, la communication, le progrès technique et autres facteurs de la «décadence» actuelle. Léotard prend quelques thèmes forts comme lécole où il se souvient quelle permettait aux uns et aux autres daffirmer leur singularité et dapprendre lhistoire dun pays, loin des jugements moraux que le président français ne cesse de diffuser, en buttant souvent sur des contradictions inquiétantes. Mais Léotard reste un politique. Du coup, on assiste parfois à une querelle de vieux briscards des affaires plutôt quà une analyse précise de lère Sarkozy. Surtout lorsquon lit quil admire Valérie Pécresse ou quil considère Rama Yade comme une rebelle parce quelle a dénoncé la dictature de Kadhafi !
Il est à la fois rassurant de voir un ancien ministre soffusquer ainsi du pouvoir en place, dautant plus quil est en gros du même bord, mais aussi inquiétant de voir quil faut sortir de la vie politique pour pouvoir balancer à ce point ! En fait Léotard critique la fonction même du politique, prêt à tout pour obtenir le pouvoir, et pire, le conserver indéfiniment. Le tout est expliqué dans une satyre bien agencée, truffée de références littéraires, sans pour autant être démonstrative, et qui montre la mesquinerie du pouvoir telle quelle sexerce de nos temps.
Sarkozy plus que ses prédécesseurs est le fruit dune époque dune dureté étonnante, que lon masque sous les cotillons de «la frivolité morale»
A côté du moindre fait de Sarkozy, on regretterait presque laffaire des diamants de Giscard...
Jean-Laurent Glémin ( Mis en ligne le 02/04/2008 ) Imprimer
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