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Essais & documents -> Questions de société et d'actualité |
| Sans instructions | Laurence Vichnievsky Jacques Follorou Sans instructions Stock - Essais & documents 2002 / 18.6 € - 121.83 ffr. / 256 pages ISBN : 2234054362 Imprimer
Avec la démission dEric Halphen et le départ dEva Joly, la publication de Sans instructions constitue une troisième pièce importante à verser au dossier épineux sur létat actuel de la justice française. Même (surtout ?) si elle concerne la moins médiatique des trois figures de la lutte contre la corruption politique et financière. Car, de 1993 à 2001, affectée à la galerie financière du TGI de Paris, Laurence Vichnievsky a suivi quelques-uns des dossiers les plus sensibles de la décennie, du financement du PR et du PCF au scandale du Crédit agricole en passant, comme point culminant, par laffaire Elf et linculpation de Roland Dumas.
Dissipons d'emblée l'ambiguïté : ce livre-bilan n'a rien d'un règlements de comptes. Laurence Vichnievsky est toujours en fonction (elle est désormais présidente du TGI de Chartres) et garde donc une confidentialité absolue dans cet ouvrage : pas de noms, pas de révélations spectaculaires, pas de références directes aux affaires qui ont placé sous les feux de lactualité cette femme plutôt discrète. Cest au journaliste Jacques Follorou quil revient de replacer en contexte, par des chapitres didactiques, les propos de la magistrate. Une construction hybride qui aurait mieux tenu la route sous la forme dentretiens et se révèle ici peu convaincante. On lira donc Sans instructions à la fois comme un témoignage sur les heurs et malheurs des juges dinstruction français et comme un sorte de guide pratique de la profession.
Sur le fond, le constat dressé par Laurence Vichnievsky est préoccupant : inégalité du justiciable devant la loi (« Il vaut mieux être riche et puissant face à la machine judiciaire que pauvre et faible ») ; détérioration de la relation entre le juge dinstruction et les avocats, qui donne lieu à une véritable « guérilla procédurale »; extrême lenteur dans le traitement des dossiers ; déplacement de laction de la défense sur la forme de l'instruction plutôt que sur le fond ; effets désastreux de la médiatisation du juge dinstruction et complication de ses rapports avec la presse ; difficulté à faire évoluer le métier dans le cadre de la mondialisation : la notion de « justice européenne » relève encore de lutopie ; poids excessif des syndicats dans la gestion de carrière des magistrats ; impossibilité pour un juge de se consacrer exclusivement à un dossier qui, par son ampleur et sa complexité, le nécessiterait pourtant ; risque de conflit dintérêts dans le traitement daffaires comportant un volet politique et dont le juge doit rendre compte en temps réel au ministère de la Justice
La liste est longue des problèmes soulevés par Laurence Vichnievsky, qui nen garde pas moins une détermination sans faille et une haute idée du service de lEtat - héritée dun oncle préfet et dun autre membre de la Cour de Cassation. Mais elle ne se leurre pas pour autant : au-delà de réformes légales et statutaires, lavenir du métier de juge dinstruction passe par un changement en profondeur des mentalités, seul à même de mettre la profession en phase avec son temps et la société.
Pierre Brévignon ( Mis en ligne le 02/04/2002 ) Imprimer
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