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Le football : la bagatelle la plus sérieuse du monde
Stéphane Baumont   Le Goût du football
Mercure de France - Le Petit Mercure 2006 /  5.40 € - 35.37 ffr. / 140 pages
ISBN : 2-7152-2635-7
FORMAT : 10,0cm x 16,0cm

Autres essais récents :
- Dominique Noguez, La Véritable histoire du football : et autres révélations, Gallimard, 2006.
- Patrice Delbourg et Benoît Heimermann, Plumes & crampons ; football & littérature, La Table Ronde, 2006.
- Jean-Marie Brohm et Marc Perelman, Le Football, une peste émotionnelle, Gallimard, 2006.
- John King, Football Factory, traduit de l’anglais par Alain Defossé, Ed. Le Seuil, 2004 (Points, 2006).

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À l’heure où le Mondial 2006 bat son plein, on n’a jamais autant parlé de football, vu le football sur les écrans de télévision. Avec un tel ouvrage, on se rend également compte que l’on a beaucoup écrit sur le foot, récemment (François Bégaudeau, Doc Gynéco, Peter Handke) et moins récemment (Henry de Montherlant, Maurice Merleau-Ponty, Albert Camus, Jean Giraudoux, Raymond Aron, André Maurois, Joseph Jolinon, Jules Rimet, président de la FIFA et fondateur de la 1ere Coupe du Monde en 1930, dite Coupe ou Trophée Jules Rimet).

Le football, c’est le «roi des jeux», affirme Jean Giraudoux qui préfaça en 1933 l’édition d’un recueil des meilleures pages consacrées au football, intitulé La Gloire du football. «Au moment où toutes les nations sont devenues nationalistes…il n’est plus que deux organisations à caractère international, celle des guerres et celle des jeux. […] Le football doit son universalité à ce qu’il a pu donner à la balle le maximum de son effet. L’équipe de football c’est le mur de la chistera, soudain intelligent, la bande de billard douée de génie. […] La balle n’admet pas le trucage mais seulement les effets stellaires…».

Mais le football, c’est aussi cette définition de Jacques Attali, plus récente, moins angélique et très actuelle (in Dictionnaire du XXIe siècle, Fayard, 1998) : «Football : instrument de promotion sociale en usage partout, ne requérant aucun moyen, pour tous les garçons du monde nourrissant l’espoir de devenir un jour une étoile du ballon rond. Ce sport se transformera en industrie de très haut niveau ; les équipes deviendront la propriété d’entreprises multinationales possédant de nombreux clubs dans le monde entier et constituant des ensembles de joueurs circulant d’une équipe à l’autre au gré des besoins». Huit ans seulement nous séparent de cette citation toute prophétique qui ouvre le thème du football-business traînant derrière lui son cortège de scandales, «magouilles» et autres «affaires». En effet, que dire de plus aujourd’hui sur un sport-spectacle dont la survie est assurée à hauteur de 16% par le sponsoring et de 60% par la vente des droits de retransmission télévisuelle ! (alors qu’il y a moins de dix ans, l’apport financier principal provenait encore de la billetterie). Quel paradoxe qu’un sport roi du show ne soit même plus nourri par ses propres spectateurs ! Et Jacques Attali de poursuivre et de conclure : «Pour rester l’un des spectacles dominants, il devra se faire plus violent, plus rapide, plus «dramatique»». Et «dramatique», le football l’est à plus d’un titre ! Christian Bromberger, membre de l’Institut Universitaire de France, qualifie ce sport de «drame philosophique» car, en tant que vision à la fois cohérente et contradictoire du monde contemporain, «il valorise le mérite individuel et collectif sous la forme d’une compétition visant à consacrer les meilleurs, mais il souligne aussi le rôle, pour parvenir au succès, de la chance et de la tricherie, qui sont chacune à sa façon des dérisions insolentes du mérite» (p.119).

Du point de vue sociologique (presque ethnologique), l’ouvrage propose des textes intéressants. En effet, il est des pays et dans ces pays des villes où l’on entre «en football» comme on entrerait en religion, une «religion civile». Il est des pays, et nombreux encore, où le foot est l’événement des événements. Mais comment considérer les pays pour lesquels il ne l’est pas et, même, à l’intérieur des pays précédents, les gens pour qui le football n’est rien ou si peu (si, si, cela existe !). Reprenons une phrase entendue récemment sur les ondes : «Le Mondial : le Paradis pour les fans… L’Enfer pour les profanes !». Pierre Desproges se situait d’ailleurs, non sans provocation, parmi les détracteurs de ce sport : «A mort le foot. […] Voilà bien la différence entre le singe et le footballeur. Le premier a trop de mains ou pas assez de pieds pour s’abaisser à jouer au football. […] Je vous hais footballeurs ! Longtemps je me suis cru anormal car petit, je vous repoussais déjà. On me disait : Ah ! la fille ! ou bien : Il est malade ! tellement l’idée d’anormalité est solidement solidaire de la non-footballité» (Chroniques de la haine ordinaire, Le Seuil, 1987). Outre l’extrême plaisir qu’il y a relire les lignes cyniques à souhait de Desproges, leur simple présence dans l’ouvrage a le mérite de poser la question suivante : Quid de ceux qui ne participent pas à cette fièvre du ballon rond ? Quel Salut et quelle place dans la société pour ceux qui se soustraient à ce «totalitarisme hyperfestif» comme le définit Philippe Muray à la page 23 ?

De façon plus légère et plus avant dans l’ouvrage, on se délecte des envolées lyriques (Joseph Jolinon, Patrick Vassort, Jean Cornu). Quelques passages sont consacrées à de grandes figures de ce sport. Le roi Pelé, Maradona mais aussi d’autres buteurs de légende comme l’Argentin naturalisé espagnol Di Stefano qui marqua en 1957 contre la Belgique ; Garrincha en 1958 pour la sélection du Brésil et contre la Fiorentina dans les qualifications pour le Mondial de Suède ; Ferenc Puskas en 1961 dans un match qui opposait les deux clubs madrilènes : le Real contre l’Atletico ; Raymond Kopa ou enfin Platini, en qui Marguerite Duras voyait «un ange bleu»… Le lecteur, du simple amateur au tifoso, se régalera de la lecture de ces «tranches de match» revisitées et romancées (notamment dans la troisième partie de l’ouvrage consacrée à la mythologie).

On pourra regretter de ne pas voir figurer au firmament des butteurs de légende le nom ô combien mythique et même archétypal d’Arturo Freidenreich, joueur brésilien de père allemand, surnommé «Le Tigre» ou encore dans sa langue maternelle «Pe de ouro», et auteur de 1329 buts en 1249 matchs et en 26 ans de carrière. Recordman absolu à ce jour inégalé, il aurait dû jouer avec l’équipe nationale du Brésil pour la première édition de la Coupe du Monde (coupe Jules Rimet) en 1930 mais une blessure l’en empêcha. Il fut l'inventeur de la feinte de corps et du coup de pied enroulé, deux effets aujourd’hui incontournables et emblématiques du sport dans sa version brésilienne.

Enfin et surtout, le football apparaît comme une formidable caisse de résonance de l’actualité, ce qui explique en grande partie le foisonnement dans la publication des essais actuels qui lui sont consacrés. Quand le gouvernement de Villepin est malmené, y compris par sa propre majorité ou que les Français attendent l’intervention d’un Président de la République déjà mutique depuis de longs mois, bon nombre de médias focalisent avant tout sur l’éventuelle victoire ou la potentielle et redoutée élimination des Bleus !! Doit-on dès lors, se rendre à la triste évidence qui affirmerait (à la suite de Philippe Muray) que seul «l’Empire hyperfestif» mis en place par le football est à même de refaire l’unité nationale, de penser comme de panser les fractures de la société et d’y créer le Parti Unique de la Fraternité ?...


Perrine Cayron
( Mis en ligne le 03/07/2006 )
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