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| Alexandre Dratwicki Camille Saint-Saëns et le prix de Rome Glossa/Palazzetto Bru Zane 2011 / 29.90 € - 195.85 ffr. / 120 pages ISBN : GES 922210-F FORMAT : 13 x 19 cm
2 CD inclus.
Voir aussi :
- Dratwicki Alexandre, Niccolai Michela, Gustave Charpentier et le prix de Rome, 29.90
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En mai 1968, lune des plus anciennes institutions françaises disparaissait sans bruit. Depuis 1803, un jury dacadémiciens était chargé de désigner, parmi les étudiants en dernière année du Conservatoire de Paris, lauteur de la meilleure cantate sur un sujet historique, biblique ou mythologique. Pour récompense, lheureux boursier jouissait dun séjour idyllique à la Villa Médicis, résidence romaine offerte à lAcadémie de France par Napoléon Ier, à condition de sacquitter d«envois» annuels telle, en 1888, lexubérante symphonie-drame La Vie du poète de Gustave Charpentier, disparue du répertoire en 1930 et qui méritait la résurrection, ne serait-ce que pour soutenir la comparaison avec Lelio ou le retour à la vie de Berlioz. Les plus grands, au cours du XIXe siècle, se mesurèrent à lépreuve : Gounod, Bizet, Massenet, Debussy, Schmitt, Caplet
Au bout dun siècle, cependant, le prix avait acquis une réputation dacadémisme désuet, voire de conservatisme kitsch. Son discrédit culmina avec le quadruple recalage de Maurice Ravel, entre 1901 et 1905. Depuis, hormis les noms de Lili Boulanger (1913) et Henri Dutilleux (1938), on peut dire quaucun compositeur majeur nest sorti de ce chapeau. Quant aux cantates, presque toutes ont sombré dans un oubli abyssal, parfois injuste, qua entrepris de réparer la fondation vénitienne Palazzetto Bru Zane, dévouée à la défense de la musique romantique française, en les gravant souvent pour la première fois. Deux petits volumes reliés, bien illustrés et intelligemment conçus, viennent ainsi compléter (après Debussy) une précieuse collection de livres-disques, avec la complicité dHervé Niquet à la tête du Philharmonique de Bruxelles et des churs de la Radio flamande.
Celui consacré au sympathique Charpentier se compose dune biographie succincte du compositeur, dextraits de ses mémoires et de notices documentées. De ce fils de boulanger mort quasi centenaire en 1956, qui cultiva jusquau bout son allure bohème et son anticléricalisme, on ne cite habituellement que lopéra Louise (1900) et les préoccupations sociales (il créa en 1901 la Chambre syndicale des musiciens). La cantate Didon, qui lui valut lestime de Massenet et le prix de Rome, étonne par son ambition et son ampleur quasi wagnérienne, inhabituelles pour un morceau de concours. À son retour à Tourcoing le 10 juillet 1887, lheureux lauréat fut accueilli par des fanfares, des drapeaux et des tirs de canons ! Quel bonheur, surtout, de disposer dune version moderne des radieuses et pittoresques Impressions dItalie (1889), cinq tableaux qui forment lunique symphonie de Charpentier, rapportée de Rome deux ans après son triomphe. Hervé Niquet y exalte avec finesse lidiome encore berliozien de ce chef-duvre dont la jeunesse et lallégresse ont conservé leurs couleurs, annonçant lorchestre spectaculaire dun Respighi.
Moins inattendues sont les deux cantates de Saint-Saëns. À 17 comme à 29 ans, il y manifeste une maturité et un métier qui déplurent au jury académique. Le Retour de Virginie (1852) impose un style opéra-comique contraire à la déclamation héritée de la tragédie lyrique ; mais le livret dAuguste Rollet, de laveu même du compositeur, était «absurde», et ses vers «misérables». «Cest dommage, écrira la Gazette musicale de Paris, quil manque tout simplement Virginie»
Paul, sa mère et le missionnaire des Pamplemousses étant les trois seuls acteurs de ce drame ! Linterlude «Danse de nègres», de même que laérien Chur de sylphes écrit pour le concours dessai en 1852, sinscrivent en toute grâce dans la continuité de Mendelssohn. Quant à Ivanhoé (1864), deuxième et verdienne tentative de Saint-Saëns, cétait luvre accomplie dun compositeur quil nétait plus nécessaire de couronner et qui se reprocha toute sa vie davoir souhaité laver léchec de sa jeunesse.
On attend avec curiosité les prochaines trouvailles de cette entreprise éditoriale en tout point remarquable.
Olivier Philipponnat ( Mis en ligne le 11/01/2012 ) Imprimer | | |
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