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Le clavier des pionniers
Jean-Jacques Eigeldinger    Wanda Landowska et la renaissance de la musique ancienne
Actes Sud 2011 /  37 € - 242.35 ffr. / 200 pages
ISBN : 978-2742793228
FORMAT : 19 x 22 cm

Inclus : 1 CD d'archives musicales
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Il y a presque trente ans, les enregistrements de Ricardo Viñes et Wanda Landowska, antérieurs à la stéréo, pouvaient être republiés par EMI à l’enseigne de la collection « Références », qui a formé le goût de tant de discophiles. Depuis lors, même le CD semble avoir vécu ce que vivent les roses, et ces captations – augmentées de pures raretés – sont devenus des « Réminiscences », titre de la nouvelle collection de livres-CD d’Actes-Sud. Il est symptomatique que ces précieuses pistes de 1929-1936 (Viñes) et 1930-1959 (Landowska), passé le siècle, soient devenues des documents plus que des modèles. Et pourtant, malgré les prises de son aigrelettes, malgré la patine et les craquelures, quelles leçons de vie dans ces galettes !

Ricardo Viñes (1875-1943), pianiste catalan, avait douze ans lorsqu’il arriva à Paris, sur les conseils d’Albeniz, pour étudier au Conservatoire (pas encore rue de Madrid !), où il aura pour condisciple un « garçon à cheveux longs » nommé Maurice Ravel. Sa maturité coïncide avec l’âge d’or de l’impressionnisme. Force est de reconnaître que son jeu chatoyant, atmosphérique, faussement déboutonné, n’a pas peu contribué à donner corps à cette révolution chromatique. Il n’était pas encore naturel de jouer aussi naturellement, de converser ainsi avec l’instrument, quitte à s’affranchir avec chien des portées que lui offraient ses « compères » Debussy et Ravel (dont il créa rien moins que les Jardins sous la pluie, L’Isle joyeuse, les Miroirs, Gaspard de la nuit, parmi tant d’autres). Viñes arrivait en outre à point nommé pour donner un visage d’hidalgo moustachu (de « Greco qui eût été gai », dira Léon-Paul Fargue) à la mode ibérique sévissant alors à Paris. S’exprimant en 1916 sur la musique d’Espagne, il était le premier à rappeler que, comme lui, Granados, Turina et Albeniz étaient des Parisiens d’adoption dont on disait, à Madrid, « que leur musique n’était pas très espagnole ». Le serait-elle devenue sans la malice et la complicité de Viñes, ses clins d’œil et son « petit accent de terroir » dont, à 60 ans, moustache tombée, sa voix n’avait pu se défaire ?

À entendre Wanda Landowska, née à Varsovie en 1879, évoquer Bach, Mozart ou Scarlatti, on se dit que c’est bien l’accent, en effet, qui manque aujourd’hui le plus aux interprètes de ce volapuk qu’est devenu le Steinway de concert. Il est de coutume de railler le clavecin brasillant et pétaradant de Landowska, fabriqué sur ses indications par Pleyel en 1912, mais qui tenait plus « d’une toile de Fernand Léger que des planches de l’Encyclopédie », sourit Olivier Baumont ; il n’empêche que cette auguste guimbarde a redonné vie à Bach et Scarlatti, mais aussi à Couperin et Rameau, selon les vœux de Ravel et Debussy. Poulenc ne s’y est pas trompé. Élaborant pour elle et avec elle son délicieux Concerto champêtre, c’est dans cette filiation qu’il s’inscrivait, déclarant en 1949 : « Cette fée, en réveillant la musique française de clavecin, qui telle la Belle au bois dormant sommeillait depuis deux siècles, m’a donné tout à coup, à la suite de Manuel de Falla, le désir d’écrire à mon tour pour cet instrument si injustement décrié. » Peut-être, sans Landowska, le clavecin ne serait-il jamais sorti de l’ornière où l’avait laissé choir le XIXe siècle et n’aurait-il jamais intrigué Frank Martin ou György Ligeti… Le CD lui rend doublement justice en donnant à entendre l’élégance altière de son piano dans Mozart, voire Chopin (rouleau de 1905).

Ces documents accompagnent des albums de grande qualité, illustrés de photos rares et de contributions semi-savantes, notamment de Jean-Michel Nectoux (le « panorama musical » de Paris en 1900), Myriam Chimènes (Landowska inspiratrice de Falla et Poulenc) ou du claveciniste Olivier Baumont, qui évoque le jeu « daté » de Landowska et ses « registrations très contrastées », particulièrement audibles dans ses Scarlatti, avec leurs sonorités de luth, de harpe ou de tambourin. L’album Viñes, lui, se présente comme une biographie. Son journal inédit et ses carnets, largement cités par Mildred Clary, révèlent un musicien qui se rêvait « homme de lettres français », troussant des sonnets parnassiens passablement baroques ou des « haï-kaï horticoles » sous le pseudonyme fantaisiste de Ri-Kar-d’O : « L’art de Picasso / Fit à l’impressionnisme / Un épique assaut »… Ce mélange de finesse et de facétie résume son style.


Olivier Philipponnat
( Mis en ligne le 05/01/2012 )
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