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Los Angeles, 4 août 1962, 21h45. | | | Jay Margolis Richard Buskin L’Assassinat de Marilyn Monroe - Affaire classée L’Archipel 2015 / 20.99 € - 137.48 ffr. / 302 pages ISBN : 978-2-8098-1667-9 FORMAT : 14,0 cm × 22,5 cm
Pierre Reilly (Traducteur) Imprimer
''Beaucoup meurent pour des histoires de gros sous ; Marilyn est morte pour une histoire de gros seins
'' - Richard Steinmeitz.
Le suicide présumé de Marilyn Monroe (1926-1962) na jamais fait lunanimité, et ce très peu de temps après sa mort. Très vite, on parle daccident médicamenteux puis dassassinat. Mais à ce jour, la thèse officielle est le «suicide probable». On savait lactrice américaine névrosée, dépressive et dépendante aux médicaments (calmants et somnifères). Il nempêche que de trop nombreuses zones dombre persistent depuis 50 ans, notamment sur le nombre de personnes qui étaient dans sa chambre avant que lon constate sa mort, dans la nuit du 4 au 5 août 1962. Pire, des témoins assez fiables, proches de la star, affirment quelle tenait un journal (le fameux carnet rouge quon ne retrouva jamais) dans lequel elle confiait ses secrets, notamment sa liaison avec les frères Kennedy.
C'est ce fameux carnet que les instigateurs du crime seraient venus chercher, dont Bobby Kennedy, présent par deux fois dans la maison de Marilyn ce 4 août 1962. Il était venu pour dissuader Marilyn de révéler sa relation amoureuse alors qu'il venait de la quitter. En effet, dévastée par sa rupture avec Bobby, elle voulait étaler sa tristesse, se venger du malotru et révéler ses relations avec les deux frères devant les médias, ce qui aurait fait mauvais genre (John est président et Bobby, ministre de la justice). Enfin, lautopsie ne révèle aucune trace de médicament dans lestomac de l'actrice alors que sa mort serait due à une absorption de Nembutal (que lon retrouve dans son foi) pris par comprimés, selon la thèse officielle. Pour une overdose, cest quelque peu curieux... Des barbituriques auraient donc été absorbés par le gros intestin, ce qui signifie quils auraient été administrés par lavement
Mais qui lui aurait prodigué cela ? Une tierce personne ou elle-même ? Et le Nembutal, comment a-t-il été introduit ?
En 1998, Don Wolfe fait paraitre Marilyn Monroe : Enquête sur un assassinat où il est expressément écrit que Bobby Kennedy était présent ce 4 août 1962 au soir et serait linstigateur du crime. Lenquête est passionnante, assez documentée, mais elle nest quune partie dun livre biographique sur la star de cinéma. Cest peut-être ici la première fois quun ouvrage entier est consacré à la mort de Marilyn. Margolis et Buskin reprennent les précédents ouvrages tout en plongeant dans une nouvelle enquête qui confirme, avec quelques variantes, la thèse de Wolfe. Il fallait faire taire Marilyn... et elle sest tue à jamais. Les deux auteurs produisent un livre plutôt sérieux, sans extrapolation ni démonstration excessive, en prenant en compte (sous forme de chapitres distincts) tous les témoignages, ceux qui se recoupent tout autant que ceux qui se contredisent. Le travail d'investigation parait sérieux tout autant que l'expression, soignée et accessible.
Les révélations sont accablantes pour Bobby Kennedy (1925-1968) qui ne voulait pas que sa liaison avec lactrice soit révélée au public, et pour Ralph Greenson (1911-1979), son psychanalyste, qui aurait administré à sa patiente la dose mortelle (le motif reste vague). Daprès les deux auteurs, Bobby serait venu dans laprès-midi sentretenir avec Monroe, lui demandant darrêter cette relation puis, devant lhystérie de lactrice menaçant de tout révéler, serait revenu le soir avec deux gorilles pour retrouver le carnet secret. Il lui aurait fait subir un lavement pour la calmer puis serait parti sans le carnet. Le psychanalyste Greenson, prévenu entre temps, lui aurait administré le Nembutal fatal en plein cur alors que des équipes de secours étaient sur place, tentant de la réanimer avant de la transporter à lHôpital. Les auteurs affirment catégoriquement que Marilyn aurait survécu si elle avait pu être évacuée par les ambulanciers avant que le docteur n'intervienne avec sa grosse aiguille.
Lintérêt du livre repose sur des révélations qui paraissent crédibles dautant plus que les auteurs laissent sa place au doute, nhésitant pas à citer les témoignages de ceux qui croient au suicide (ce nétait pas le premier coup dessai de lactrice dépressive et elle prenait ses médicaments autant par voie orale que rectale). Mais la présence de Kennedy est avérée, les témoignages de la gouvernante Eunice Murray, témoin privilégié, changent au fur et à mesure des années, et les rapports dautopsie sont formels sur le fait que Marilyn navait rien absorbé qui puisse la détruire. La construction du puzzle se complète sur les figures de Kennedy, Greenson et Lawford (dont le rôle reste trouble), qui à eux trois auraient contribué au meurtre de lactrice.
Célébrée de par le monde pour son physique de femme fatale irrésistible, le sex-symbol Marilyn Monroe est morte misérablement, pour avoir couché avec des hommes de pouvoir (et son psychanalyste, nous révèlent Margolis et Buskin, ce qui complique encore plus laffaire). Passé la grâce de tels moments amoureux, il faut revenir aux affaires et faire taire celle qui sattache trop (on savait en effet Marilyn extrêmement sensible), surtout quand la vie de famille et lambition sociale sont en jeu. Cest ce quont peut-être fait Bobby Kennedy et Ralph Greennson, éliminant une pin-up dépressive dont la vie chaotique annonçait au final un tel drame.
Alors ? Suicide tragique ou meurtre crapuleux ? A la lecture de cette enquête orientée mais prenante, on fera rapidement son choix.
Jean-Laurent Glémin ( Mis en ligne le 22/05/2015 ) Imprimer
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