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| Philosophie |
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Un droit du temps contre le droit du sol ? | | | Alain Finkielkraut Qu'est-ce que la France ?
Stock 2007 / 19.50 € - 127.73 ffr. / 416 pages
ISBN : 978-2-234-05965-8
FORMAT : 14,0cm x 21,5cm
L'auteur du compte rendu : Scénariste et cinéaste, Yannick Rolandeau est l'auteur de Le Cinéma de Woody Allen (Aléas) et collabore à la revue littéraire L'Atelier du roman (Flammarion-Boréal) où écrivent, entre autres, des personnalités comme Milan Kundera, Benoît Duteurtre et Arrabal.
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Qu'est-ce que la France ? est en quelque sorte la "suite" de Ce que peut la littérature, paru chez le même éditeur en 2006, c'est-à-dire une retranscription thématique de certaines des émissions Répliques qu'Alain Finkielkraut anime sur France-Culture tous les samedis matins.
Vaste programme que de définir ou de tenter de définir un pays comme la France !... Le livre est divisé en trois parties. La première, intitulée «Ici et maintenant», regroupe les thèmes épineux de l'école, de la laïcité, de l'Europe, de la question noire, de l'intégration. La seconde, plus courte, «Incarnations», évoque des personnalités emblématiques comme le général de Gaulle et Mitterrand ainsi que l'historien Jules Michelet, tandis que la troisième, «Hier et maintenant», consacrée au passé, aborde, entre autres, les thèmes de la République, du catholicisme, des juifs, des paysans, du fascisme... Bref, il y a de quoi faire.
Alain Finkielkraut est, comme on sait, un philosophe dont les opinions sont fortement contestées, provoquant des polémiques à n'en plus finir et qui, en quelques années, a acquis une "mauvaise réputation" dans certains cercles, intellectuels mais pas seulement. Par souci de mise au point, il a, à plusieurs reprises, écrit des articles et donné des démentis concernant certaines rumeurs, notamment ses déclarations qui ont fait grand bruit dans le journal israélien Haaretz concernant, on s'en souvient, le "black black black" des joueurs de l'équipe de France de football. Peu de gens semblent l'entendre car quand le philosophe sexplique et lève les malentendus, critiquant ainsi la manière dont Haaretz a tordu le cou à ses déclarations, on ne devrait plus normalement avoir motif de sen prendre à lui. Or, cela provoque l'effet inverse (voir le long entretien qu'il donne au site www.grioo.com). Mais veut-on vraiment lapaisement ?...
Qu'est-ce que la France ? devrait, espérons-le, calmer les esprits car sa lecture est fort enrichissante et instructive. Fort simple tout d'abord et passionnante en ce qui concerne le choix des intervenants qui ne sont pas, le plus souvent, en accord avec Alain Finkielkraut, preuve d'une réelle et non fictive ouverture d'esprit ainsi que d'une inlassable curiosité envers la pensée d'autrui. On suit ainsi les discours d'hommes et de femmes fort divers tels que François Furet, Lionel Jospin, Pierre Nora, Marcel Gauchet, Mona Ozouf, Henri Tincq ou Pierre Manent.
Le livre offre un cinglant démenti aux opinions supposées racistes d'Alain Finkielkraut. On ne trouvera rien de répréhensible ni de nauséabond ici, mais, au contraire, une pensée développée et solidement argumentée. On a alors la fâcheuse impression que les diatribes contre le philosophe sont plus souvent le fait d'attaques personnelles gratuites et d'un manque patent d'argumentation allant de pair avec une idée de la France, de la République, de la citoyenneté, qui n'en tolère aucune autre. Une affaire de passions en somme, quand on parle ici de raison.
S'il est impossible de rentrer dans le détail des argumentations de chaque émission ou de chaque thème, signalons qu'Alain Finkielkraut développe au fil de ces entretiens une pensée parfaitement cohérente, dite "anti-moderne". On devrait dire plus exactement «non-moderne», c'est-à-dire contredisant une vision particulière et dominante du modernisme ou du progressisme. Ce qui ne veut pas dire obligatoirement, comme on a trop l'habitude de l'entendre, que celle-ci est "réactionnaire" ou "passéiste". Elle s'attache surtout à interroger les idées trop inféodées aux changements actuels, qu'ils soient bons ou mauvais. Alain Finkielkraut tient avant tout à interroger les idées en lien avec le réel et à ne pas se payer de mots. A une époque qui "bouge" et qui n'arrête pas de décloisonner à tout va, le philosophe tient par son émission Répliques à corroder les clichés et les idées toutes faites. Avoir transcrit dans un livre les paroles d'une émission de radio (et on sait l'importance du livre chez Alain Finkielkraut, l'importance de fixer une pensée dans un monde en mouvement) participe tout à fait de cet état d'esprit. Par ses références à Milan Kundera, à Hannah Arendt, à Albert Camus et d'autres, il signale aussi son souci de distinction des sphères privée et publique, et sa constante opposition à ceux qui, comme le disait Camus, «ont placé leur fauteuil dans le sens de l'Histoire».
L'identité française, sujet au coeur de l'ouvrage, permet de considérer ou de reconsidérer ce qui fait une nation, inscrite dans une histoire particulière et une culture singulière. Un droit du temps contre le droit du sol ? Un simple coup de tampon en préfecture suffit-il à faire une identité ?... "Convient-il, pour accueillir dignement l'Autre, d'évider, ou de perpétuer le soi du chez-soi ? Quelle est, enfin, la relation moralement légitime, politiquement pertinente et culturellement féconde entre le droit et l'histoire, les vivants et les morts, l'universel et le particulier, les immigrés et les autochtones ?", écrit le philosophe dans la présentation du livre. Des questions que les divers intervenants s'attachent à traiter en profondeur.
Qu'est-ce que la France ? revisite ainsi ce que peut être une nation à l'heure de la mondialisation et de l'Europe, dans un monde en voie d'indifférenciation, mouvant, aux frontières poreuses, où les identités se dissolvent et se diluent. "Nous sommes, nous, à la croisée des chemins : la tâche qui nous incombe n'est pas de dire ce que nous sommes mais, quand il est encore temps, de le choisir, en toute connaissance de cause", écrit encore l'auteur. A bon entendeur...
Yannick Rolandeau
( Mis en ligne le 30/05/2007 )
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de Alain Finkielkraut | | |
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