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| Gérard Salem Eric Bonvin Soigner par l'hypnose Masson - Pratiques en psychothérapie 2007 / 30 € - 196.5 ffr. / 328 pages ISBN : 2-294701143 FORMAT : 14,5cm x 22,5cm
L'auteur du compte rendu : Pascal-Henri Keller est professeur de psychologie clinique à lUniversité de Poitiers et psychanalyste. Il a notamment publié Le Dialogue du corps et de lesprit chez Odile Jacob (2006). Imprimer
<i>Soigner par lhypnose est écrit par deux psychiatres qui pratiquent et enseignent lhypnose, en Suisse essentiellement. Il sagit de la quatrième édition de louvrage qui devait, comme annoncé dans la préface à la troisième édition, donner une place aux recherches en neurophysiologie menées à Stanford. En réalité, cette quatrième édition ne présente pas les recherches en question, et lon trouve à la place deux nouveaux chapitres, dune dizaine de pages chacun: «Le tiers invisible» (Gérard Salem, chapitre 10) et le second autour de lintérêt de lhypnose dans la réhabilitation sociale du patient psychotique (Éric Bonvin, chapitre 12). Au total, les treize chapitres sont répartis en trois parties, dont la seconde contient la description doutils qui, mis à la disposition de lhypnothérapeute, sont toutefois réservés, précisent les auteurs, au praticien ayant déjà étudié la partie théorique et clinique par laquelle débute louvrage.
Le ton adopté par les auteurs est volontairement didactique, cela expliquant sans doute le succès connu par ce manuel. Rédigée dans un style familier, lentreprise consiste à démystifier la technique hypnotique, dune part en soulignant les malentendus qui accompagnent sa pratique depuis lorigine, dautre part en cherchant à montrer les services quelle peut désormais rendre dans de nombreux domaines. Les multiples références historiques parfois redondantes permettent ainsi de présenter les inventeurs successifs de la technique, de dévoiler leurs insuffisances respectives, pour mieux sen démarquer. Les auteurs sattardent finalement sur la pratique de lhypnose développée par Milton Erickson, dont les apports théorico-pratiques sont considérés comme inspirés, voire géniaux ; quant aux résultats thérapeutiques, ils sont jugés remarquables, voire fascinants.
En ce qui concerne les nombreux autres auteurs qui se sont également intéressés au phénomène, y compris sur un plan épistémologique, Salem et Bonvin leur accordent une place, pour autant quils défendent, comme eux, la valeur novatrice de lhypnose dans le champ psychothérapique. Quil sagisse par exemple dIsabelle Stengers en tant que philosophe, de Boris Cyrulnik sur le plan éthologique, ou même de Chertok comme référence indiscutable en hypnose, leur travail est salué dans louvrage, dans la mesure où ils font appel positivement à lhypnothérapie et à sa dimension relationnelle. Les arguments théoriques en faveur de la thèse dune hypnose intersubjective ne manquent pas, et alternent tout au long de louvrage avec divers exemples cliniques, à la fois démonstratifs et convaincants.
Les références à Freud et au courant psychanalytique proposées par les auteurs peuvent paraitre surprenantes, ou du moins paradoxales. En effet, les auteurs allèguent que la technique analytique est dépassée voire en voie de disparition, mais ils ne sen réfèrent pas moins à son concept central, dun bout à lautre de leur argumentation et jusquaux dernières lignes : linconscient. Ceci, même sils opposent entre elles données conscientes et inconscientes de la vie psychique, en maintenant la primauté des premières sur les secondes. Bien quils semblent vouloir sen défendre, la «marque» dun héritage psychanalytique est loin dêtre absente de la réflexion de Salem et Boivin. Elle se lit par exemple lorsquil sagit de mettre laccent sur certaines attentes du patient qui échappent à sa conscience (le patient considère-t-il lhypnose comme «une cure magique ? La voie royale vers linconscient ?», p.85). Et on notera que lindex mentionne une seule référence à lentrée «Freud», alors quen réalité, louvrage en contient plus dune vingtaine.
Concernant la technique elle-même, lhypnose est présentée comme une réponse thérapeutique supposée satisfaire un grand nombre de demandes symptomatiques, soit provenant de particuliers qui souhaitent obtenir ainsi une «action positive sur leur santé», soit dinstitutions comme les hôpitaux, lorsque les services spécialisés (cancérologie, dermatologie, odontologie, etc.) veulent améliorer la qualité de leurs soins. Fondé sur une sorte dalliance thérapeutique avec le patient, ce traitement hypnothérapeutique sinscrit dans un processus inventif, qui évolue en fonction des réactions spécifiques de lintéressé. En cela, le traitement par lhypnose se démarque de lapproche comportementaliste, organisée en termes de protocole standardisé, même sil en partage le principe même : lefficacité symptomatique.
Nous lavons dit, louvrage est didactique. Et la précision avec laquelle paroles et gestes du traitement sont présentés peut donner à lhypnothérapeute débutant le sentiment dune technique aisément maniable et à sa portée. Et là, on peut regretter que ce texte entièrement consacré à la pratique hypnotique ne prenne pas tout à fait la mesure du risque représenté par lapprenti-hypnothérapeute un peu trop pressé, voulant débarrasser au plus vite de leurs symptômes psychiques tous ceux qui en souffrent autour de lui. Car, malgré la mise en garde des auteurs, la deuxième partie de leur ouvrage, appelée «boîte à outils», se présente bel et bien comme telle, cest-à-dire une énumération de conseils pratiques, offrant au praticien toutes les garanties defficacité souhaitées dans léradication des symptômes concernés. Cette partie contraste dailleurs avec la partie de louvrage consacrée à la sophrologie. Si lon met de côté ce choix curieux donner tant dimportance à cette autre technique à lintérieur dun ouvrage qui ne lui est pas consacré , on apprécie cependant le ton mesuré et prudent que les auteurs adoptent pour en parler ; une prudence quils nont pas eue avec lhypnose, laquelle apparaît parfois comme un peu trop magnifiée et dun usage simplissime.
Enfin, dans son épilogue, Salem semploie à préserver la part mystérieuse de lhypnose, sans pour autant éviter, ni lallusion à linconscient, ni même la référence à Freud en personne. Dans ses dernières lignes, adressées à un interlocuteur familier quil tutoie, Salem formule dultimes conseils, empreints simultanément de bon sens et de sagesse liée à lexpérience, quil espère, sous cette forme, parvenir à transmettre aux futurs praticiens de lhypnose.
Pascal-Henri Keller ( Mis en ligne le 08/11/2007 ) Imprimer | | |
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