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Enfin un livre sur le développement durable qui pose les bonnes questions | | | Bernard Perret Le Capitalisme est-il durable ? Carnets Nord 2008 / 19 € - 124.45 ffr. / 210 pages ISBN : 978-2-355-36013-8 FORMAT : 14cm x 21cm
Lauteur du compte rendu : Rémi Luglia, professeur agrégé dHistoire et interrogateur en deuxième année dans une classe préparatoire commerciale, est doctorant à Sciences-Po Paris où il mène une recherche sur lhistoire de la protection de la nature en France de 1854 à nos jours à travers le mouvement associatif. Imprimer
Labsence dintroduction à louvrage de Bernard Perret prend demblée le lecteur à contre-pied et lamène à parcourir les premières pages avec une attentive méfiance : quest-ce que cet auteur qui ne prend pas la peine dinformer le lecteur, qui plus est sur un sujet polémique, de son point de vue ni de justifier un titre énigmatique car original ?
Mais, dans un subtil jeu dopposition, il suffit de lire les quatre premières pages pour que la méfiance se mue en un délectable ravissement intellectuel tant on est subjugué par la pertinence de la problématique retenue, dune rareté malheureusement extrême dès que lon évoque le «développement durable». Le plaisir de la lecture ne se dément pas ensuite et lon ne saurait trop louer lesprit danalyse et les qualités de démonstration dont fait indubitablement preuve lauteur.
En effet, très clairement, Bernard Perret commence par distinguer le développement de la croissance, ce que peu de personnes font quand ils emploient le vocable «développement durable». Trop souvent, on en fait même des synonymes. Comment peut-on croire aussi aveuglément quune croissance pourrait se définir comme durable et donc, en théorie, savérer infinie ? Quand on le dit, la chose semble entendue mais qui fait leffort dy réfléchir et de lécrire ? Cest heureusement le cas de Bernard Perret et cest tout lintérêt de son petit livre qui se lit par ailleurs de manière facile et agréable.
Ce qui est en cause dans notre monde, ce nest pas tant la durabilité de notre développement que la nature même de celui-ci, ce sur quoi il se fonde. Le fait quil soit durable ou non peut être considéré comme une conséquence de ce quil est en réalité. Cest donc notre mode de vie et de production, notre système économique en définitive, qui est à mettre en question. Doù lintelligence du titre proposé : Le Capitalisme est-il durable ?. Car croire quavec notre système de valeurs, fondé principalement, pour ne pas dire exclusivement, sur laccumulation de capital, sur lavoir, on puisse créer une civilisation «durable» nest qu´une redoutable illusion. Peut-on donc faire du capitalisme un système durable ? Voilà une question qui est véritablement digne dintérêt car delle découlent toutes les autres considérations, quelles soient dordres écologiques, humains ou économiques.
Cette transmutation du questionnement sur le «développement durable» en une problématique sur la durabilité du capitalisme a été parfaitement rendue visible tout au long de lannée qui vient de sécouler. Alors que le «développement durable» semblait prégnant dans les interrogations mondiales (le "Grenelle de lenvironnement" en France en témoigne), il a été remplacé sans coup férir, presque naturellement, par la «crise», multiforme dans ses différentes acceptions, déclinées à lenvie par les pouvoirs publics, les médias, les acteurs économiques et les simples particuliers. En fait, notre monde tourne bien autour de lidée de croissance infinie : quand celle-ci semble assurée, on se demande comment la rendre «durable» ; quand elle défaille, on se précipite avec un "défibrillateur" afin de lui redonner toute sa vigueur.
Pour Bernard Perret, cette confusion mondialement partagée entre développement et croissance, conjuguée à la crise écologique majeure que nous connaissons, peut être assimilée à la «drôle de guerre» de 1939-1940 : on a conscience que lon va à la catastrophe mais on fait comme si de rien nétait. Notre bien-être continue d´être étalonné par la consommation dévorante dénergies, laccumulation démesurée de biens divers et la destruction de la nature. La création dune centrale électrique au charbon crée de la «richesse» (et le PIB augmente) ; la préservation dun marais, non.
Tout au long de son essai, Bernard Perret va donc développer son analyse sur les dysfonctionnements majeurs de notre système économique ; en fait, avant tout, ceux de notre système de valeurs. Il nous incite alors à repenser notre monde et notre existence pour résoudre la terrible équation : meilleure performance, consommation drastiquement moindre. Certes, inventer une nouvelle société, car cest bien de cela quil sagit, est une utopie. Bernard Perret en a pleinement conscience mais il est aussi conscient que la seule réalité dirimante qui simpose en ce monde est que la Terre est finie.
Alors, qui est lidéaliste ? Celui qui prétend que lHomme doit changer et sadapter à la réalité ? Ou celui qui pense que la croissance économique est infinie alors quil vit sur une petite boule perdue dans lunivers ? On laura compris, Bernard Perret préfère être dans la première catégorie : celle de ceux qui, dans une clairvoyante prospective, ont lespoir de changer le monde de demain.
Rémi Luglia ( Mis en ligne le 10/11/2008 ) Imprimer
A lire également sur parutions.com:Le Développement durable de Loïc Chauveau Le Capitalisme est en train de s'autodétruire de Patrick Artus , Marie-Paule Virard Désordres dans le capitalisme mondial de Michel Aglietta , Laurent Berrebi | | |
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