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Allegro Barbaro
Béla Bartok (1881-1945)
Leos Janacek (1854-1928)
Klement Slavicky (1910-1999)
Lubos Fiser (1935-1999)
Martin Kasik( piano )

Arco Diva / CD Diffusion 2001   
Sélection Paru.com 2001
Choc du Monde de la Musique 2001
TT :  66 mn.
UP 0030-2 131
1ère en CD
1 CD

Bartók
Allegro barbaro

+ Janácek
"Dans les brumes"
Sonate "1er octobre 1905"


+ Slavický
Trois pièces pour piano
Sonate "Contemplation of Life"


+ Fišer
Sonate n°8


Enregistrement (studio) : juin 2000. Belle captation, peut-être un peu mate.
Notice en tchèque et anglais (de cuisine). Succinte et curieusement conçue : long développement dithyrambique sur Fišer (dont la sonate, assez convenue, dure 5 minutes) et trois lignes sur Slavický (autrement plus intéressant, et qui occupe à lui seul la moitié du disque).

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L’école tchèque de piano a donné à notre siècle quelques-uns de ses plus grands – et de ses plus discrets – interprètes, parmi lesquels Rudolf Firkusný, Radoslav Kvapil, Jan Panenka, Ivan Moravec ou Emil Leichner. Bardé de prix internationaux, révélé au public français par un magnifique disque Rachmaninov/Schumann, le jeune (25 ans) Martin Kasík, élève d’Ivan Klanský, prouve aujourd’hui que la relève est bien assurée.

Regroupées sous l’appellation trompeuse (on n’ose pas dire racoleuse, ce serait trop beau) d’"Allegro Barbaro", les œuvres qui composent son récital offrent un aperçu séduisant du répertoire de piano tchèque du XXe siècle : cela va du très connu (Janáček) à des raretés enregistrées pour la première fois (Slavický et Fišer). Mais, sur huit décennies, on est frappé par la cohérence qui unit dans un même élan ces trois musiciens.

Passé le hors-d’œuvre bartókien, enlevé avec beaucoup d’assurance et de ludisme, "Dans les brumes" (1912) de Janáček met en lumière une autre facette du talent de Kasík. Ultime opus pianistique de l’auteur de Jenufa, si l’on excepte le webernien Souvenir composé trois mois avant sa mort, ce cycle en quatre mouvements développe une atmosphère méditative, elliptique, doucement résignée. Janáček, qui n’était pas un virtuose du clavier, visait surtout à une expression ramassée, densifiée, privilégiant les silences et la ligne claire aux martèlements furieux et aux polyphonies complexes. On songe plus d’une fois à Schumann, à ses Scènes de la forêt que Janáček paraît citer en référence (tout comme dans son autre cycle, "Sur un sentier broussailleux"). Le toucher infiniment délicat de Kasík, doublé d’un réel sens de la conduite du mouvement, convient parfaitement à cette musique de résonance, dont il restitue avec un égal bonheur les lentes dissolutions comme les foucades rythmiques. Sans doute sa lecture de la Sonate 1905, œuvre imprégnée d’un dramatisme explicite (Janáček avait assisté à la mort d’un ouvrier lors d’une manifestation pro-tchèque à Brno), pâtit-elle de cette juxtaposition. Ses deux mouvements, "Le Pressentiment" et "La Mort", paraissent de simples prolongements de "Dans la brume". La texture diaphane du piano y est pourtant d’une signification tout autre : plus de vapeurs impressionnistes, ici, mais bien des nuages de fumée et de poudre, l’odeur du sang et de la mort. Il suffit d’écouter Firkusny (Deutsche Grammophon) ou Alain Planès (Harmonia Mundi) pour comprendre ce que ces quelque douze minutes peuvent receler de noirceur.

Contre toute attente, c’est pour les deux compositions de Klement Slavický, élève de Josef Suk, qu’on se tournera vers ce disque car, au-delà de leur remarquable qualité musicale, ce sont elles qui requièrent de l’interprète l’investissement le plus complet. Digitalité impressionnante dans la première des Trois pièces, une danse macabre traversée par un moto perpetuo sardonique ; pesantes sonnailles lisztiennes puis montée vers la lumière de l’Intermezzo ; enfin, Toccata ébouriffante où Kasík trouve des couleurs et ose des respirations... très inspirées.

De la sonate "Contemplation of life", la notice ne nous apprend strictement rien – bravo pour le travail de défricheur… –, sinon qu’elle relève de la dernière manière de Slavický et a été composée en 1958. Le geste impérieux qui ouvre le premier mouvement la place sous le signe d’un fatum écrasant, contestant tout travail motivique, interrompant de violents accords les moindres ébauches de développement et contraignant l’interprète à une véritable "course contre la montre" pianistique. C’est à la fois précis, haletant, dramatique – en un mot, hitchcockien ! Le répit offert par le Largo misterioso central est, comme de bien entendu, trompeur ; quelques mélismes surgis d’un folklore imaginaire tracent dans le silence des courbes avortées, la lune n’en finit pas de descendre sur le temple qui fut… jusqu’à ce qu’un Molto vivo rende la composition à sa tension première. Là encore, Kasík émerveille par sa virtuosité jamais abstraite, qui sait adopter, durant quelques mesures, des inflexions jazzy puis s’élancer dans un motorisme radical avant de se suspendre, le temps d’une pause onirique où passe l'ombre de Martinu...

En comparaison, la Sonate n°8 de Fišer donne l’apparence d’un bloc monochrome d’où tout accident est banni. On ne retiendra pas grand-chose de cette musique austère qui, cinq minutes durant, proclame à grand coups d’accords sa solennité. Mais la découverte de Slavický prime sur toute autre considération et fait de ce disque un achat prioritaire pour tout amateur de musique tchèque.


Pierre Brévignon
( Mis en ligne le 30/03/2001 )
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