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| Musique Classique &Opéra -> Musique orchestrale |
 Symphonie n° 5 en si bémol majeur
Anton Bruckner (1824-1896)
Orchestre de la Staatskapelle de Dresde
Giuseppe Sinopoli( direction )
Deutsche Grammophon / Universal 2001
Sélection Paru.com 2001
TT : 76 mn.
469 527-2
1 CD |
Enregistrement (live) : mars 1999. Stéréo DDD.
Prise de son souple, lumineuse, vibrante.
Notice (allemand, anglais, français) intéressante.
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La Cinquième Symphonie d'Anton Bruckner, l'une de ses plus imposantes, n'est guère enregistrée. On lui préfère les Quatrième, Septième, Huitième ou Neuvième, dont le sens paraît plus évident et la rhétorique plus souple. Ici, nous avons affaire à une puissante affirmation mystique, qui tient davantage du chantier moyenâgeux que de la déréliction postromantique. Pas étonnant que, par leur souci combiné de cohérence architecturale et d'expression spirituelle, des Jochum, Furtwängler, Karajan y aient donné leur pleine mesure.
Ces qualités ne sont pas exactement celles de Giuseppe Sinopoli, récemment disparu, qui préférait donner des oeuvres qu'il dirigeait une lecture à taille humaine, mariant finesse psychologique et sensualité. C'est bien ainsi qu'il entend visiter cette Cinquième, davantage perçue comme un élan désespéré et passionné que comme une tour de Babel orgueilleuse et stupide. Proche du texte, il ne réussit pas toujours à l'embrasser dans son ensemble ainsi le premier Adagio, qui étale ses vingt mélancoliques minutes sans vraiment prendre de la hauteur.
Mais, là où Sinopoli est irremplaçable, c'est dans cet art qu'il a d'explorer les contrastes de l'oeuvre, d'en bistrer les replis, d'en rehausser les ombres et de travailler les phrasés en se moquant un peu de savoir s'il impressionne ou non. Bref, d'expliquer clairement que Bruckner n'est pas le réceptacle de quelque verbe surnaturel, mais bien l’ingénieux tâcheron jouant des groupes orchestraux comme de crayons gras et coloriant des Assomptions et des Transfigurations avec un zèle peu ordinaire, tout ça sans déborder. Nous sommes au musée du Louvre, un peu intimidés, mais confiance, le maestro Sinopoli sait rendre tout simple : sous nos yeux ébahis, il décrit des zones de lumière, fait remarquer une courbe, trace des diagonales, décompose le chef-d'oeuvre en blocs colorés, désigne les protagonistes de cette puérile gigantomachie. Ce que nous avons là, ce n'est plus une parole révélée, c'est une accumulation de gestes humains. Et, lorsqu'ils sont réalisés par les musiciens de la Staatskapelle de Dresde, dont la tenue est exemplaire, il faut s'attendre à du grand art ; les cuivres, notamment, sont d'une conviction radieuse. Même si tout ce beau monde doit se refuser l’extase.
Sinopoli, en somme, réduit Bruckner à la modeste figure de l'artisan, certes divinement inspiré, mais aux doigts tachés de peinture. Il n'est pas innocent que cette Cinquième résonne plus d'une fois comme la Symphonie de Franck, autre ouvrier de Dieu. Sinopoli l'a revêtue de la même volonté (premier mouvement), des mêmes doutes (Adagio), du même enthousiasme (Scherzo), de la même sereine assurance (Finale). On ne frissonne guère, pas de voiles diaphanes ni de brumes suspendues, pas de trompettes d'Apocalypse ni de Jéricho, mais la vigueur du geste, parfois, secoue. Ce n’est pas de la transe : c’est de la fièvre.
On a dit de cette symphonie que son effrayante simplicité instrumentale, combinée à une science contrapuntique hors d'âge, la rapprochait de la musique vénitienne de la Renaissance. En l'éloignant du gothique allemand, en la couvrant de feuilles d'or, en la baignant de couleurs, Sinopoli parvient à la rendre moins écrasante. Mais sans doute plus aveuglante de lumière.
Olivier Philipponnat
( Mis en ligne le 08/06/2001 )
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