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Concertos pour piano n° 1, 2 et 4
Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Murray Perahia( piano )
 Academy of Saint Martin in the Fields

Sony Classical / Sony 2001   
Sélection Paru.com 2001
ffff Télérama 2001
10 de Répertoire 2001
Diapason d'or 2001
TT :  53 mn.
SK 89245
1 CD

Concerto n°1 en ré mineur BWV 1052
Concerto n°2 en mi majeur BWV 1053
Concerto n°4 en la majeur BWV 1055

Enregistrement (studio) : mai 2000. Stéréo DDD. Prise de son souple, colorée, lumineuse.
Notice (allemand, anglais, français) succincte.

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Le nom de Murray Perahia est si étroitement associé au répertoire romantique qu'on en oublierait presque sa déjà ancienne intégrale des concertos de Mozart avec l'English Chamber Orchestra, d'un équilibre et d'une poésie inégalés. C'est cette sorte de miracle, parfois doublé d'une inquiétante étrangeté, que le pianiste renouvelle dans ces concertos où on ne l'attendait pas. Et où il montre, comme dans ses récentes Variations Goldberg, ces qualités qui conviennent si bien à Bach : invention, esprit ludique, aisance, clarté. L’enjeu, s’il y en avait un, ne semble peser d’aucun poids sur les épaules de Perahia, qui donne toujours l’impression trompeuse de jouer à l’instinct.

Le coup, pourtant, était risqué : les concertos de Bach au piano, c’est un anachronisme que seul Glenn Gould a pu vraiment transcender. Mais le Bach de Perahia n'est pas un manifeste stylistique ; c'est une tentative de tirer le meilleur parti possible d'une configuration qui a cessé d'être une hypothèse pour entrer dans l'histoire du goût musical. Perahia se tient donc aussi éloigné de la concentration beethovénienne d'Edwin Fischer que de l'exaltation polyphonique et rythmique de Gould – les deux façons traditionnelles de contourner le problème – pour se focaliser sur la clarté mélodique et le phrasé, ne choisissant d'opposer que deux voix à la fois, de façon très contrastée. Et s’il sacrifie volontiers à l'expression d'une mélancolie déjà mozartienne (Adagio du premier concerto), avec la retenue qui convient, il montre dans les Allegro une maîtrise et une inventivité rythmiques réjouissantes, dénuées d’arrière-pensées. Les ornements qui, au piano, pourraient passer pour de vaines rodomontades, sont filés sans cérémonie, sautés comme de simples ruisseaux. Avec fluidité.

Perahia, qui possède comme peu l'art de faire oublier sa prodigieuse intelligence, phrase avec un naturel vraiment confondant ; ce piano, bourré d'inventions discrètes, chante avec simplicité. Si l'instrument est clairement proéminent, il ne cherche à aucun moment la confrontation avec l'orchestre, mais plutôt son soutien actif - symboliquement, d'ailleurs, le pianiste endosse ici le costume de chef d'orchestre. C’est une relance perpétuelle. Par la variété de ses attaques, de ses coloris, dont il use avec malice, Perahia crée un surprenant jeu de lumières avec l’Academy of Saint Martin in the Fields, phalange qui, grâce à sir Neville Marriner, a su tirer les leçons de la révolution baroque et en a gardé une transparence et une vivacité merveilleuses (que la présence inattendue d'une théorbe épice joliment). Cela donne des moments de poésie inouïe, comme le finale du quatrième concerto, si souvent compris comme une bravade, ici envisagé comme une ballade faussement nonchalante. Mais aussi des plages d'une mystérieuse étrangeté – ainsi dans l'Allegro initial du premier concerto, soumis à d'incessantes variations dynamiques, ou dans la Sicilienne du deuxième concerto, égrenée d’un ton égal, avec une forme de désenchantement, et pourtant tout sauf émolliente.

Par leur pétulance, leurs bondissements imprévus, leur charme juvénile, leur bel enthousiasme, ces concertos rappellent curieusement les tentatives anciennes de Raymond Leppard (au clavecin) et de l'English Chamber Orchestra, qui partaient eux aussi gaiement à la découverte de Jean-Sébastien, sans craindre de faire entendre ce qui est finalement le plus difficile : la joie.

Bien sûr, on peut préférer à ce Bach hédoniste, qui semble donner de la musique comme un arbre des fruits, les versions plus musclées et aillées d'un Leonhardt, d'un Pinnock ou d'un Hantaï, sur instruments anciens – ce serait plutôt mon cas. Mais, pour sa musicalité hors norme et son intelligence du texte, il faut désormais placer Perahia au premier rang des interprétations pianistiques de Bach (Gould étant hors-concours). Enfin une alternative à l'esthétique bravache des Collard-Dalberto-Rigutto-Tacchino (EMI, secondés il est vrai par un Ensemble orchestral de Paris sans subtilité) !



Olivier Philipponnat
( Mis en ligne le 08/06/2001 )
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