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Richter rediscovered
Franz Joseph Haydn (1732-1809)
Frédéric Chopin (1810-1849)
Sergei Rachmaninov (1873-1943)
Maurice Ravel (1875-1937)
Serge Prokofiev (1891-1953)
Claude Debussy (1862-1918)
Sviatoslav Richter( piano )

RCA / BMG 2002   
Sélection Paru.com 2002
TT :  113 mn.
09026-63844-2
1ère en CD
2 CD

Haydn:
Sonate n° 60 Hob XVI/50 en ut majeur

Chopin:
Scherzo n° 4 ,op. 54 en mi majeur
Ballade n° 3 op. 47 en la bémol majeur
Études op. 10 n° 10, 12


Rachmaninov:
Prélude op. 23 n° 1 en fa dièse mineur
Prélude op. 32 n° 9 en la majeur
Prélude op. 32 n° 10 en si mineur
Prélude op. 32 n° 12 en sol dièse mineur


Ravel:
Jeux d'eau
La Vallée des cloches


Prokofiev:
Sonate n° 6 op. 82 en la majeur
Visions fugitives op. 22 n° 3, 4, 5, 6, 8, 9, 11, 14, 15, 18
Gavotte de Cendrillon op. 95 n° 2


Debussy:
Les Collines d'Anacapri

Enregistrement: concert (Carnegie Hall, 26 décembre 1960 ; Mosque Theatre de Newark, 28 décembre 1960). ADD Stéréo analogique remixée.
Notice (anglais, allemand, français) : note du producteur, article d'époque de Harold C. Schönberg (le célèbre critique du New York Times), etc.

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Dans un fameux sketch, les Monty Python ont immortalisé Sviatoslav Richter en phénomène de foire, étroitement sanglé dans un sac à pommes de terre et mis au défi de se défaire de sa camisole pour gagner, victorieux, son Steinway. Il y avait, dans cette bouffonnerie, outre un hommage indirect à un « monstre sacré » dont le nom demeure méconnu du grand public, une involontaire métaphore de son génie : Richter paraît toujours, lorsqu'il joue, s'être délivré d'un carcan, tant éclate sa liberté de ton, ou plutôt : son ton de liberté. Il ne cherche pourtant pas à s'affranchir du texte mais seulement des conventions d'interprétation. Au vrai, il ne cherche rien. C'est le même homme, infiniment respectueux des œuvres, qui affirmait ne jamais lire au lit de peur de trouver le sommeil. Le même, aussi, qui applaudissait Martial Solal comme, en son temps, Horowitz saluait Tatum.

Lorsqu'il débarque aux États-Unis en 1960, à la faveur du dégel soviétique, Richter est précédé par sa réputation d'ours fracasseur au toucher de miel – on peut juger de sa patte dans ses extraordinaires Tableaux d'une exposition (Praga). A Carnegie Hall, le 25 octobre, il joue Chopin, Haydn, Prokofiev. C'est ce même programme, ou presque, qu'il redonne le 26 décembre – et qui constitue la majeure partie de ce double CD en grande partie inédit. La surprise, pour les New-Yorkais avides de sensations fortes, dut être vive. La franchise de Richter – le terme qui le définit sans doute le mieux – s'exprime ici sans tapage, et la virtuosité folle surgit aux instants les plus inattendus. Le sentiment qui domine : l'instinct, d'une sûreté qui écrase même le style. Dans Haydn, un Adagio aussi poignant qu'objectif succède à un Allegro d'une hâte panique. Richter ne jugeait-il pas les sonates de Haydn « aussi convulsives qu'un quatuor de Bartók » ?

Richter ne brusque pas la musique : il lui ouvre la cage. Si brutalité il y a, c'est de l'urgence. Dans ses Chopin, mâles ruminations coupées de puériles distractions, il donne l'impression d'une intimité suffisante pour ne pas prendre de précautions inutiles. La musique, bonne fille, se laisse faire, et c'est un mélange de rudes assauts et de tendresse candide. Il faut, ici, se rappeler quelles mains colossales prolongeaient le corps de ce géant, dont le jeu, impliquant l’être entier, a souvent été comparé, eh oui, au coït. Qu'on imagine la jalousie des freluquets en frac.

Prokofiev, enfin. Nul n'y est supérieur à Richter, qui créa deux des trois « sonates de guerre ». Là encore, surprise. le pianiste qui, en 1939, jugeait la Sixième Sonate « d'une hardiesse barbare… animée des pulsions dévastatrices du XXesiècle » souligne ici la verticalité lisztienne de l'œuvre, propre à tous les excès ; mais les siens sont de pure abstraction et tirent l'ensemble vers la méditation plastique. Il faut entendre comme il dénoue l'inextricable entrelacs du Vivace final. Si barbarie il y a, c’est celle, formaliste, des tyrannies modernes ; mais elle a l'éclat et la finesse des anonymes masques scythes. C'est là son visage humain. On s’y sent comme dans un désert, avec l'inquiétante impression d'être surveillé. La barbarie primitive, mâtinée de naïveté native, Richter la réserve aux Visions de l'op. 22 – où Horowitz voyait la préfiguration onirique des journées d'octobre 1917.

Richter, décidément, n'était jamais où on l'attendait. Celui que nous donne à entendre ce récital n'est ni l’aède exténué figé par Bruno Monsaingeon ni le Maïakovski du piano. Dans l’antre de Carnegie Hall, trente ans après Horowitz, trente ans avant Kissin (auquel il reprochait de ne pas « se jeter dans la mer »), Richter ne cherche pas l’épate. Si cet Hercule se libère de ses chaînes, c'est, nous l’avons dit, pour retrouver son piano.


Olivier Philipponnat
( Mis en ligne le 07/01/2002 )
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