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Un révolutionnaire du cinéma documentaire
avec Yann Le Masson
Editions Montparnasse 2011 /  44,21  € - 289.58 ffr.
Durée DVD 123 mn.
Classification : Tous publics

Sortie Cinéma, Pays : France
Sortie DVD : Mai 2011

Version : 2 DVD-9, zone 2
Format vidéo : PAL
Format image : Couleurs et N&B, 4/3
Format audio : Français 2.0
Sous-titres : Aucun


Bonus :
- Livret : la maison et le monde

L'auteur du compte rendu : Actuellement en troisième année d'études cinématographiques à Scripps College (Californie), Mirabelle Korn a été vidéaste monteuse au sein de Reporters Sans Frontières à Paris et a déjà réalisé plusieurs documentaires.

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«Tu me demandes pourquoi je filme ? Pour changer, devenir différent, et ainsi, aussi peu soit-il, changer le monde» ( Extrait de la réponse de Yann Le Masson au questionnaire du journal Libération pour le numéro spécial de 1987, intitulé «Pourquoi filmez-vous ?»).

En 1987, Yann Le Masson mettait fin à une période de près de trente ans pendant laquelle, en tant que caméraman, il avait tourné une cinquantaine de films professionnels. Mais les films dont il parle dans sa réponse, les films qui ont changé le monde politique autant que le monde cinématographique, forment une petite collection de documentaires, trois courts-métrages et deux long-métrages. Ces cinq films sont présentés dans un coffret sous le titre de Kashima Paradise : Le Cinéma de Yann Le Masson. Ce coffret témoigne de la maîtrise technique, de la passion politique et de la sensibilité humaine avec lesquelles, entre 1961 et 1984, Le Masson a révolutionné le cinéma documentaire.

Sa carrière dans le domaine du film politique débute en 1961, quand Le Masson rentre de la guerre d’Algérie, découragé d’avoir dû se battre contre une cause avec laquelle il sympathisait. De retour en France, soucieux de se racheter, il adhère à la Fédération de France du FLN. Il réalise aussi un petit film de 16 minutes intitulé J’ai huit ans. Ce film tout simple présente des témoignages d’enfants algériens accompagnés des dessins qu’ils ont faits pour montrer leurs expériences de la guerre. Avec peu de moyens et sans aucun soutien des structures officielles du cinéma français, Le Masson crée un puissant message contre la guerre et lance le mouvement de ''Cinéma Parallèle''.

Ce mouvement regroupait des cinéastes, des journalistes et d’autres militants qui souhaitaient voir une alternative à la politique conservatrice et au cinéma esthétisé et censuré de la France. Ils tentaient d’«assurer la production, la réalisation et la distribution de films de courts ou longs métrages dont la production ne pourrait être envisagée en raisons des interdits politiques, économiques et juridiques du moment» (Article 4 des statuts du ''Cinéma Parallèle''). Ils se plaignaient d’un cinéma français devenu «le plus bête, le plus inoffensif et le plus craintif du monde» et proposaient non pas de le remplacer – car Le Masson et ses collègues avaient quand même du respect pour les expérimentations techniques et esthétiques de la Nouvelle Vague – mais de redresser l’équilibre en faveur de l’expression politique des masses.

Le Masson eut un rôle essentiel dans le mouvement, et pendant les dix années suivantes il réalisa deux autres films avec le même courage politique que celui dont il avait fait preuve en tournant J’ai huit ans. Dans Sucre Amer (1963), Le Masson franchit de nouvelles frontières cinématographiques et politiques en portant son regard sur la campagne électorale de Michel Debré à la Réunion. Mais son chef d’œuvre de cinéma politique est sans nul doute Kashima Paradise (1973), un long-métrage filmé au cours de deux années que Le Masson et la sociologue Benie Deswarte passèrent au Japon pendant une période cruciale d’industrialisation et de changements sociaux dans ce pays.

C’est dans Kashima Paradise que Le Masson révèle vraiment son génie pour marier l’idéologie politique avec le potentiel narratif et la qualité personnelle du cinéma. Le film lie les questions politiques, économiques et culturelles du capitalisme, de l’industrie et de la tradition aux histoires particulières des paysans déplacés par la construction d’une usine ou suffoqués par le système traditionnel de paiement et re-paiement de dettes dans les villages. L’analyse marxiste est exprimée distinctement dans une voix-off écrite par Chris Marker et dans le choix de focaliser le film sur les relations entre les paysans et l’industrie. Mais Le Masson regarde le Japon non seulement avec sa propre idéologie, mais aussi avec un profond respect pour les gens, pour leurs traditions et pour le temps qui est nécessaire pour transcrire leurs expériences sur film.

Le Masson se focalise encore plus sur les histoires personnelles et l’expérience individuelle dans son film suivant, Regarde elle a les yeux grand ouverts (1980). C’est un portrait du MLAC (Mouvement pour la Libération de l’Avortement et de la Contraception) d’Aix-en-Provence, un groupe de femmes qui s’efforcent de créer un environnement sain et confortable pour les accouchements et les avortements. Le Masson nous plonge dans les rythmes de cette vie commune, où les enfants assistent aux naissances et où les femmes se tiennent la main pendant les avortements. Il n’a pas peur des longues séquences qui nous permettent de vraiment vivre un événement au lieu de simplement le regarder ou de l’analyser. Les femmes du MLAC qui se battent contre les lois contre l’avortement sont aussi controversées que les paysans japonais qui se battent contre l’industrie, mais dans Regarde elle a les yeux grand ouverts l’objectif à travers lequel Le Masson nous montre son sujet perd de son idéologie et laisse les individus nous parler d’une façon directe et d’autant plus puissante.

Le Masson pointe sa caméra sur des sujets très divers, et chaque fois les choses s’illuminent et se clarifient tout en révélant leur complexité. Ses films prouvent qu’on ne peut pas changer le monde sans s’engager avec lui, qu’on ne peut pas faire le portrait d’une lutte sans être présent sur le champ de bataille avec les combattants et qu’on ne peut pas faire comprendre une cause aux spectateurs sans prendre le temps de la comprendre soi-même.

C’est peut-être pour cela qu’avec le dernier film de ce coffret Le Masson abandonne les voyages à l’étranger et les causes politiques pour se retourner vers sa propre famille. Ce court-métrage, Héligonka (1984), suit son frère qui se bat contre l’évolution de sa cécité tout en essayant de s’occuper de sa fille et de poursuivre sa passion pour le bricolage et la musique. Pendant que son frère perd graduellement la vue, Le Masson lui apporte sa propre vision, façonnée par une brillante carrière de réalisateur mais toujours aussi patiente, inventive et sensible.

Ce coffret nous montre l’étendue de l’influence que Le Masson a eue à travers ses films mais aussi comment il a lui-même changé, s’adaptant avec chaque nouveau film pour représenter l’expérience de ses semblables un peu partout dans le monde et pour créer une œuvre documentaire unique.


Mirabelle Korn
( Mis en ligne le 22/07/2011 )
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