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Mémoires d'immigrés - L'héritage maghrébin
avec Yamina Benguigui
MK2 2004 / 25 € - 163.75 ffr.
Durée film 160 mn.
Classification : Tous publics |
Sortie Cinéma : 1997, France
Version : DVD 9 / Zone 2
Format image : 1,33 - 4/3
Format audio : Français et Arabe
Sous-titres : partiels en français
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L'immigration dans toute sa simplicité et sa dureté. Belle idée des Editions MK2 que de sortir en DVD ce documentaire de 1997 produits par Canal + et Bandits. Composée de trois parties de 52 minutes chacune, le film de Yamina Benguigui dessine les trois visages de l'immigration maghrébine : les hommes, les femmes et les enfants. Trois catégories bien distinctes face à l'immigration et vivant dans une certaine ignorance de ce qu'a vécu l'autre. Les hommes n'ont jamais raconté aux femmes les souffrances qu'ils ont rencontrées à leur arrivée. Les femmes ont gardé pour elles les difficultés de leur nouvelle vie dans une société différente pour laquelle elles n'étaient en rien préparées. Ce déficit de parole crée chez les enfants une absence d'Histoire, de leur histoire. Yamina Benguigui, fille d'immigrés Kabyles cherche à combler ce vide qu'elle a elle-même connu et qu'elle n'a jamais pu combler en famille. Les témoignages sont autant de portraits, chaque histoire singulière lève un pan du secret et du non-dit général.
Bien qu'ils soient tous acteurs de l'immigration, le degré d'implication dans la décision d'émigrer explique les points de vue différents. Il y a une différence énorme entre être l'artisan du changement et du départ, même si c'est contraint par les conditions de vie sur le territoire d'origine et subir cette décision (les femmes et surtout les enfants). L'un des témoignages illustre parfaitement cette idée : on part chercher une vie meilleure pour soi et sa famille. Il n'y a pas de responsables si ce n'est l'économie d'autant que dans une grande majorité des cas, cette émigration ne devait être que temporaire. Pour les hommes, le choix de partir est donc avant tout économique. Mais peut-on réellement parler de choix ? Abdellah Samale, l'un des pères de Mémoires d'immigrés : Nos enfants, ils sont là aujourd'hui. Il faudrait bien qu'ils sachent pourquoi on est ici, pourquoi on est venus, et comment on est venus, dans quelles conditions on a travaillé, comment notre vie a passé. Même s'il y a des reproches, comme quoi ils sont nés ici, etc, ce n'est pas de ma faute, c'est de la faute de l'économie. Je dirais même de la misère.
Après la Seconde Guerre Mondiale et pendant les 30 glorieuses, la France a besoin de main-d'œuvre, les hommes ont besoin de travailler. L'aspiration à une vie meilleure bien aidée par les recruteurs qui parcourent les villages du Maghreb et cette simple corrélation de l'offre et de la demande dont dépend le destin de millions de personnes.
Très rapidement, parfois dès le bateau qui traverse la Méditerranée ou l'arrivée à Marseille, le paradis espéré se révèle plein de désillusions : conditions de travail dans les usines et ateliers de montage à la chaîne ou sur les chantiers, conditions de vie (baraquements qui ont tout du bidonville), et surtout le provisoire qui devient définitif.
On est là au cœur des contradictions de la politique d'immigration de la France : elle fait venir une main-d'œuvre dont elle a cruellement besoin en masse sans pour autant s'occuper des conditions de vie de celle-ci.
Pour les femmes qui viennent souvent grâce aux regroupement familial, le choc est peut-être encore plus dur. D'une société où la place de la femme est secondaire, elles devront s'adapter et élever leurs enfants dans un environnement qu'elles ne maîtrisent pas.
Les enfants se sont construits dans la réaction à la culture de leurs parents. Dans un pays qui est le seul qu'ils connaissent et pourtant dans lequel ils subissent les contradictions de la politique qui leur est appliquée.
Yamina Benguigui construit son documentaire autour de l'alternance de témoignages et d'images d'archives, ce qui permet de recréer le parcours de ces immigrés. Ce travail de mémoire et de réconciliation prend son temps. Les portraits permettent de s'approcher au plus près des individus.
Je voulais redonner de la dignité à ces immigrés Maghrébins dont on a oublié le passé et les conditions dans lesquelles ils ont été accueillis en France. Je suis née ici, issue de parents algériens. Mes parents, et tous ceux des enfants des banlieues, des beurs comme on dit, sont toujours restés dans l'ombre. Jamais on ne les a laissés s'exprimer sur leur passé. Dans ma famille, il y avait quelque chose de honteux à parler de cette immigration. De ce fait, on se taisait. Et nous, enfants d'immigrés, ne savons rien de la réalité. L'ignorance est dangereuse. Il faut retrouver notre histoire pour mieux comprendre notre double culture, et la faire connaître aussi aux Français de souche. (Yamina Benguigui)
S'il comble un vide indéniable dans la perception de l'immigration par ceux qui l'on vécue mais très rarement raconté, l'excellent travail de la réalisatrice permet aussi à tout un chacun de prendre conscience de la dureté de l'immigration. Et du point de vue historique, il donne également la parole à ceux (politiques, représentants du patronats français de l'époque…) qui ont favorisé ou organisé la venue des immigrés en France, ce qui est suffisamment rare pour être souligné.
Yamina Benguigui : Ce film est le récit de mon voyage au cœur de l'immigration maghrébine, en France. Le cinéma m'a prêté une identité, celle de réalisatrice, pour reconstruire celle que je négligeais, fille d'immigrée. A la recherche de cette difficile identité, certains ont été tentés par l'Islam, d'autres ont été happés par la délinquance. Beaucoup d'entre eux ont réussi leur intégration.
Judicaël Tracoulat
( Mis en ligne le 17/01/2005 )
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