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L'Allemagne par Huillet & Straub
avec Danièle Huillet et Jean-Marie Straub
Editions Montparnasse 2007 /  45  € - 294.75 ffr.
Classification : Tous publics

Sortie Cinéma, Pays : Allemagne, 1962-1996
Sortie DVD : Octobre 2007

Version : 1 DVD 9, 2 DVD 5
Format vidéo : PAL, format 1/1,37
Format image : Couleurs et N&B, 4/3
Format audio : Allemand, Son mono PCM
Sous-titres : Français


Bonus :
Aucun

Le coffret contient :
- Machorka – Muff
- Non réconciliés ou Seule la violence aide où la violence règne
- Moïse et Aaron
- Introduction à la «Musique d’accompagnement pour une scène de film» de Arnold Schoenberg
- Du jour au lendemain

L’auteur du compte rendu : Benoît Pupier, est membre du collectif
Cineades.

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C’est un choix thématique qui unit les films de ce premier coffret d’une intégrale (27 films) annoncée en quatre coffrets : l’Allemagne avec des films d’après Heinrich Böll (écrivain allemand, prix Nobel de littérature 1972) et d’après Arnold Schönberg.

Machorka – Muff (1962, 16’51, N&B)
D’après Journal du général Erich von Teuf-Teufzim dans la capitale fédérale de Heinrich Böll.

«Un rêve symboliquement abstrait, pas une histoire.» C’est le carton du pré-générique. Dans la chambre d’un hôtel, un colonel allemand rêve de sa propre gloire : il aperçoit une statue à son effigie. Il marche dans la ville. Il lit les journaux. La reconstitution de l’armée allemande fait débat. Machorka – Muff fréquente Inn, qu’il aimerait épouser. Il a juste une inquiétude, elle est sept fois divorcée.

Inn vient le chercher, il a de la visite. On le nomme général. Il n’a pas d’uniforme ? L’uniforme est déjà là, accroché à un cintre. Machorka – Muff épousera Inn à l’église. Un prêtre précise que les précédents mariages n’ont pas été validés. Du balcon, Inn apercevra ses anciens maris, soldats de l’armée à des grades inférieurs.

Fragments pour un portrait, Machorka – Muff interroge l’histoire allemande. C’est le premier film de Jean-Marie Straub et Danièle Huillet, début d’un long compagnonnage.

Non réconciliés ou Seule la violence aide où la violence règne (Nicht versöhnt oder Es hilft nur Gewalt, wo Gewalt herrscht) (1964-1965, 49’53, N&B)
D’après Les Deux sacrements de Heinrich Böll.

Est-ce un récit ? Est-ce une réflexion historique sur l’Allemagne d’après guerre ? Si les derniers plans marquent un pic dramatique, le film n’est pas construit par un agencement linéaire d’actions. C’est un poème politique. Non réconciliés ou Seule la violence aide où la violence règne construit un jeu de correspondances, d’interrogations, de circulations de personnages. Il joue d’un effet de condensation du matériau romanesque.

Un homme joue au billard. Au petit serveur de l’hôtel, il raconte son histoire. Il est question d’un attentat politique, d’une fuite, cachée par un tapis, des actes de chacun pendant la Seconde Guerre mondiale. Des anciens compagnons se retrouvent, cherchent des nouvelles des anciens du groupe. L’un est mort lors du conflit.

Les discours du Kaiser pendant la guerre imprègnent encore les esprits, ouvrent une béance dans la vie des personnages. La culpabilité est présente. Une secte habite l’hôtel, son but : sauver le monde par le lait de brebis et le tricot. Non réconciliés ou Seule la violence aide où la violence règne est une tragi-comédie. Un architecte raconte comment il gagna le concours pour la construction d’une église face à des architectes célèbres. Il y eut la guerre et sa femme tomba dans la folie...

Moïse et Aaron (Moses und Aaron) (1974, 102’18, couleur)
Opéra en trois actes – inachevé – d’Arnold Schoenberg. Direction musicale : Michael Gielen.

Prologue. Lecture d’un fragment d’une page de la traduction de la Bible par Luther.

Acte I. Vocation de Moïse. Un long plan séquence, magnifique, ouvre le film-opéra. Un temps, la caméra est fixe, derrière l’épaule de Moïse, lentement elle s’élève, montre les gradins du théâtre antique, les roches et la végétation, le ciel, panote pour cadrer la montagne, elle s’immobilise. C’est un plan pour unir la terre et le ciel, pour présenter Moïse comme messager divin. Moïse rencontre Aaron dans le désert. Dieu unique, peuple élu, toute-puissance du Divin, loi de la pensée, Irreprésentable, les frères s’affrontent. Deux visions du pouvoir. Moïse et Aaron annoncent au peuple le message de Dieu. Le peuple débat, s’interroge sur ce Dieu unique, sur l’abandon des autres Dieux, sur le gain de cette conversion. Le chœur de l’opéra porte la voix du peuple. A l’image, c’est un plan d’ensemble. Tout se joue dans le cercle du théâtre antique. Ce Dieu est-il libérateur ? Devons nous l’aimer ou le craindre ? Mais où est-il ? Montre-le nous. Moïse appelle à une découverte intérieure. Moïse transforme le bâton d’Aaron en serpent. Moïse fait apparaître le Mal, la lèpre sur la main d’Aaron et le guérit. Du sang s’écoule d’une jarre. C’est votre sang qui nourrit cette terre, crie Moïse au peuple pour l’affranchir du joug de Pharaon. C’est l’annonce de la terre promise. Deux panoramas, sur le Nil, sur la plaine et la montagne sont comme un espace ouvert, une totalité du monde, une méditation. C’est une présence documentaire.

Acte II. Devant la montagne de la révélation. Quarante jours que nous nous trouvons ici. Combien de temps cela va-t-il encore durer ? Et personne ne connaît le droit et la loi, se lamente le peuple. Quarante jours que nous attendons en vain devant cette hauteur ! Le peuple réclame ses anciens Dieux. Aaron défend Moïse, qui séjourne sur les hauteurs, près de son Dieu. L’Invisible ne vient en aide à personne, répond le peuple d’Israël. Aaron est seul, debout sur une terre aride, écrasé par la contre-plongée qui le filme. Aaron cède, appelle le peuple à vénérer l’Idole, le Veau d’Or. Cette image atteste qu’en tout ce qui vit, un Dieu est. Voici la foule, voici des danses, des rituels, des sacrifices au cœur du théâtre antique.

La beauté du cinéma de Straub & Huillet est de placer en regard la distanciation esthétique du chant, de l’opéra et la réalité brute du lieu, théâtre antique portant l’empreinte du temps et de l’Histoire. C’est la nuit, devant l’autel du Veau d’Or, des corps nus attendent d’être égorgés. Ô or rouge ! Brutalité d’un raccord : un plan d’ensemble, fixe, montre la préparation du sacrifice humain ; un gros plan montre des mains qui vident une écuelle remplie de sang sur la pierre de l’autel. C’est une grande destruction que cette nuit. L’or est domination, chante la foule. Splendeur troublante ! Moïse descend la montagne. C’est la colère face au Veau d’Or. Aaron qu’as-tu fait ? Les frères s’affrontent. Deux chants s’invectivent.

Acte III. Aaron est couché dans la boue aux pieds de deux gardes. Aaron, maintenant, c’est assez, ordonne Moïse. Entre image et idée de Dieu, les frères s’affrontent encore. Servir, servir l’idée de Dieu est la liberté pour laquelle ce peuple est élu, déclare Moïse.

Introduction à la «Musique d’accompagnement pour une scène de film» de Arnold Schoenberg. (1972, 15’43, couleur et N&B)

Quelques plans présentent la lecture de deux textes accompagnés de la musique de Schoenberg (Begleitmusik zu einer Lichtspielscene, opus 34, 1929-1930) : lettres d’Arnold Schoenberg à Wassily Kandinsky, 20 avril et 4 mai 1923 ; discours de Bertolt Brecht au Congrès International des Intellectuels contre le Fascisme, Paris 1933. Nazisme, fascisme, capitalisme, barbarie, démocratie, violence… Ces textes scrutent l’Histoire. Des images d’archives marquent la violence des faits. Et comme dans les deux premiers films du coffret, surgit la difficile reconstruction morale de l’Allemagne d’après guerre.

Du jour au lendemain (Von heute auf morgen). (1996, 59’, N&B)
Opéra en un acte d’Arnold Schoenberg. Livret : Max Blonda. 1929. Direction musicale : Michael Gielen.

L’opéra est filmé en studio, en noir et blanc, comme un vieux film d’Hollywood, à l’opposé de Moïse et Aaron, filmé dans des lieux naturels. Il s’agit là de scènes de la vie conjugale d’un couple en crise, dans le huis clos du salon. Tentations extérieures (lui par une ancienne amie, elle par un célèbre ténor qui lui fait la cour), jalousie, petit jeu de manipulations, reconquête, réconciliation, c’est la petite ronde des gestes amoureux qui est présente au cœur du film. Le spectateur retrouve rigueur, sens du plan et distanciation critique : le film s’ouvre sur un mouvement panoramique présentant la répétition des musiciens devant une scène vide et la salle vide.

Le cinéma de Straub et Huillet ne cherche pas l’identification. Cinéma exigeant, certes. Il en appelle à l’intelligence, au travail de culture, à l’interrogation sociale et historique, à l’écoute. Le format des films, 1/1,37, rappelle le cinéma des origines.


Benoît Pupier
( Mis en ligne le 07/12/2007 )
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