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L'éternel enfant
avec Allain Leprest
 14.99  € - 98.18 ffr.
Classification : Tous publics

Maison de production : Tacet
ASIN : B00GMPW36Q

DVD + CD comprenant :

- DVD inédit du grand entretien entre Allain Leprest et Jean Louis Foulquier (avec Kent, Alexis HK, Claude Lemesle, Loïc Lantoine...)

- CD du spectacle "Ou vont les chevaux quand-ils dorment", spectacle enregistré à l'Alhambra de Paris en Octobre 2013 (avec Jean Guidoni, Romain Didier et Yves Jamait).

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Quel est l'employé de l'université des lettres de Mont-Saint-Aignan dont la postérité se souviendra le plus ? Un fameux président ? Un éminent professeur ? Un inoubliable syndicaliste ? Vous n'y êtes pas. Il s'agit d'un agent d'entretien nommé Allain Leprest. Certes pas pour son maniement du balai... Il y a quand même une certaine jouissance à penser qu'aucun des notables encartés de ce haut-lieu de la respectabilité sociale qu'est l'université ne laissera plus de traces qu'un fils de prolétaire, touché par la grâce poétique, qui s'est arrêté au CAP. Nous parlons là de traces poétiques et non de reconnaissance sociale (statut, argent, média...). Leprest aurait-il d'ailleurs seulement supporté ce type de reconnaissance ? Rien n'est moins sûr.

Le coffret dont il est question ici contient d'une part un DVD permettant de retrouver un entretien avec Allain Leprest, réalisé très peu de temps avant son décès ; d'autre part, un CD musical contenant les chansons du spectacle «Où vont les chevaux quand ils dorment», créé à partir de chansons de Leprest interprétées par Romain Didier, Jean Guidoni et Yves Jamait.

Evidemment le CD, enregistré en direct à l'Alhambra, est une pièce intéressante et il est agréable de retrouver ces textes si puissants. Les interprétations – d'accord, ce n'est pas Leprest – sont touchantes, parfois vraiment fortes. On regrettera que le CD n'ait pas permis que l'intégralité du spectacle y fût gravée. On se consolera en écoutant les chansons cul-sec, ce qui ne fera même pas mal, mec ! On retrouvera quelques grands classiques leprestiens comme Mec justement, C'est peut-être, Y a rien qui s'passe, Ton cul est rond ou S.D.F. Mais on pourra également écouter Mademoiselle sur le pont, une chanson écrite avec et pour Romain Didier, ou Sarment écrite pour Francesca Solleville.

Mais attardons-nous surtout sur le DVD, qui est la pièce maîtresse de ce coffret. Au tout début dudit DVD, Claude Lemesle, célèbre parolier, rappelle ce qu'il avait dit lors de la cérémonie d'enterrement de Leprest : que Dylan et Leprest étaient les deux principaux faiseurs de chansons du XXe siècle. Il n'y a là aucune flagornerie ni même exagération circonstancielle de sa part (même si, en fonction de ses inclinations personnelles, on est évidemment en droit de contester marginalement ce jugement), tant le génie de Leprest est évident à qui lui a prêté l'oreille suffisamment de temps pour que ses mots aient le temps d'éclater en un bouquet d'émotions ; disons 20 secondes. Or, ce personnage, pourtant populaire au meilleur sens du terme (y en a-t-il un mauvais d'ailleurs ?) reste largement méconnu. Ce coffret, qui est l'un des rares documents sur lui (on attend un long-métrage documentaire pour cette année), n'en prend que plus de valeur. Evidemment, il faut faire les choses dans l'ordre et on commencera par écouter les chansons de Leprest (par Leprest) avant d'écouter ses entretiens qui seront surtout utiles à l'amateur éclairé et néanmoins inconditionnel.

Le DVD contient donc un entretien tourné en mars 2011 de Leprest avec Jean-Louis Foulquier, lui-même disparu tout récemment. Notons que Foulquier est un admirateur de très longue date. Il avait demandé à Leprest de lui écrire un disque complet il y a de cela vingt ans. Cette conversation filmée en deux temps, tout d'abord chez Didier Pascalis, le pro- duc et tec -teur de Leprest, et ensuite au Forum Léo Ferré, une salle associative d'Ivry où Leprest avait ses habitudes. Ces deux moitiés d'entretien sont séparées par l'interprétation par Leprest du Temps de finir la bouteille, accompagné par Nathalie Miravette. La discussion est entrecoupée de brefs points de vue d'autres intervenants (Romain Didier, Kent, Loïc Lantoine, Alexis HK). Le film, qui dure une heure, est organisé par chapitres plus ou moins chronologiques partant de l'«Enfance» et allant jusqu'à la «Reconnaissance» en passant par l'«Apprentissage». D'autres chapitres parlent par exemple de la «Méthode» Leprest.

Ceux qui connaissent bien le personnage et qui ont vu ou écouté certaines de ses interviews n'apprendront pas énormément sur les aspects purement factuels. Néanmoins certains éléments sont sûrement moins connus du public, sur sa technique d'écriture par exemple (Leprest n'utilisait jamais de dictionnaire et procédait par emmagasinage/tamisage de jour et accouchement nocturne – on savait déjà que c'était un travailleur acharné), sur sa position d'enfant sandwich et l'influence qu'elle a pu avoir sur lui, ou encore sur l'importance qu'a eu pour lui l'Olympia d'Adamo. A un moment de l'interview, Leprest dit la préférence absolue qu'il a de parler d'événements achevés et non présents. Il évoque ainsi sa prédilection pour les chansons liées à l'enfance, enfance dont on se dit, à bien le regarder, que Leprest ne l'aura jamais vraiment quittée... On notera aussi qu'il situe la profession de son père comme agent d'entretien et magasinier alors qu'il parlait plus volontiers de menuisier habituellement (son père fut les deux). Est-ce symptomatique d'un moindre souci de «respectabilité», non seulement accepté avec l'âge mais même revendiqué ? Notons que Leprest ne s'est pas non plus caché sur ce point comme le rappelle l'un de ses tout premiers textes, Papa, qui commence par «Tu balayes des cigarettes dans une faculté des Lettres»... et nous voilà revenus à notre question liminaire.

Romain Didier, à l'occasion de ses quelques interventions, évoque l'artiste au travail et décrit le moment de la cristallisation du texte comme un précipité chimique. Mais il parle aussi sans détour du «défaut» musical de Leprest et de son génie d'interprétation qui induisent de grandes différences entre le Leprest sur scène et sur disque. A la fin du film, Foulquier insiste lourdement, même si tendrement, sur les paradis artificiels, liquides et gazeux, de Leprest et la fragilité qu'ils démontrent... Mais Leprest, visiblement peu enclin à développer sur ce sujet, s'en sort mieux que bien et développe sur la forme d'alcool la plus encline à faire naître la poésie qu'est l'amour. Et puis le mot n'est-il pas suffisamment dopant ? L'entrevue se conclut sur la perspective de la mort et Leprest s'en tire une fois encore avec délicatesse et élégance.

Signalons pour finir que ce DVD donne, ce n'est pas si fréquent, l'occasion de voir des tableaux de Leprest, homme aux mille talents. Alors, bien sûr, on conseille ce document. Comme toujours, le charme et l'évidence d'Allain Leprest s'imposent dès les premières secondes. Il suffit d'ouvrir les yeux et les oreilles.


Alexandre Pavin
( Mis en ligne le 18/04/2014 )
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