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La langue de Molière
avec  Collectif
Editions Montparnasse 2008 /  99.99  € - 654.93 ffr.
Classification : Tous publics

Sortie Cinéma, Pays : France, 1997-2003
Sortie DVD : Novembre 2008

Version : 17 DVD 9, Zone 2
Format vidéo : PAL, format 1.33
Format image : Noir et blanc, Couleurs, 4/3
Format audio : Français stéréo
Sous-titres : Aucun


Acteurs : Catherine Ferran, Jean Dautremay, Anne Kessler, Philippe Torreton, Igor Tyczka, Cécile Brune, Nathalie Nerval, Christian Blanc…

Le coffret comprend les pièces suivantes :
- Le Tartuffe
- Les Précieuses ridicules
- Les Femmes savantes
- Les Fourberies de Scapin
- L'École des femmes
- L'Impromptu de Versailles
- Le Misanthrope
- Le Mariage forcé
- L'Avare
- Le Bourgeois gentilhomme
- L'École des maris
- Le Malade imaginaire
- Monsieur de Pourceaugnac
- Sganarelle ou le Cocu imaginaire
- Dom Juan
- Amphitryon.

Bonus :
- Le livre référence : Molière, par Christophe Mory, Editions Gallimard collection Folio
- Un livret d’accompagnement : La Maison de Molière, 32 pages

L'auteur du compte rendu : Scénariste, cinéaste, Yannick Rolandeau est l’auteur de Le Cinéma de Woody Allen (Aléas) et collabore à la revue littéraire L'Atelier du roman (Flammarion-Boréal) où écrivent, entre autres, des personnalités comme Milan Kundera, Benoît Duteurtre et Arrabal.

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Les anglais ont Shakespeare et les français ont Molière. Molière La Collection est un coffret unique réunissant les dix-sept plus grandes pièces de Molière mises en scène et interprétées par les Comédiens français entre 1997 et 2003.

Encore Molière, dira-t-on ? Oui. Triplement oui tellement en regardant les DVD, on se surprend par des répliques qui font encore mouche. C'est précisément la force des chefs d'oeuvres que de pouvoir être vus et revus un nombre incalculable de fois. Rappelons pour le plaisir cette lucidité de Célimène dans Le Misanthrope :

«Et ne faut-il pas bien que Monsieur contredise ?
À la commune voix veut-on qu'il se réduise,
Et qu'il ne fasse pas éclater en tous lieux
L'esprit contrariant qu'il a reçu des cieux ?
Le sentiment d'autrui n'est jamais pour lui plaire;
Il prend toujours en main l'opinion contraire,
Et penserait paraître un homme du commun,
Si l'on voyait qu'il fût de l'avis de quelqu'un.
L'honneur de contredire a pour lui tant de charmes,
Qu'il prend contre lui-même assez souvent les armes;
Et ses vrais sentiments sont combattus par lui,
Aussitôt qu'il les voit dans la bouche d'autrui.»


Il y aurait tant à dire sur un tel passage... Quelle sensibilité et quelle intelligence déployées dans cette belle langue... qui est la nôtre. Molière se caractérise par cette incroyable conjonction de lucidité, de simplicité et de sensibilité. Il est même dérangeant aujourd'hui encore, comme dans Les Femmes savantes quand il se moque de ces femmes qui se piquent par vanité de penser à l'égal des plus ennuyeux penseurs alors que d'autres veulent tout simplement se marier et être amoureuses. On se demande comment les féministes n'ont pas encore fait un procès à cette pièce même si Molière n'est pas misogyne une seconde ; comme à son habitude, il se moque des postures de son époque... qui sont aussi les nôtres. Car le grand thème chez Molière est cette critique radicale des illusions humaines, ces étranges choses que l'on croit réelles alors qu'elles ne le sont pas.

Du Malade imaginaire au Misanthrope en passant par Tartuffe et le Bourgeois gentilhomme, le génial Molière ironise férocement sur les lubies qui s’emparent des êtres humains et du grotesque qui en résulte à force de se croire autre qu'ils ne sont. Dans L’Avare, Harpagon qui aime tant l’argent enferme celui-ci dans une cassette pour n’en jouir jamais concrètement. Aussi étranges que cela puisse paraître, les passions ont pour objet ces choses abstraites.

Frasques, toquades, passades, folies, errements traversent les pièces de Molière, et investissent les consciences de ses personnages. C'est ce grotesque et ces énormités que Molière "fustige" afin de nous faire rire, même si, en arrière plan, il y a une infinie mélancolie devant tant d'irréalisme, de bile et de haine de l'autre et de soi. Car le plus terrible est que les hommes et les femmes préfèrent bien souvent l'image à la réalité des choses, la représentation à la lucidité, voir par les yeux d'autres que par les siens propres, comme Monsieur Jourdain. Le rire chez Molière est le contrepoison qui nous évite de sombrer définitivement, pour nous faire prendre du recul, de la distance car seul ce rire-là permet de donner un peu de grâce après nous avoir tourné en ridicule. Molière n'est-il pas d'ailleurs une sorte de Woody Allen français ? Il y aurait beaucoup de parallèles à faire par exemple entre Le Bourgeois gentilhomme et Escrocs mais pas trop, au sujet de l'arrivisme et les lubies sociales. Il n’est pas étonnant non plus que Balzac fut un grand admirateur de Molière.

Voilà donc 17 DVD pour se rendre compte de la force, de la beauté et de la grandeur de Molière (et de sa vie aussi). Certaines pièces comme L'Avare et Tartuffe sont présentées dans deux mises en scène, une en 1997 et la seconde en 1973 (déjà parue aux éditions Montparnasse) pour la dernière. Rendons hommage à ce beau monde qui, avec plus ou moins de bonheur, célèbre le génie du dramaturge. Le tout est mis en scène par Jacques Charon, Georges Bensoussan, Jean-Luc Boutté, Simon Eine, Éric Vigner, Jean-Louis Benoit, Anatoli Vassiliev, Jacques Lassalle, Thierry Hancisse, Philippe Adrien, Claude Stratz, Catherine Hiegel, Andrei Serban, Jean-Luc Boutté, Jean-Pierre Miquel, Andrzej Seweryn. Nous voyons également défiler des acteurs et actrices aussi différents que Philippe Torreton, Jacques Charon, Robert Hirsch, Denise Gence, Bruno Putzulu, Denis Podalydès…

Du beau monde qui s'attache à rendre Molière vivant et captivant. Il y a bien sûr des réussites et des ratages... D'un côté, des pièces comme Les Femmes Savantes, Tartuffe, Les Fourberies de Scapin montrent le travail accompli et la sûreté légendaire de la Comédie française dans ce répertoire. Ici ou là, la mise en scène peut sembler ratée, grotesque et cérébrale, là où il fallait de la simplicité (Amphitryon), ou exagérée (Don Juan). Celle du Misanthrope affiche des décors modernes et un peu austères qui laissent une impression étrange. Pourquoi, comme à l'opéra aussi, cette obsession de la modernisation ? Sous couvert de dépoussiérage, on tombe bien souvent dans un nouveau et malheureux académisme.. Si une pièce est si pertinente en elle-même, elle peut s'adapter à toute époque sans que le metteur en scène n'ait à le souligner exagérément. Cette collection aurait pu privilégier ainsi des mises en scènes anciennes qui ne déméritent nullement par rapport à ces captations "modernes". L'important n'est-il pas au final la qualité ?

Mais ces DVD, faute d'avoir pu aller voir les pièces, méritent un grand détour, pour entendre le texte de Molière. On le sait, lire le texte et le comprendre est déjà un pas essentiel mais voir les pièces est l'acte final qui rend toute la force et la mesure d'un tel génie. Ce coffret est alors indispensable pour mesurer toute la portée de cette oeuvre et de cet art. Dans l'ensemble, c'est impressionnant de rigueur et voir ces pièces les unes après les autres donne une vue globale du génie de Molière. La réussite est là.


Yannick Rolandeau
( Mis en ligne le 17/12/2008 )
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